Incarcéré depuis le 16 avril 2012, après avoir déconseillé à Paul Biya de se présenter à l’élection présidentielle d’octobre 2011, il demande aujourd’hui son départ.
Si pour Paul Biya, il n’y a pas de prisonniers politiques au Cameroun, il y en a au moins un qui se considère comme un prisonnier politique: Marafa Hamidou Yaya. Depuis son incarcération à la prison centrale de Kondengui le 16 avril 2012 avant d’être brutalement transféré à la prison du Secrétariat d’État à la défense, il a publié de nombreuses lettres mettant directement en cause le chef de l’État et son entourage qu’il accuse d’ailleurs d’avoir manœuvré pour accélérer son arrestation. Aujourd’hui, il ne cache plus son ambition présidentielle.
Malgré sa condamnation à 25 ans de prison en compagnie de son ami, Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya persiste à nier toute implication dans le détournement des 31 millions de dollars destinés à l’acquisition de l’avion présidentiel. Il s’est agi d’un procès politique. A-t-il décidé de l’acquisition d’un avion présidentiel ? Non, c’est Paul Biya. A-t-il choisi de négocier avec Gia ? Non, ce fut une décision collective, approuvée par l’État major particulier du chef de l’État. A-t-il ordonné le virement de 29 millions de dollars dans les comptes de Gia International sans garantie ? Non, il s’y était opposé.
La décision de virer l’argent a été prise par Michel Meva’a m’Eboutou avec l’accord de Paul Biya. L’avion était-il prêt dans les ateliers de Boeing ? Oui, mais l’État du Cameroun a refusé de le réceptionner pour acquérir un 767. Tous ces éléments permettent aujourd’hui de douter de l’implication réelle de Marafa Hamidou Yaya dans le détournement de la somme de 31 millions de dollars destinés à l’acquisition de l’avion présidentiel, s’il y en a eu un. D’ailleurs, il n’a été condamné que comme « co-auteur intellectuel ». Rien de plus !
Cet homme né en 1952 et qui a atteint les plus hautes sphères de l’État a aujourd’hui toutes les raisons de penser qu’il est un prisonnier politique. Il raconte d’ailleurs dans sa première lettre les discussions qu’il a eues avec l’actuel directeur du cabinet civil, Belinga Eboutou quelques mois avant l’élection présidentielle, sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2011, après qu’il ait clairement déconseillé Paul Biya de prendre un nouveau mandat après son tripatouillage de la constitution en mars 2008. Son arrestation le 16 avril 2012 semble d’ailleurs avoir été largement préparée par deux personnes : Paul Biya et Amadou Ali.
Au mois de février 2009, le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé, en charge du dossier relatif à l’acquisition de l’avion présidentiel demande au Délégué général de la sûreté nationale, Emmanuel Edou de lui retirer son passeport. À cette date, il se trouvait à l’Est Cameroun dans le cadre d’une rencontre avec les Centrafricains sur la sécurité de la frontière et devait se rendre en Afrique du Sud pour assister à une conférence des ministres africains de l’Administration territoriale. Il a dû avoir recours à Paul Biya pour se voir restituer son passeport. En février 2010, selon un câble diplomatique publié par le site WikiLeaks, il a fait part de ses inquiétudes à Janet Garve à Yaoundé en ces termes : « Je peux me retrouver en prison ! »
Arrestation
Pour pousser la bataille jusqu’à la mort, Amadou Ali envoie discrètement le 13 octobre 2008 le magistrat Salatou, inspecteur à la chancellerie d’origine Kanuri. Ce dernier doit rencontrer le juge fédéral suisse Edmond Ottinger, chargé de la procédure suisse pour laquelle Yves Michel Fotso est poursuivi, afin de l’influencer et le corrompre pour citer Marafa Hamidou Yaya dans son rapport. Cette démarche ne prospère pas.
Cependant, les luttes et batailles d’Amadou Ali
rejoindront également celles d’un homme : Paul Biya, président de la
République depuis le 6 novembre 1982. Marafa Hamidou Yaya et lui ont
travaillé ensemble pendant 17 ans. L’erreur fatale de l’ancien
secrétaire général de la présidence de la République, c’est d’avoir
tenté de s’émanciper. Allant jusqu’à s’opposer à un dernier mandat du
chef de l’État. Jugeant que c’était « le mandat de trop ». Paul Biya
n’aime pas cela et il ne le lui a certainement jamais pardonné. Et
Marafa le sait bien.
Il affirme clairement être « porteur d’un projet mettant en avant les
exigences de paix et de justice permettant de bâtir une société de
confiance ». C’est clair, il veut affronter le chef. Malgré sa
condamnation à 25 ans de prison accompagnée de huit années de déchéances
de droits civils, il ne compte pas lâcher. D’ailleurs, après avoir été
reconnu coupable, il a lancé au président de la collégialité Gilbert
Schlick, « un peu déçu, mais pas vaincu ». La lutte continue.