Des marchés douteux signés par Ngo'o lorsqu'il était à la Défense
Source : Camerounweb 31 07 2017
Paris, 2014. Ils sont nombreux, cette année-là et les précédentes, à s'être fait arroser par Robert Franchitti, le patron de MagForce, une société d'équipement militaire qui vend uniformes, rangers, menottes, tonfa, torches, etc.
Le colonel Mboutou, chargé des marchés de l'armée au Cameroun, fait partie de ceux qui en ont profité, tout comme le conseiller gouvernemental camerounais, le très influent Maxime Mbangue. Tous deux sont des proches d'Alain Mebe Ngo'o, ministre de la Défense de 2009 à 2015, devenu depuis le ministre des Transports du pays.
Enveloppes de cash, costumes de luxe, nuits dans des palaces parisiens… Robert Franchitti a toujours soigné ses intermédiaires en vue de décrocher des marchés en Afrique, où le Cameroun occupe une place toute particulière. À un point tel que la presse locale a souvent grincé, ces dernières années, de l'omniprésence de MagForce, toujours là pour signer des marchés avec le ministère de la Défensecamerounais pour des millions d'euros…
Des contrats d'intermédiaires libellés au nom de leurs épouses
En matière de pots-de-vin, Robert Franchitti ne lésine pas. En perquisitionnant dans les locaux de sa société, les enquêteurs français ont ainsi découvert qu'il rémunérait des hauts gradés de la police camerounaise via un contrat d'intermédiaire établi – pour plus de discrétion – au nom de leur épouse...
Des précautions superflues, lesdits policiers ne s'encombrant pas de discrétion dans leurs échanges avec le patron de MagForce : « Bonsoir monsieur Robert, c'est Maurice, de la police camerounaise. Voici les numéro utiles pour les virements des commissions à la hiérarchie de la police », lit-on dans un e-mail de décembre 2011.
Moins connues sont les relations très amicales entretenues par Robert Franchitti au plus haut niveau, notamment avec le ministre des Transports en personne, Alain Mebe Ngo'o. En témoignent de nombreuses interceptions téléphoniques réalisées par les policiers de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) en 2014. Les deux hommes sont à tu et à toi, discutent de la guerre contre Boko Haram (« Sur le terrain, nous avons bien repris l'initiative »), philosophent sur le couple Hollande-Gayet qui vient d'être découvert (« Tu vois, Alain, (...) comment il faut être prudent avec ces histoires de femmes »), ou encore de l'état de forme de l'ancien président Nicolas Sarkozy (« Toi, tu es un politique. Tu sais qu'en politique, on n'est jamais fini »).
Le fils du ministre des Transports camerounais hébergé à Paris par Franchitti
Les policiers de l'OCRGDF balaient ces commérages, et découvrent également d'étranges conversations entre Mebe Ngo'o et Robert Franchitti. Interrogé sur ces dernières en garde à vue, Robert Franchitti confiera louer un appartement sur l'île de Jatte, à Levallois-Perret, au fils du ministre des Transports camerounais, Didier Mebe. « Bernadette, la femme de Mebe, souhaite acheter l'appartement que je lui loue et je propose à Mebe de lui faire une remise sur les loyers en baissant le prix de l'appartement », confie Franchitti.
Avant de poursuivre : « Il s'agit de faire baisser le prix de l'appartement en défalquant les loyers lors de l'acquisition. L'appartement vaut un million d'euros environ. Quand je parle [sur les écoutes téléphoniques, NDLR] de justification pour être bien protégé, c'est parce qu'il ne peut pas acheter officiellement. »
Le patron de MagForce, habitué à faire des affaires « depuis dix ans » avec le ministre, est également aux petits soins avec son fils. Aussi, lorsque celui-ci lui fait part, au téléphone, d'un problème de frigo – « maman m'a dit de voir avec toi, évidemment, papa est au courant » –, Robert Franchitti s'empresse de lui en payer un nouveau : « Il n'y a pas de soucis, tu m'emmènes la facture et puis c'est tout. »
La générosité du marchand d'équipement militaire a cependant ses limites. Aussitôt après avoir promis à Didier Mebe le remboursement de son réfrigérateur, Franchitti appellera une de ses employées pour lui ordonner de préparer le chèque. Amusée, celle-ci répondra : « Si vous voulez me payer le même, Robert, ne vous gênez pas ! » Ce à quoi l'intéressé rétorquera : « Je vais en parler à mon cheval, on verra ce qu'il en pense ! »
Nous avons tenté de joindre l'ex-ministre camerounais, notamment par l'intermédiaire de l'ambassade, sans succès.