Des hommes politiques réagissent à la rencontre Biya – Fru Ndi
Bamenda : Paul Biya reçoit John Fru Ndi
Le 10 décembre dernier, le leader du principal parti politique d’opposition au Cameroun et le chef de l’Etat ont parlé d’Elecam.
Ce n’est pas tous les jours que l’on voit Ni John Fru Ndi, le chairman du Sdf, en costume et cravate.
C’est pourtant la tenue qu’à choisie le leader du principal parti politique d’opposition du Cameroun, pour sa rencontre du 10 décembre à Bamenda, avec le chef de l’Etat. Sur invitation de Paul Biya, John Fru Ndi s’est rendu à la résidence présidentielle située au quartier Up-station à Bamenda, à la tête d’une délégation de 12 personnes : des députés et des membres du Shadow cabinet, le gouvernement fantôme du Sdf.
A la fin du tête-à-tête de 35 minutes, John Fru Ndi a expliqué en anglais que c’est la première fois qu’il rencontre Paul Biya. « Le mutisme politique est rompu. C’est une nouvelle étape dans nos relations. Je suis heureux d’avoir été reçu par le président de la République, mais ça ne change rien pour moi, je continue ma vie comme avant. Bamenda nous a donné l’opportunité de nous rencontrer », a-t-il dit. Fru Ndi a ensuite expliqué que « Si nous avons mis autant de temps avant de nous voir, c’est parce que plusieurs personnes ont envenimé nos relations ». Parmi les sujets de discussion du 10 décembre, « nous avons parlé d’Elecam. A cause des contraintes de temps, nous n’avons pas pu discuter plus longtemps. Mais, maintenant que les choses sont claires, nous continuerons nos discussions une autre fois. Le dialogue a commencé», a déclaré Fru Ndi.
Parlant d’Elecam, John Fru Ndi dit avoir expliqué au chef de l’Etat pourquoi il estime qu’Elecam, dans sa forme actuelle, ne peut satisfaire aux exigences d’une élection claire et transparente. Il dit être revenu sur les conditions minimales, selon le Sdf, pour l’organisation des élections acceptables au Cameroun. Il s’agit de 11 points répertoriés par le Sdf, plusieurs fois expliqués aux journalistes et consignés dans un document. Ce document a d’ailleurs été remis au chef de l’Etat à la fin de la rencontre.
Dans une interview accordée au Jour le 7 décembre à Bamenda, John Fru Ndi avait, une fois de plus, souhaité la mise sur pied de « cartes d’électeurs biométriques pour sécuriser les inscriptions et le vote des Camerounais ». A la question de savoir s’il encourage ou non les électeurs à s’inscrire sur les listes électorales, Fru Ndi a répondu « Si les Camerounais ne s’inscrivent pas sur les listes électorales, ce n’est pas parce que Fru Ndi a dit de ne pas s’inscrire. C’est parce qu’ils savent que ce qu’Elecam fait est faux. Les chiffres annoncés sur le terrain sont falsifiés ».
A la fin du tête-à-tête entre Paul Biya et Fru Ndi, les autres membres de la délégation, à l’exemple d’Elisabeth Tamanjong, le Sg du parti ou encore Simon Fobi, le vice-président de la commission des Finances et du budget de l’Assemblée nationale, ont été présentés au chef de l’Etat.
Anne Mireille Nzouankeu
Grégoire Owona, secrétaire Général adjoint du Comité central du
Rdpc : «La rencontre Biya-Fru Ndi consacre la détente et la
convivialité dans la politique»
Il y a encore à dire sur la rencontre historique entre le Président de
la République et le Chairman du Social democratic front (Sdf). Je
partage largement l’avis qui voudrait que cette date du 10 décembre 2010
« restera gravée dans les annales de l’histoire politique du Cameroun
comme celle ayant consacré (leur) tout premier tête-à-tête »…
Maintenant, il convient de rappeler que si cette rencontre ne s’est pas
faite plus tôt, c’est surtout du fait de l’une des parties qui avait
apparemment du mal à reconnaître que le Président de la République est
une Institution, la première d’entre toutes celles qui existent dans une
République normale. Cette partie là avait aussi mis un terme au
dialogue avec le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc)
de manière un peu brutale il y a quelques années, au point où certains
dans nos rangs et même au sein du corps social avaient fini par croire
que le Sdf faisait assaut de mauvaise foi et fermait systématiquement
les voies du dialogue. Et pour cause : le président Biya, dans le cadre
de sa politique de démocratie apaisée, n’a eu de cesse de tendre la main
aux partis d’opposition, de prôner le dialogue et la tolérance mutuels.
Au total, la rencontre du 10 décembre à Bamenda me semble porteuse
d’espoir à plus d’un titre. Elle signale, je l’espère et le souhaite du
moins, que tout le monde est désormais acquis à la logique
institutionnelle et que la logique insurrectionnelle est définitivement
abandonnée, en même temps qu’elle consacre la détente et la convivialité
dans la politique, telle qu’elle doit se faire chez nous aussi. Le
président Biya nous y invite chaque jour. Il est heureux qu’il nous en
ait fait la démonstration aussi.
Anicet Ekané, militant du Manidem : «Biya et Fru Ndi semblent
s'accorder sur la tentative de balkanisation des partis politiques au
Cameroun»
Nous nous réjouissons de cette première rencontre protocolaire et
publique entre le chef de l'Etat et le responsable du principal parti de
l'opposition. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Il faut donc
encourager le chef de l'Etat à persévérer dans cette voie. Celle du
dialogue et de la concertation, l'unique voie qui peut permettre à notre
pays face aux défis et aux enjeux de l'heure, de s'inscrire dans une
dynamique de changement démocratique véritable. Il faut donc espérer et
souhaiter que cette rencontre inaugure une autre ère, celle où seront
bannies la diabolisation et la stigmatisation des leaders politiques qui
ne partagent pas les orientations politiques du pouvoir.
Le Manidem, notre parti, s'est toujours prononcé de façon claire pour
des échanges permanents entre les différentes forces vives de la nation,
malgré nos divergences idéologiques, politiques et stratégiques.
Il faut cependant relever qu'en recevant Fru Ndi à Bamenda, le Chef de
l'Etat semble vouloir confiner ce parti à cette région du pays. Notre
inquiétude est d'autant plus forte que Fru Ndi emboîte le pas à ce
confinement régional de son parti. En effet, il y a de quoi s'étonner
sérieusement que toute la délégation du Sdf qui rencontre le Chef de
l'Etat est composée des Camerounais originaires de cette région. Une
douzaine de responsables du Sdf qui accompagnent Fru Ndi sont du
Nord-Ouest.
Biya et Fru Ndi semblent s'accorder sur la tentative de balkanisation
des partis politiques au Cameroun. Or, les situations dramatiques que
vivent les populations de certains pays africains, à l'instar de la
Côte d'Ivoire, démontrent, s'il en était encore besoin, que c'est une
voie politiquement erronée et civilement dangereuse.
Banda Kani, homme politique : «Paul Biya et Fru Ndi doivent aller au-delà de cette rencontre »
C’est une bonne chose. C’est un peu tardif mais il n’est jamais trop
tard pour bien faire. Il était temps que nous sortions de cette guerre
de tranchée, en vérité hypocrite, que se livrent les acteurs de la scène
politique camerounaise, et principalement la majorité et le principal
parti de l’opposition. Il était temps de sortir de cette fausse guerre
de tranchée qui ne permet pas de poser sur la table les véritables
problèmes du Cameroun et un véritable débat politique, pour parler des
véritables perspectives du pays et du peuple. Nous félicitons cette
initiative du chef de l’Etat et du président John Fru Ndi. Seulement, il
faut aller au-delà, ça ne doit pas être juste une opération cosmétique
pour la circonstance parce qu’on était à Bamenda. Il faut que cette
rencontre nous permette de sortir enfin du processus de démocratisation
pour entrer dans la construction de la démocratie dans notre pays.
Celle-ci doit embrasser tous les aspects de la vie nationale tant sur le
plan politique, économique, social que culturel. Parce que la
démocratie est un tout, il ne faut pas la saucissonner sinon elle va
perdre son essence. Pour ce qui nous concerne, nous sommes engagés, nous
sommes dans l’action pour amener tous les acteurs politiques à hisser
leur démarche au niveau de l’enjeu dans le processus.
Dr. Victorin Hameni Bieleu, président national de l'Ufdc : « Nous ne trouvons aucune portée historique à cette rencontre»
En marge des cérémonies commémoratives du cinquantenaire de nos forces
armées, le président Paul Biya a accordé une audience au leader du
Social democratic front (Sdf) M. Ni John Fru Ndi et pour cela, a même
prolongé son séjour dans la région du Nord-ouest. Cette rencontre est
perçue par une frange de l'opinion nationale comme étant exceptionnelle,
voire historique. Nous pensons quant à nous que ceci vient un peu tard
et qu'il y a eu beaucoup d'occasions manquées qui auraient dû permettre
au pays tout entier de prendre position et même d'affirmer son unité
dans les périodes exceptionnelles, notamment pendant le conflit de
Bakassi durant lequel l'opposition aurait fait montre de son patriotisme
qui est aussi grand que celui des tenants du pouvoir actuel. C'était
une occasion manquée. Nous pensons également qu'un président de la
République qui prône une démocratie apaisée aurait pu trouver une
occasion pour rencontrer les Camerounais qui ne partagent toujours pas
ses opinions sur la manière de gérer le pays. En 28 ans de pouvoir, le
président n'a trouvé aucune occasion de rencontrer l'opposition
camerounaise, ce qui est ressenti par celle-ci comme un mépris que le
chef de l'Etat camerounais manifeste pour ses concitoyens. Nous ne
trouvons aucune portée historique à cette rencontre qui n'arrive que
trop tard.
Pierre Abanda Kpama, président du Manidem : « Paul Biya doit rencontrer tous les leaders politiques de poids»
Le Manidem apprécie la rencontre que Monsieur Fru Ndi et Monsieur Paul
Biya ont eue à Bamenda vendredi dernier. On dit mieux vaut tard que
jamais. Il y a longtemps les observateurs de la scène politique
camerounaise attendaient que le chef de l’Etat rencontre au moins le
leader du principal parti de l’opposition politique camerounaise. La
voie est donc ouverte. Il faut souhaiter que Monsieur Biya continue dans
cette voie, qu’il rencontre d’autres dirigeants de l’opposition et de
manière générale, tous les leaders des forces politiques et sociales qui
comptent dans le pays. Nous pensons que notre pays a des problèmes et
des dérives qui l’interpellent et que des solutions durables à ces
problèmes ne peuvent être trouvées que s’il y a dialogue et concertation
entre le pouvoir et les forces vives de la nation. La diabolisation et
la stigmatisation de l’opposition et des opposants a fait beaucoup de
dégâts dans notre pays, en ce sens que celle-ci a digité profondément le
pays. Et un pays digité ne peut pas avancer, ne peut pas progresser.
Nous souhaitons donc et nous attendons que Monsieur Biya continue dans
cette voie qui s’est enfin ouverte.
Saidou Maidadi, secrétaire général de l’Alliance des Forces
Progressistes (Afp) : « Cette rencontre est au seul avantage de Paul
Biya »
En marge des festivités du cinquantenaire des armées à Bamenda, le
Président du Social démocratic front (Sdf) a été reçu par le Chef de
l'Etat, Paul Biya. Chacun y est allé de sa verve pour qualifier ou
donner un sens à cette rencontre. Que n'a-t-on pas entendu ? II faut
comprendre, sans ambages, que cette rencontre est au seul avantage de
Paul Biya, John Fru Ndi, élite du Nord-Ouest, a peut être eu raison de
rencontrer le Chef de l'Etat Comme toutes les autres élites de cette
partie du pays l'ont fait. Seulement, en acceptant cette rencontre à
Bamenda, dans ce cadre et à ce moment là, John Fru Ndi à cause d'un
mauvais timing, a accepté de sacrifier sa casquette de leader de
l'opposition à lui attribuée et de challenger de Paul Biya pour se
contenter de cette d'élite du Nord-Ouest. Il faut noter que toute sa
délégation n’était composée que de membres du Sdf originaires du
Nord-Ouest.
La rencontre entre le Chef de l'Etat et son opposition est quelque
chose de normal voir même obligatoire à des périodes charnières de la
vie de la nation mais cela ne doit nullement se faire selon les seuls
desiderata du Chef de l'Etat. Les responsables de l'opposition non plus
ne doivent pas se précipiter pour aller, ventre à terre, à sa rencontre
sans que les contours politiques d'une telle rencontre ne soient
clairement définis
S'agissant d'une supposée entrée du Sdf au gouvernement, pour qui
connaît bien le mode de fonctionnement de son président, cette entrée ne
peut pas être à l'ordre du jour. Non pas que le Sdf n'aurait pas de
motifs sérieux ou compréhensibles pour le faire mais à cause du blocage
de Fru Ndi En effet, il faut comprendre que le président du parti ne
peut être membre du gouvernement parce que bloqué par l'article 13-3-b
des statuts qui insiste sur une incompatibilité entre le poste de
président national du parti avec toute fonction gouvernementale. Par
ailleurs, il ne peut accepter qu'un autre membre du parti y figure, de
peur de lui donner la possibilité d'avoir, de part sa position
gouvernementale, trop de moyens et suffisamment d'influence dans le
parti ou point de lorgner le fauteuil présidentiel qui reste le seule la
notoriété de Fru Ndi. Tout ce que le président du Sdf peut accepter de
Paul Biya, c'est ce fameux poste de vice-président -qui serait comme au
Gabon- qu'on fait tant miroiter aux anglophones du Nord-Ouest, Le
dernier miroir aux alouettes de Paul Biya.