L’ex-Minefi qui dit être prison sur la base de la calomnie, du mensonge et de la diffamation accuse vertement Amadou Ali. Il n’a pu déjouer le complot politique ourdi contre lui par ses adversaires.
Polycarpe Abah Abah paye-t-il aujourd’hui la rançon de ses écarts de gestion à l’époque où il était aux affaires ou, comme le pense une opinion de plus en plus répandue, est-il victime des ambitions politiques et pouvoiristes - supposées ou réelles - qu’on lui prête ? Le débat sur la polémique est tranché sur le vif par l’ex-ministre de l’Économie et des finances en personne et ses avocats. Une thèse que conforte par ailleurs la tournure à la fois rocambolesque et scandaleuse que prennent les procédures judiciaires engagées contre lui.
C’est Polycarpe Abah Abah qui, en premier lieu, monte au créneau le 25 octobre 2011 devant la barre de la cour d’appel du Centre : « Je suis en prison depuis près de quatre ans, révèle-t-il, sur la base de la calomnie, du mensonge [politique] et de la diffamation » Et de poursuivre : « des mensonges ont été dits à propos des milliards que j’aurais planqués à l’étranger. Qu’on me sorte des comptes bancaires qui attestent de l’existence de ces milliards. Tout cela, martèle-t-il, n’est que mensonge et je suis sûr que leurs auteurs sont à l’écoute. Je n’ai pas détourné, je ne dispose d’aucun compte à milliards. Je mets au défi quiconque pourrait apporter la moindre preuve de l’existence de ces comptes à milliards. Ça été une campagne de calomnie destinée à jeter l’opprobre et le discrédit sur moi. Les auteurs de ces mensonges sont connus ».
Pour accréditer la thèse d’un complot politique ourdi contre lui par ses adversaires, Abah Abah fait encore des renversantes révélations : « je suis un homme dont la vie est brisée, la famille détruite par des individus qui savent pourquoi j’ai été arrêté. J’ai été arrêté sans qu’il y ait eu au préalable une enquête de la police ou de la gendarmerie, sans un rapport de la Conac, sans un rapport de l’Anif et sans que le Fmi ait à me reprocher quoi que ce soit. Personne ne m’a accusé de détournement de fonds. On vous pompe des mensonges prétextant que j’ai des comptes à milliards à l’étranger. Mais, je sais pouvoir compter sur votre expérience de juge et votre sagesse », qu’on ne vous dise pas que c’est le président Biya qui a demandé d’engager les poursuites contre moi.
En novembre 2011, l’ex-Minefi pointe un doigt accusateur sur l’ex-Garde des sceaux comme auteur de ces mensonges. À travers une correspondance adressée à Amadou Ali, Polycarpe Abah Abah dénonce le complot dont il est victime et envisage de donner une suite judiciaire aux dénonciations calomnieuses et autres diffamations dont il se dit victime de la part de l’ex-Minjustice. Il estime qu’à des fins de manipulation et pour des raisons autrefois inavouées et qui sont désormais connues, Amadou Ali n’a pas dit la vérité au chef de l’État à son sujet.
1 200 000 francs suisses
Se prononçant récemment sur le cas Abah Abah et la manière dont l’ « Opération épervier » est menée, Me Nouga est acerbe : « Nous pensons que l’« Opération épervier » telle qu’elle est menée est mal menée. Elle n’est qu’un prétexte à toutes sortes d’accusations et contre les membres du gouvernement et contre le gouvernement lui-même et qui pourrait laisser croire qu’ils utilisent cette opération pour soutenir le président de la République dont les résultats sociaux sont manifestement contestables. Donc ça peut également être une partie de l’entourage du président de la République qui, voyant des gens brillants émerger comme Abah Abah et ayant peur d’avoir à discuter éventuellement la succession avec ces gens, cet entourage se met à les attaquer et de toutes les manières pour qu’ils soient mis hors course. C’est pour ça que-je ne suis pas le seul à le dire ; on considère cette Opération comme une Opération politique. Il y a beaucoup de hauts responsables sur lesquels pèsent d’importantes accusations et qui ne font l’objet d’aucune poursuite, y compris dans les dossiers qui sont pendants à l’heure actuelle. Donc tout cela laisse croire que cette « Opération épervier » n’est pas crédible. »
Par ailleurs, sa condamnation en l’absence de ses avocats le 19 juin 2012, à 06 ans de prison pour délit d’évasion aggravée, est perçue comme une autre preuve de la cabale contre lui. Selon ses avocats, son crime est de s’être retrouvé à son domicile à Odza le 11 mai 2012 accompagné de son chef d’escorte, après un rendez-vous manqué avec son dentiste. Il devait récupérer de la nourriture, sans aucune intention de s’évader. Il sera le même jour enlevé par des éléments cagoulés de la Dgre et séquestré pendant 06 heures. Aussitôt condamné, il sera déporté parce que jugé dangereux et réduit à l’isolement à la prison du Sed, son nouveau lieu de détention depuis lors.