Démocratisation et intégration nationale : Amadou Ali contredit le président Paul Biya
Démocratisation et intégration nationale : Amadou Ali contredit le président Paul Biya
(La Nouvelle Expression 08/09/2011)
Les propos du vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux tels que révélés par Wikileaks sont totalement opposés aux idéaux que défend le président de la République
depuis son accession à la magistrature suprême.
A l'occasion de la célébration de la 45ème édition de la fête nationale de la Jeunesse, Paul Biya avait, dans son message du 10 février 2011 adressé à ses jeunes compatriotes, traité de la question de la démocratie dans une société de justice : « (…) Nous qui bénéficions de la paix, de la stabilité et du progrès démocratique, avons désormais toute chance de bâtir ensemble une société juste et solidaire. C'est pourquoi, comme l'an dernier, je vous demande d'avoir confiance en l'avenir, car nous touchons au but », avait souligné Paul Biya. Amadou Ali dont les propos sont rapportés par Wikileaks ne voit pas les choses du même point de vue que Paul Biya.
Mépris et manque de considération
Pour le vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux Amadou Ali, les « Nordistes » qui vivent dans les trois régions septentrionales doivent soutenir exclusivement la candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle et ne surtout jamais envisager le soutien d’autres candidats Béti ou Bulu, ni Bamiléké. Les anglophones du Nord-Ouest ou du Sud-Ouest sont logés à la même enseigne ! Comment « bâtir ensemble une société juste et solidaire » avec de tels préjugés et mépris ? Amadou Ali est allé très loin dans le mépris en n’ayant même aucune considération pour les autres peuples et ethnies qui peuplent le Cameroun.
Un pays pourtant fier de sa diversité ethnique et linguistique ! Amadou Ali s’est comporté comme si son Cameroun à lui se résumait aux « Nordistes », aux Béti, aux Bulu, aux Bamiléké et aux anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Comme si les Douala, les Bassa, les Mbamois, les Pygmées et les autres communautés vivant sur le territoire national n’existaient pas ! Depuis que le deuxième président de l'État du Cameroun a accédé au pouvoir le samedi 06 novembre 1982 lors d’une cérémonie solennelle qui s’était déroulée au Palais de Verres de l'Assemblée nationale à Yaoundé, après la démission du Président Ahmadou Ahidjo le jeudi 4 novembre 1982, il n’a cessé de parler de rigueur et de moralisation, de libéralisation, de démocratisation et de justice sociale.
C’est dans cette optique que Paul Biya tenait à promouvoir la solidarité nationale, la justice sociale, la répartition équitable des fruits de la croissance, l'éclosion d'une culture nationale basée sur le dépassement des cultures ethniques et la coexistence harmonieuse des valeurs spécifiques aux différentes communautés qui forment la Nation camerounaise. Paul Biya avait par la suite invité ses camarades du parti « à se préparer à une éventuelle concurrence ». L’avènement du multipartisme, de retour au pays par une loi du 19 décembre 1990, devait coïncider avec son option pour le libéralisme économique et la promotion de l'initiative privée. Il réaffirmait plus tard la nécessité d‘arrimer l'État à la modernité démocratique.
C’est ainsi que le 18 mars 2011, le chef de l’Etat rappelait qu’il s’était « engagé également à consolider notre démocratie, notamment en garantissant une meilleure participation des citoyens à la vie publique (…). Il ajoutait que « grâce à la décentralisation, nos populations seront mieux associées à la vie publique ». Mais, comment va-t-on consolider la démocratie et garantir une meilleur participation des citoyens lorsque Amadou Ali affirme que « Le Septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu’il souhaite être président, mais n’acceptera jamais un successeur qui soit lui aussi Béti/Bulu, ni un membre de l’ethnie bamiléké qui est économiquement puissante » ? Comment comprendre que le vice-Premier ministre du gouvernement d’une République qui se respecte aille confier à l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis Mme Janet E. Garvey que « cela serait inacceptable pour le reste du Cameroun » si Biya nommait un Béti /Bulu pour lui succéder ?
Démocratisation et intégration nationale
Auteur de l’essai politique intitulé « Pour le Libéralisme Communautaire » publié aux Éditions Marcel Fabre, Lausanne en 1987, Paul Biya estime que : « le processus démocratisation (…) ne saurait ni se déphaser par rapport à celui de l’intégration nationale – qui apparait comme sa condition préalable – ni faire place à une ouverture instantanée et sans précautions de toutes les vannes de la liberté et de l’égalité sans créer le risque élevé d’une résurgence chaotique de ses clivages antagonistes, ethniques et autres, toutes choses susceptibles de faire voler en fumée l’intégration nationale ». A Monatelé, lors de la campagne présidentielle de 2004, Paul Biya avait observé que « la décentralisation est en marche et les Camerounais pourront bientôt participer plus directement à la gestion des affaires publiques ».
Avec les déclarations tribalistes, népotistes et racistes d’Amadou Ali, on peut se demander aujourd’hui si c’est tous les Camerounais ou une catégorie précise de Camerounais qui pourront participer plus directement à la gestion des affaires publiques. Certes, le président de la République avait lui même reconnu dans son message à la nation du 31 décembre 2009 que « la plupart d’entre nous se reconnaissaient davantage comme membres de leur communauté d’origine que comme citoyens d’une même nation, ce qui n’avait rien de surprenant compte tenu de notre passé quasi-colonial ». Mais Paul Biya dépassait vite cette façon de voir et signalait que « Pour un peuple comme le nôtre, l’idée d’indépendance et donc de liberté est inséparable de celle de démocratie ».
Ne pas compromettre l’unité nationale !
Le chef de l’Etat tient officiellement non pas aux arrangements politico-ethniques dont a parlé Amadou Ali, mais à la démocratie, notamment en ce qui concerne l'élection présidentielle : « Aujourd’hui je crois pouvoir dire qu’avec un président de la République élu au suffrage universel direct, une Assemblée nationale où siègent des représentants de la majorité et de l’opposition, un gouvernement multicolore responsable devant l’Assemblée, un pouvoir judicaire indépendant, nous avons établi un régime remplissant les critères essentiels de la démocratie », avait indiqué Paul Biya le 18 mai 2010 lors du lancement du cinquantenaire des deux indépendances du Cameroun français et du Cameroun anglais.
Le président de la République ajoutait même que : « Nous allons d’ailleurs en compléter les dispositions avec l’institution du Sénat et la mise en œuvre effective de la décentralisation qui permettra aux citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, sans pour autant compromettre l’unité nationale », avait déclaré Paul Biya.
Écrit par Edmond Kamguia K.
(La Nouvelle Expression 08/09/2011)
Les propos du vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux tels que révélés par Wikileaks sont totalement opposés aux idéaux que défend le président de la République
depuis son accession à la magistrature suprême.
A l'occasion de la célébration de la 45ème édition de la fête nationale de la Jeunesse, Paul Biya avait, dans son message du 10 février 2011 adressé à ses jeunes compatriotes, traité de la question de la démocratie dans une société de justice : « (…) Nous qui bénéficions de la paix, de la stabilité et du progrès démocratique, avons désormais toute chance de bâtir ensemble une société juste et solidaire. C'est pourquoi, comme l'an dernier, je vous demande d'avoir confiance en l'avenir, car nous touchons au but », avait souligné Paul Biya. Amadou Ali dont les propos sont rapportés par Wikileaks ne voit pas les choses du même point de vue que Paul Biya.
Mépris et manque de considération
Pour le vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux Amadou Ali, les « Nordistes » qui vivent dans les trois régions septentrionales doivent soutenir exclusivement la candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle et ne surtout jamais envisager le soutien d’autres candidats Béti ou Bulu, ni Bamiléké. Les anglophones du Nord-Ouest ou du Sud-Ouest sont logés à la même enseigne ! Comment « bâtir ensemble une société juste et solidaire » avec de tels préjugés et mépris ? Amadou Ali est allé très loin dans le mépris en n’ayant même aucune considération pour les autres peuples et ethnies qui peuplent le Cameroun.
Un pays pourtant fier de sa diversité ethnique et linguistique ! Amadou Ali s’est comporté comme si son Cameroun à lui se résumait aux « Nordistes », aux Béti, aux Bulu, aux Bamiléké et aux anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Comme si les Douala, les Bassa, les Mbamois, les Pygmées et les autres communautés vivant sur le territoire national n’existaient pas ! Depuis que le deuxième président de l'État du Cameroun a accédé au pouvoir le samedi 06 novembre 1982 lors d’une cérémonie solennelle qui s’était déroulée au Palais de Verres de l'Assemblée nationale à Yaoundé, après la démission du Président Ahmadou Ahidjo le jeudi 4 novembre 1982, il n’a cessé de parler de rigueur et de moralisation, de libéralisation, de démocratisation et de justice sociale.
C’est dans cette optique que Paul Biya tenait à promouvoir la solidarité nationale, la justice sociale, la répartition équitable des fruits de la croissance, l'éclosion d'une culture nationale basée sur le dépassement des cultures ethniques et la coexistence harmonieuse des valeurs spécifiques aux différentes communautés qui forment la Nation camerounaise. Paul Biya avait par la suite invité ses camarades du parti « à se préparer à une éventuelle concurrence ». L’avènement du multipartisme, de retour au pays par une loi du 19 décembre 1990, devait coïncider avec son option pour le libéralisme économique et la promotion de l'initiative privée. Il réaffirmait plus tard la nécessité d‘arrimer l'État à la modernité démocratique.
C’est ainsi que le 18 mars 2011, le chef de l’Etat rappelait qu’il s’était « engagé également à consolider notre démocratie, notamment en garantissant une meilleure participation des citoyens à la vie publique (…). Il ajoutait que « grâce à la décentralisation, nos populations seront mieux associées à la vie publique ». Mais, comment va-t-on consolider la démocratie et garantir une meilleur participation des citoyens lorsque Amadou Ali affirme que « Le Septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu’il souhaite être président, mais n’acceptera jamais un successeur qui soit lui aussi Béti/Bulu, ni un membre de l’ethnie bamiléké qui est économiquement puissante » ? Comment comprendre que le vice-Premier ministre du gouvernement d’une République qui se respecte aille confier à l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis Mme Janet E. Garvey que « cela serait inacceptable pour le reste du Cameroun » si Biya nommait un Béti /Bulu pour lui succéder ?
Démocratisation et intégration nationale
Auteur de l’essai politique intitulé « Pour le Libéralisme Communautaire » publié aux Éditions Marcel Fabre, Lausanne en 1987, Paul Biya estime que : « le processus démocratisation (…) ne saurait ni se déphaser par rapport à celui de l’intégration nationale – qui apparait comme sa condition préalable – ni faire place à une ouverture instantanée et sans précautions de toutes les vannes de la liberté et de l’égalité sans créer le risque élevé d’une résurgence chaotique de ses clivages antagonistes, ethniques et autres, toutes choses susceptibles de faire voler en fumée l’intégration nationale ». A Monatelé, lors de la campagne présidentielle de 2004, Paul Biya avait observé que « la décentralisation est en marche et les Camerounais pourront bientôt participer plus directement à la gestion des affaires publiques ».
Avec les déclarations tribalistes, népotistes et racistes d’Amadou Ali, on peut se demander aujourd’hui si c’est tous les Camerounais ou une catégorie précise de Camerounais qui pourront participer plus directement à la gestion des affaires publiques. Certes, le président de la République avait lui même reconnu dans son message à la nation du 31 décembre 2009 que « la plupart d’entre nous se reconnaissaient davantage comme membres de leur communauté d’origine que comme citoyens d’une même nation, ce qui n’avait rien de surprenant compte tenu de notre passé quasi-colonial ». Mais Paul Biya dépassait vite cette façon de voir et signalait que « Pour un peuple comme le nôtre, l’idée d’indépendance et donc de liberté est inséparable de celle de démocratie ».
Ne pas compromettre l’unité nationale !
Le chef de l’Etat tient officiellement non pas aux arrangements politico-ethniques dont a parlé Amadou Ali, mais à la démocratie, notamment en ce qui concerne l'élection présidentielle : « Aujourd’hui je crois pouvoir dire qu’avec un président de la République élu au suffrage universel direct, une Assemblée nationale où siègent des représentants de la majorité et de l’opposition, un gouvernement multicolore responsable devant l’Assemblée, un pouvoir judicaire indépendant, nous avons établi un régime remplissant les critères essentiels de la démocratie », avait indiqué Paul Biya le 18 mai 2010 lors du lancement du cinquantenaire des deux indépendances du Cameroun français et du Cameroun anglais.
Le président de la République ajoutait même que : « Nous allons d’ailleurs en compléter les dispositions avec l’institution du Sénat et la mise en œuvre effective de la décentralisation qui permettra aux citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, sans pour autant compromettre l’unité nationale », avait déclaré Paul Biya.
Écrit par Edmond Kamguia K.
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