Déchéance – Membre du gouvernement

Écrit par Administrator    Vendredi, 22 Juin 2012 06:37 

 

Issa Tchiroma Bakary…The end ?

Paul Biya regrette amèrement de l’avoir fait ministre de la Communication au vu de ses frasques passées et actuelles.

I- Une décadence prévisible

 

Le parcours de Issa Tchiroma Bakary est sinueux comme le rail qu’il connaît très bien en tant qu’ingénieur mécanicien ayant travaillé, à la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Régifercam), l’ancêtre de l’actuel Camrail. Pendant les « villes mortes » du début des années 1990, Issa Tchiroma Bakary qui a passé plusieurs années (1984-1991) en prison à la suite du putsch manqué du 6 avril 1984 contre le président Paul Biya se replie sur sa ville natale de Garoua, région du Nord où il devient le chef des casseurs. Mais seulement cet ingénieur, membre fondateur de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) dont le ministre d’Etat en charge du Tourisme et des Loisirs, Bello Bouba Maïgari, en est le président n’est pas un homme bête. Il sait, avec ceux qui organisent les villes mortes à Garoua que toutes les infrastructures, bâtiments publics, routes, hôpitaux, écoles du chef-lieu de la région du Nord sont l’œuvre d’Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun indépendant. Chantent-ils en chœur « Paul Biya, n’a rien construit à Garoua, ce n’est pas un bâtisseur.»

Pour cette raison, ils s’interdisent de casser à Garoua, épargnant ainsi à la ville ce que Douala avait subi pendant cette période. Mais là ne s’arrête pas sa vive intelligence même si elle est tortueuse. Il va trahir Bello Bouba Maïgari en négociant avec Paul Biya pour son propre compte l’entrée dans le gouvernement qu’il intègre en tant que ministre des Transports du 27 novembre 1992 au 19 septembre 1996. Pendant son passage, il réorganise le ministère en créant de nombreux organismes sous tutelle mais commence également à briller par ses frasques, à détourner les deniers publics, à pratiquer le népotisme à outrance, etc. On signale qu’à cette époque, il serait propriétaire d’un patrimoine immobilier important en Afrique du Sud.

Les révélations d’un ennemi intime

Et voici qu’aujourd’hui les affaires nauséabondes commencent à être mises au grand jour. On peut citer celle du crash du Boeing 737-200 de la défunte Camair, immatriculé TH-CBE baptisé le « Nyong » survenu le 3 décembre 1995 à Douala. Il y aura 71 morts. Les Sud-africains qui assuraient l’entretien des avions de la Camair vont verser 32,5 milliards de Fcfa au Cameroun. La grille de répartition de cet argent était claire : 7,1 milliards devaient revenir aux familles des victimes à raison de 100 millions par victime et le reste de l’argent versé à la Camair. Jusqu’à ce jour, aucune famille n’a perçu le moindre centime. C’est grâce aux révélations contenues dans la quatrième lettre de l’ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya que le public est au courant de l’affaire qui est un véritable scandale.

Dans cette affaire, Issa Tchiroma Bakary a perçu 171.247 dollars soit environ 85.623.500 Fcfa de l’époque. Ça ne doit pas être tout, car c’est l’argent qui a laissé des traces parce que transitant par les comptes bancaires du ministre de la Communication à l’époque où il était ministre des Transports. Le montant dont nous avons connaissance aujourd’hui n’est que la partie visible de l’iceberg. Car Issa Tchiroma Bakary connaît seul ce qu’il a touché au total. Chez nous, dans ma culture, manger ce genre d’argent porte malheur, on paye tôt ou tard. Et c’est ce qui est en train d’arriver au ministre de la Communication. Chez nous, on dirait qu’il a même du sang sur les mains. Quand il sort du gouvernement en 1996, il se retrouve au chômage et ça va être une longue traversée de désert de 13 ans de souffrance, de privation. La faute à qui ? A sa mauvaise gestion de l’argent qu’il a reçu. Le ministre de la Communication n’arrivait plus à honorer ses factures d’électricité et d’eau, faisait de l’autostop, portait des chaussures éculées. Pourquoi Issa Tchiroma Bakary va sortir du gouvernement ? Paul Biya a compris que le rapport de force est en faveur de Bello Bouba Maïgari qui a derrière lui l’Undp. Il a des troupes et c’est donc désormais avec lui qu’il faut négocier.

I- Marafa a-t-il raison sur Issa Tchiroma

Mais seulement Issa Tchiroma Bakary a du ressort et surtout qu’il est opportuniste. Après avoir rejoint l’Alliance nationale pour le progrès et la démocratie (Andp) de Hamadou Moustapha, lui aussi un transfuge de l’Undp et actuel ministre chargé de mission à la présidence de la République, il aboutit à la conclusion qu’il doit être autonome, voler de ses propres ailes, mettre un terme au rôle ou au poste d’éternel second. Il crée en 2007 le Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc). Une fois de plus son intelligence diabolique va le servir. Il sait que le président Paul Biya veut réduire l’influence de Bello Bouba Maïgari et de Marafa Hamidou Yaya à Garoua en particulier et dans le département de la Bénoué et la région du Nord en général. Pour cela Paul Biya recherche quelqu’un qui sait bien parler, qui sait faire de la démagogie, qui connaît bien le coin et qui a déjà une expérience gouvernementale. L’oiseau rare est tout trouvé et Paul Biya va jeter son dévolu sur lui. Et c’est la grande surprise mais surtout les grincements de dents au sein du Rdpc où surtout les Béti/Fang ne comprennent pas qu’on puisse confier un ministère aussi stratégique et sensible à un membre de l’opposition et surtout qu’on en fasse le porte-parole du gouvernement. Cette pilule ne passe pas jusqu’à aujourd’hui dans les rangs du Rdpc. Ceux qui n’avaient pas bien perçu cette nomination de Tchiroma dans le Rdpc disent aujourd’hui à Paul Biya : « c’est bien fait pour toi ! »

D’ailleurs dans sa première lettre ouverte à Paul Biya, Marafa Hamidou Yaya aura ce jugement très sévère sur Tchiroma : « Enfin, après la formation du gouvernement au sein duquel monsieur Issa Tchiroma est devenu ministre (afin de contrecarrer mes ambitions, aux dires de certains), vous m’avez accordé une audience au cours de laquelle vous m’avez demandé ce que les gens pensent du nouveau gouvernement. Je vous ai répondu sans détour que monsieur Tchiroma ne mérite pas de siéger au gouvernement de la République. Vous et moi et d’autres (y compris lui-même) savons à quoi je fais référence. Je vous ai dit en outre que je ne collaborerai jamais avec lui. » Aujourd’hui, avec le recul, Paul Biya comprend que le jugement de Marafa n’était sévère à l’égard de Tchiroma. Le ministre de la Communication a de multiples facettes. Ainsi à chaque délégation régionale qui venait le féliciter pour sa brillante nomination au poste de ministre de la Communication le 30 juin 2009, Tchiroma répondait inlassablement qu’il n’était pas venu pour les nominations mais pour Paul Biya. Il déclarait qu’il ne pouvait pas procéder aux nominations avant six mois mais que trois ans ont passé et qu’il n’y a pas eu de nominations.

III- un appétit financier très poussé

Pendant la présidentielle de 2011, Tchiroma avait reçu 500 millions de francs et quand les journalistes étaient allés le voir pour avoir leur part, il leur avait répondu : « Qui vous a dit que cet argent est destiné à la communication, aux journalistes ? » A ce jour, personne sauf lui-même, personne ne connaît l’usage qui a été fait de cette importante somme. Dans son édition n° 472 du 19 mars 20121, notre confrère l’œil du Sahel publie en une lettre ouverte que Hassana Tchiroma, le frère cadet lui adresse. C’est que quelques jours plus tôt le grand frère Issa Tchiroma a destitué de son poste de secrétaire général du parti son petit frère au prétexte que celui-ci soutient l’ancien ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya entre autres raisons. Comment expliquer cette attitude du ministre de la Communication vis-à-vis de son cadet ? Lui seul peut répondre à cette question. Le même scenario se serait reproduit lors de la pose de la première pierre du barrage de Memve’ele vendredi le 15 juin 2012. Le ministre de la communication avait pris le soin d’accrédité les journalistes et dans son entourage, il se susurrait qu’il avait reçu 50 millions Fcfa pour gérer la presse. Mais à en croire plusieurs confidences, les journalistes sont rentrées de ce voyage périlleux sans avoir reçu le moindre soutient du Mincon, ni avant ni après.

IV-

Dans son édition du lundi le 18 juin 2012, le quotidien progouvernemental Cameroon Tribune consacre un dossier à la pose de la première pierre du chantier de construction du barrage de Memve’elé à Nyabizan. On y voit Paul Biya et Issa Tchiroma Bakary devisant et riant aux éclats comme de vieux copains. Notre confrère Ouest Littoral dans son édition n° 126 du mardi le 19 juin s’en est offusqué. Il n’a rien compris. Sait-il que c’est quand Paul Biya rit avec toi qu’il est prêt à t’enfoncer un couteau dans le dos comme il l’avait fait avec Ferdinand Léopold Oyono, ancien ministre décédé depuis lors. Ferdinand Léopold Oyono était depuis le 21 novembre 1986 ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat après avoir été secrétaire général de la présidence de la République du 25 août 1985 au 21 novembre 1986. C’était un ami fidèle et un compagnon du jeu du « songo » du président Paul Biya. Le 7 décembre 1990 Paul Biya et Oyono sont en train de jouer au songo quand le journal de la Crtv radio passe. Ferdinand Léopold Oyono veut suivre les informations, Paul Biya n’est pas d’accord. C’est que le « Vieux nègre » Oyono n’avait pas compris pourquoi le président ne voulait pas qu’il suive le journal qui avait un seul titre : le remaniement ministériel. Et justement Oyono ne faisait plus partie du nouveau gouvernement. Et quand informé, le Vieux nègre avait voulu se plaindre, Paul Biya lui répondit en lui disant de continuer à jouer et qu’être ministre ne signifiait rien, que ce n’était pas important.

Une autre, c’est Georges Ngango, professeur agrégé de Sciences économiques, condisciple de Paul Biya au petit séminaire, ministre de l’Education nationale depuis le 21 novembre 1986 sera relevé sans ménagement de ses fonctions le 23 avril 1989 et remplacé au pied levé par Joseph Mboui. Il en fut également ainsi de Aurélien William Eteki Mboumoua, ministre des Affaires étrangères (dont Paul Biya tout frais émoulu rentré de France fut le directeur de cabinet quand Eteki Mboumoua était ministre de l’Education nationale d’Ahmadou Ahidjo) depuis le 7 juillet 1984 et qui fut brutalement débarqué de son poste le 23 janvier 1987 et remplacé par Philippe Mataga pour avoir pris des engagements avec des représentants d’un pays du pacte de Varsovie alors sous la férule de l’Urss sans avoir requis l’accord du président Biya. Le fait qu’Issa Tchiroma Bakary se soit entretenu avec Paul Biya à Nyabizan n’a aucune influence sur ce dernier.

V- Le rubicond a été franchi

Dans Cameroon Tribune édition du mercredi 20 juin 2012, un communiqué signé du ministre Tchiroma rend publique une liste d’organisations et personnalités devant recevoir un appui spécial au titre de l’aide publique à la Communication privée, pour le compte de l’exercice budgétaire 2012. Dans la même journée du mercredi 20 juin, le ministre fait une mise au point sur le communiqué paru dans Cameroon Tribune pour démentir ou pour dire que rien n’a été attribué à ces personnalités et organismes. Issa Tchiroma Bakary prend les Camerounais pour des idiots, des gens qui sont incapables de réfléchir. Comment peut-on attribuer l’aide publique aux journaux étrangers alors que la presse nationale peine, boucle difficilement ses fins de mois. Nous savons ce que ça coûte de donner de l’argent public aux médias étrangers, c’est en terme de dizaines, voire de centaines de millions et pourquoi pas de milliards de nos francs. Nous savons ce que coûte au trésor public quand la presse étrangère fait dans des publi-tribunes ou des publireportages sur le Cameroun. Alors qu’Issa Tchiroma Bakary ne nous dise pas, que le communiqué publié dans Cameroon Tribune n’était qu’à usage interne, sans sortie massive d’argent des caisses du trésor public. Issa Tchiroma Bakary est allé trop loin. Le président Paul Biya devrait trouver le moyen de s’en débarrasser. Et Marafa Hamidou Yaya lui en donne l’occasion avec les 71 morts du crash du Nyong, le 3 décembre 1995.

Michel Michaut Moussala



23/06/2012
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