Délestages: AES-SONEL distribue les mauvais points
Yaoundé, 13 février 2013
© Omer Mbadi Otabela | Repères
Sans les nommer, AES-SONEL rend la SNH et le Programme Thermique d'Urgence responsables du déficit énergétique, -152 mégawatts en janvier, qui provoque les délestages actuels. Et épargne le gouvernement qui n’a pourtant pas su anticiper.
© Omer Mbadi Otabela | Repères
Sans les nommer, AES-SONEL rend la SNH et le Programme Thermique d'Urgence responsables du déficit énergétique, -152 mégawatts en janvier, qui provoque les délestages actuels. Et épargne le gouvernement qui n’a pourtant pas su anticiper.
Dans l'urgence et devant la gravité de
la situation, le gouvernement a été obligé d'agir. Le mardi 12 février,
une rencontre a eu lieu au Ministère de l'Eau et de l'Energie (Minee),
II en ressort que le Programme Thermique d'Urgence (PTU) devait
injecter, dès hier soir, ses 100 mégawatts (MW) dans le réseau
interconnecté sud. Un effort qui, couplé à la baisse de charge décidée
d'ALUCAM -de 70 MW en ce moment à 45 MW —, devrait réduire le déficit
énergétique que AES-SONEL situait en janvier à 152 MW (voir tableau
ci-dessous). Ce qui explique les délestages récurrents observés ces
derniers temps. «Les délestages ne vont pas disparaître avec l'énergie
du PTU, mais leur ampleur sera réduite par rapport à ce que nous
connaissons», précise M. Peter Nkeih Ghogomu, Directeur Central des
Opérations Techniques à AES-SONEL.
Confrontée à la colère de certaines associations de défense des consommateurs, l'entreprise de production et de distribution de l'électricité se livre à une communication tous azimuts depuis la semaine dernière. Jusque là, certains consommateurs avaient droit à ce message : «Aes-Sonel : Réseau électrique très tendu ce soir. Risque de coupures chez vous. BV débrancher appareils sensibles. Sincères regrets».
Le jeudi 07 février dernier, le Directeur Adjoint de la communication et de la gestion de la marque de l'entreprise de production et de distribution de l’électricité s'est donc livré à un exercice de clarification. «Dans le cadre de la gestion de la saison sèche 2013, le plan de couverture de la demande des ménages et des industries prenait en compte : la puissance additionnelle que la nouvelle centrale à gaz de Kribi devait fournir progressivement, à partir du 22 décembre dernier; la mise à disposition d'une puissance supplémentaire par les ouvrages du Programme Thermique d'Urgence. La conjonction de ces deux évènements nous met dans une situation de déficit entre l'offre par rapport à la demande globale», détaille M. Alexandre Siewe dans un communiqué.
«AES-SONEL ménage le gouvernement!», réagit un observateur du secteur électrique national à la lecture du communiqué. Sous-entendu : les pouvoirs publics, au faîte de la situation, n'ont pas pris les dispositions qui s'imposent. Cette source estime que la réactivation du comité de relecture du contrat de concession entre l'Etat du Cameroun et AES Corp, en berne depuis 2011, dont l'une des réunions s'est récemment tenue à Paris, en l'absence de la plupart de ses membres, amène Aes-Sonel à se défausser sur la SNH, qui doit livrer du gaz à la centrale de Kribi, et le PTU. De fait, l'entreprise se livre à l'esquive en épargnant le gouvernement dont la responsabilité dans le calvaire actuel est évidente.
C'est notamment le cas du Programme Thermique d'Urgence (PLU) dont les centrales de Mbalmayo (10 MW), Ebolowa (10 MW), Bamenda (20 MW) et Yaoundé-Ahala (60 MW), d'une contribution déterminante durant la période d'étiage 2012, sont à l'arrêt depuis décembre, faute de gasoil. En cause, une accumulation d'impayés auprès des marqueteurs sélectionnés (Tradex et Socaepe). Tradex par exemple s'est vu gratifier de 1,5 milliards F CFA sur les 3 milliards FCFA dus. La société britannique Aggreko, qui loue ses groupes électrogènes installés a Ahala au PTU jusqu’en fin d'année, réclamait 5,8 milliards FCFA à l'Etat.
Au cours d'une réunion au MIMEE, le 11 janvier dernier, les différentes parties reçoivent des promesses. Il faut cependant attendre le 15 janvier, lors d'une rencontre à l'Immeuble Etoile, pour que M. Alamine Ousmane Mey, Ministre des Finances s'engage à régler les différentes factures.
Contacté par Repères, le Coordonnateur du PTU assure que les centrales thermiques seront approvisionnées en gasoil cette semaine pour injecter l'énergie attendue. Une issue résultant de l'apurement partiel des impayés auprès des différents opérateurs. Des indiscrétions glanées lors de la réunion d’hier, Aggreko qui a déjà reçu 2 milliards FCFA, devrait recevoir 900 millions avant la fin du mois et le reste au terme de mars 2013. «Je l'ai convaincue de reprendre l'activité dès qu'elle sera alimentée par Tradex; ce qui sera effectif à partir de lundi (11 février, ndlr)», observe M. Zengue Akamba.
Dilatoire
Le problème de la disponibilité du gasoil vient en toile de fond poser celui de l'identité de l'acheteur. Sur ce point, le PTU nourrit quelque grief à l'endroit d'AES-SONEL. Actuellement, le Ministère de l'Economie, de la Planification etde l'Aménagement du territoire (MINEPAT) budgétise cette rubrique et le MINFI se charge de payer. Cette prise en char¬ge résulte d'un processus inachevé. Au moment du lan¬cement du PTU, il est conve¬nu de la signature de huit contrats entre Electricity Development Corporation (EDC), où est logé le Pro¬gramme, et AES-SONEL. Si l'ac¬cord de raccordement au réseau est par exemple paraphé, le contrat d'achat d’électricité n’a jamais vu le Jour. Pourtant, les deux par¬ties s'étaient entendues sur le prix du kilowatt heure : 150 FCFA en tout, à raison de 140 F pour le coût du gasoil. Le reliquat de 10 F supporte les charges d'exploitation du PTU (assurance, logistique et entretien du matériel), et est préfinancé par l'entreprise publique. Selon M. Zengue Akamba, le Programme a produit plus de 43 gigawatts (43 millions MW) d'électricité en 2012, «soit plus que la consommation annuelle de la région de l'Est, générant plus de 4 milliards FCFA», ajoute-t-il.
Cependant, EDC n'arrive pas à rentrer en possession du mil¬liard qui lui revient à cause du «dilatoire» de la partie adverse. M. Jean David Bilé, le Directeur Général d'AES¬-SONEL, préfère ne pas épilo¬guer sur le sujet. Il préfère attendre la résolution du pro¬blème dans les instances appropriées.
La SNH restera-t-elle sans réaction devant la dernière pique d'AES-SONEL? Depuis trois ans, l'entreprise publique qui gère les intérêts de l'Etat en matière pétrolière et gazière fait montre d'une susceptibilité mordante dès qu'elle est indexée à propos de la centrale à gaz de la cité balnéaire. Le dernier épisode remonte au début de l'année, lorsque la Kribi Power Development Corporation (KPDC), filiale d'AES-SONEL, en charge de cette infrastruc¬ture, la déclare prête à fonc¬tionner après les premiers tests concluants sur le pre¬mier des 13 groupes, le 28 décembre. «Les essais actuels sont effectués en utilisant le gasoil comme combustible, en attendant la fourniture de gaz naturel par la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH)», précise Hans Francis Simb Nag, son Directeur Général. Un responsable d'AES-SONEL enfonce le clou : «Si on avait eu le gaz à la centrale de Kribi, à la date initialement arrêtée, on n'aurait pas eu d'étiage en 2013 et les délestages que l'on connait», affirme-t-il.
Initialement prévue le 21 décembre, cette livraison du combustible a été repoussée au 28 février courant. «La dernière information qui nous a été donnée lors de la réunion de ce matin (12 février, ndlr) renvoie la disponibilité du gaz au 04 mars. Et ce n'est pas sûr !», suggère un cadre d'AES. Prudents, ses dirigeants préfèrent remettre la mise en exploitation de cet ouvrage au 1er avril. L'effet attendu étant la fin du déficit à cette date.
La contre-attaque de la SNH survint trois jours après. Descente organisée d'une équipe de journalistes sur le terrain. Mieux, l'explication du retard par le Directeur de la Stratégie et du Développement. «Les travaux de construction du gazoduc Bipaga-Mpolongwé ont été fortement perturbés par la très forte pluviométrie observée durant les mois de septembre, octobre et novembre derniers. Selon les experts, c'est la plus forte pluviométrie jamais observée dans la région de Kribi depuis sept ans. Et par temps de pluies, il est très difficile de creuser les tranchées qui doivent accueillir le gazoduc, parce que les engins s'embourbent. Bien plus, il est impossible d'effectuer la soudure des tubes du gazoduc», justifie M. Nwatchok Yakan, par ailleurs chef de l'équipe projet de fourniture de gaz à la centrale thermique, dans les colonnes de Cameroon Tribune du 07 janvier.
Avant la cérémonie d'inauguration de l'ouvrage, les relations entre le fournisseur de combustible et son client promettent d'autres passes d'armes médiatiques.
Confrontée à la colère de certaines associations de défense des consommateurs, l'entreprise de production et de distribution de l'électricité se livre à une communication tous azimuts depuis la semaine dernière. Jusque là, certains consommateurs avaient droit à ce message : «Aes-Sonel : Réseau électrique très tendu ce soir. Risque de coupures chez vous. BV débrancher appareils sensibles. Sincères regrets».
Le jeudi 07 février dernier, le Directeur Adjoint de la communication et de la gestion de la marque de l'entreprise de production et de distribution de l’électricité s'est donc livré à un exercice de clarification. «Dans le cadre de la gestion de la saison sèche 2013, le plan de couverture de la demande des ménages et des industries prenait en compte : la puissance additionnelle que la nouvelle centrale à gaz de Kribi devait fournir progressivement, à partir du 22 décembre dernier; la mise à disposition d'une puissance supplémentaire par les ouvrages du Programme Thermique d'Urgence. La conjonction de ces deux évènements nous met dans une situation de déficit entre l'offre par rapport à la demande globale», détaille M. Alexandre Siewe dans un communiqué.
«AES-SONEL ménage le gouvernement!», réagit un observateur du secteur électrique national à la lecture du communiqué. Sous-entendu : les pouvoirs publics, au faîte de la situation, n'ont pas pris les dispositions qui s'imposent. Cette source estime que la réactivation du comité de relecture du contrat de concession entre l'Etat du Cameroun et AES Corp, en berne depuis 2011, dont l'une des réunions s'est récemment tenue à Paris, en l'absence de la plupart de ses membres, amène Aes-Sonel à se défausser sur la SNH, qui doit livrer du gaz à la centrale de Kribi, et le PTU. De fait, l'entreprise se livre à l'esquive en épargnant le gouvernement dont la responsabilité dans le calvaire actuel est évidente.
C'est notamment le cas du Programme Thermique d'Urgence (PLU) dont les centrales de Mbalmayo (10 MW), Ebolowa (10 MW), Bamenda (20 MW) et Yaoundé-Ahala (60 MW), d'une contribution déterminante durant la période d'étiage 2012, sont à l'arrêt depuis décembre, faute de gasoil. En cause, une accumulation d'impayés auprès des marqueteurs sélectionnés (Tradex et Socaepe). Tradex par exemple s'est vu gratifier de 1,5 milliards F CFA sur les 3 milliards FCFA dus. La société britannique Aggreko, qui loue ses groupes électrogènes installés a Ahala au PTU jusqu’en fin d'année, réclamait 5,8 milliards FCFA à l'Etat.
Au cours d'une réunion au MIMEE, le 11 janvier dernier, les différentes parties reçoivent des promesses. Il faut cependant attendre le 15 janvier, lors d'une rencontre à l'Immeuble Etoile, pour que M. Alamine Ousmane Mey, Ministre des Finances s'engage à régler les différentes factures.
Contacté par Repères, le Coordonnateur du PTU assure que les centrales thermiques seront approvisionnées en gasoil cette semaine pour injecter l'énergie attendue. Une issue résultant de l'apurement partiel des impayés auprès des différents opérateurs. Des indiscrétions glanées lors de la réunion d’hier, Aggreko qui a déjà reçu 2 milliards FCFA, devrait recevoir 900 millions avant la fin du mois et le reste au terme de mars 2013. «Je l'ai convaincue de reprendre l'activité dès qu'elle sera alimentée par Tradex; ce qui sera effectif à partir de lundi (11 février, ndlr)», observe M. Zengue Akamba.
Dilatoire
Le problème de la disponibilité du gasoil vient en toile de fond poser celui de l'identité de l'acheteur. Sur ce point, le PTU nourrit quelque grief à l'endroit d'AES-SONEL. Actuellement, le Ministère de l'Economie, de la Planification etde l'Aménagement du territoire (MINEPAT) budgétise cette rubrique et le MINFI se charge de payer. Cette prise en char¬ge résulte d'un processus inachevé. Au moment du lan¬cement du PTU, il est conve¬nu de la signature de huit contrats entre Electricity Development Corporation (EDC), où est logé le Pro¬gramme, et AES-SONEL. Si l'ac¬cord de raccordement au réseau est par exemple paraphé, le contrat d'achat d’électricité n’a jamais vu le Jour. Pourtant, les deux par¬ties s'étaient entendues sur le prix du kilowatt heure : 150 FCFA en tout, à raison de 140 F pour le coût du gasoil. Le reliquat de 10 F supporte les charges d'exploitation du PTU (assurance, logistique et entretien du matériel), et est préfinancé par l'entreprise publique. Selon M. Zengue Akamba, le Programme a produit plus de 43 gigawatts (43 millions MW) d'électricité en 2012, «soit plus que la consommation annuelle de la région de l'Est, générant plus de 4 milliards FCFA», ajoute-t-il.
Cependant, EDC n'arrive pas à rentrer en possession du mil¬liard qui lui revient à cause du «dilatoire» de la partie adverse. M. Jean David Bilé, le Directeur Général d'AES¬-SONEL, préfère ne pas épilo¬guer sur le sujet. Il préfère attendre la résolution du pro¬blème dans les instances appropriées.
La SNH restera-t-elle sans réaction devant la dernière pique d'AES-SONEL? Depuis trois ans, l'entreprise publique qui gère les intérêts de l'Etat en matière pétrolière et gazière fait montre d'une susceptibilité mordante dès qu'elle est indexée à propos de la centrale à gaz de la cité balnéaire. Le dernier épisode remonte au début de l'année, lorsque la Kribi Power Development Corporation (KPDC), filiale d'AES-SONEL, en charge de cette infrastruc¬ture, la déclare prête à fonc¬tionner après les premiers tests concluants sur le pre¬mier des 13 groupes, le 28 décembre. «Les essais actuels sont effectués en utilisant le gasoil comme combustible, en attendant la fourniture de gaz naturel par la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH)», précise Hans Francis Simb Nag, son Directeur Général. Un responsable d'AES-SONEL enfonce le clou : «Si on avait eu le gaz à la centrale de Kribi, à la date initialement arrêtée, on n'aurait pas eu d'étiage en 2013 et les délestages que l'on connait», affirme-t-il.
Initialement prévue le 21 décembre, cette livraison du combustible a été repoussée au 28 février courant. «La dernière information qui nous a été donnée lors de la réunion de ce matin (12 février, ndlr) renvoie la disponibilité du gaz au 04 mars. Et ce n'est pas sûr !», suggère un cadre d'AES. Prudents, ses dirigeants préfèrent remettre la mise en exploitation de cet ouvrage au 1er avril. L'effet attendu étant la fin du déficit à cette date.
La contre-attaque de la SNH survint trois jours après. Descente organisée d'une équipe de journalistes sur le terrain. Mieux, l'explication du retard par le Directeur de la Stratégie et du Développement. «Les travaux de construction du gazoduc Bipaga-Mpolongwé ont été fortement perturbés par la très forte pluviométrie observée durant les mois de septembre, octobre et novembre derniers. Selon les experts, c'est la plus forte pluviométrie jamais observée dans la région de Kribi depuis sept ans. Et par temps de pluies, il est très difficile de creuser les tranchées qui doivent accueillir le gazoduc, parce que les engins s'embourbent. Bien plus, il est impossible d'effectuer la soudure des tubes du gazoduc», justifie M. Nwatchok Yakan, par ailleurs chef de l'équipe projet de fourniture de gaz à la centrale thermique, dans les colonnes de Cameroon Tribune du 07 janvier.
Avant la cérémonie d'inauguration de l'ouvrage, les relations entre le fournisseur de combustible et son client promettent d'autres passes d'armes médiatiques.