Ces derniers n’ont pas caché leur amertume hier 29 mai 2012, après la démolition de leurs points de commerce, puis la saisie de leurs marchandises, dans le cadre de la campagne d’embellissement de la ville de Yaoundé.
Armand, Jean Pierre et Arnaud, mines déconfites, ont les regards rivés sur ce qui était encore, il y a quelques minutes, leur fonds de commerce. Ces jeunes gens travaillaient dans une rôtisserie artisanale (vente de poulets braisés et de brochettes de viande de bœuf) qui vient d’être détruite par les bulldozers de la Communauté urbaine de Yaoundé. Ces commerçants du quartier Tsinga ne cachent pas leur amertume : « c’est inadmissible ce que « awara »( sobriquet donné aux agents de la communauté urbaine, ndlr) vient de faire, qu’est ce qu’ils veulent que nous fassions ? nous cherchons notre gagne-pain et on nous détruit, qu’est ce qu’ils veulent ? que nous devenions des braqueurs ? », fulmine Armand qui, comme ses collègues, n’entend pas baisser les bras : « ça va se gâter dans les prochains jours, ils vont voir », confient-ils presqu’en en chœur.
« La paix qu’ils chantent tous les jours là, ils auront ça », « nous allons descendre dans la rue », peut-on entendre ça et là dans la foule de commerçants sinistrés qui se créé à chaque théâtre du déguerpissement.
Nous sommes sur la route qui relie le palais des sports à la sous préfecture Tsinga, au quartier éponyme. Il est environ 12h ce mardi 29 mai 2012. Les canines du bulldozer de la Communauté urbaine sont sans pitié et dévorent tout sur son passage. Le long de cet axe routier, magasins, boutiques, salons de coiffure, ateliers de couture, garages, et autres gargotes s’écroulent les uns après les autres, sous le regard impuissants de leurs tenanciers.
Le péché de ces derniers ? : « Ils ne doivent pas installer leurs commerces à moins de 10 m de la route », explique sous anonymat un agent de la commune du 2e arrondissement de Yaoundé, qui estime qu’ « il faut que la ville de Yaoundé soit belle et propre, ce n’est pas normal que les commerçants s’installent n’importe comment, au point que les piétons n’ont plus où mettre les pieds », poursuit l’agent.
L’opération se déroule sous l’œil vigilant des éléments du commissariat central No2 et de la gendarmerie nationale. Cette dernière est aussi visible sur les lieux à travers un camion anti-émeute à eau qui sillonne les alentours, toutes sirènes hurlantes. Histoire de parer à toute velléité de soulèvement.
Nous sommes vertement éconduits par un jeune homme, sans doute son frère : « il ne fallait pas répondre à ce monsieur », fait-il remarquer à sa sœur, avant de se tourner vers nous : « vous de la presse, depuis que vous dénoncez les casses là, qu’est ce qui à changé, laissez-nous tranquille », rage le jeune homme.