Décès de Pius Njawe: l’éloge funèbre de Monga dissipe-t-il les doutes sur les circonstances de l'accident mortel de M. Njawe?
DOUALA - 11 AOUT 2010
© Alex Gustave AZEBAZE * | Correspondance
"Pour l’instant, les deux chauffeurs s’accordent sur l’idée qu’il s’agissait d’un terrible, malheureux et banal accident. Les autorités policières de l’Etat de Virginie en ont été si convaincues qu’elles n’ont jamais ni sollicité l’intervention de la police fédérale américaine (le FBI)"
Décès de Pius Njawe: l’éloge funèbre de Monga dissipe-t-il les doutes sur les circonstances de l'accident mortel de M. Njawe? Par Alex Gustave AZEBAZE *
"Pius Njawe est décédé dans un accident de la circulation survenu le lundi 12 juillet à 14 heures 55 minutes sur l’autoroute 664 qui relie les villes de Newsport News et Chesapeake, en Virginie. Avec son chauffeur Eric Wande, il se rendait à Chesapeake, chez son ami et frère Lucas Kameni qui élève Justice, sa fille de dix ans. C’était un après-midi ensoleillé d’été avec un ciel bleu, une visibilité parfaite et une circulation légère. Le trajet Washington-Chesapea ke qu’Eric connaît bien dure en moyenne 3 heures et ils se trouvaient à 9 minutes seulement de leur destination.
La voiture dans laquelle les deux hommes roulaient était une Lexus et l’autoroute une des plus belles situées non loin de Washington, la capitale du pays le plus industrialisé du monde. Quelques secondes seulement après l’accident, un autre usager de la route qui passait par là avait contacté la police locale en appelant le numéro de secours 9-1-1. Moins de 8 minutes après ce coup de fil, des pompiers et policiers très bien équipés étaient sur les lieux et avaient bouclé l’autoroute dans les deux sens pour secourir les victimes et procéder à une première enquête préliminaire. Travaillant sous les ordres du sergent R. W. Walker de la police de l’Etat de Virginie, ils avaient constaté le décès instantané de Pius qui, bien qu’ayant sa ceinture de sécurité, avait étendu son siège passager à l’arrière pour s’assoupir pendant la dernière demi-heure du voyage. Il est donc fort possible qu’il soit passé de vie à trépas sans voir venir la mort.
Le chauffeur du camion qui a percuté de plein fouet son véhicule et l’a traîné sur plusieurs centaines de yards, aux dire de la police américaine, est un certain John Moore (64 ans) qui travaille depuis des années pour la société de transport Canaday Trucking, une entreprise de transport de taille moyenne basée depuis de nombreuses années à Providence, Virginie.
La journaliste Kirstin Davis du quotidien The Virginian-Pilot a écrit que la police croyait que le véhicule qui conduisait Pius Njawe s’était peut-être arrêté en plein milieu de l’autoroute, ce qui expliquerait que le chauffeur du camion semi-remorque, qui venait à toute allure derrière eux, n’ait pas eu le temps d’arrêter son meurtrier véhicule. Eric Wande, le chauffeur de Pius, explique pour sa part qu’il roulait simplement plutôt lentement, à vitesse raisonnable- car il devait se préparer à quitter l’autoroute pour emprunter la sortie vers Chesapeake.
L’enquête et la reconstitution de l’accident, y compris avec l’exploitation d’images de caméras et des images satellitaires, détermineront qui avait tort dans cette maudite affaire. Pour l’instant, les deux chauffeurs s’accordent sur l’idée qu’il s’agissait d’un terrible, malheureux et banal accident. Les autorités policières de l’Etat de Virginie en ont été si convaincues qu’elles n’ont jamais ni sollicité l’intervention de la police fédérale américaine (le FBI), ni demandé une autopsie-chose qui se fait obligatoirement dès qu’il existe un soupçon de doute chez les enquêteurs sur les circonstances de la mort d’une personne sur le territoire américain. D’ailleurs moins de 3 heures après l’accident, elles avaient remis le corps de Pius Njawe à la morgue de l’hôpital de Norfolk, et à la disposition de sa famille. Celle-ci n’a pas non plus demandé d’autopsie."
L'éloge funèbre que devait lire Célestin Monga, ami du défunt journaliste et directeur de Publication du quotidien Le Messager, mais qu'a empêché en personne le Gouverneur de la région de l'Ouest, invoquant les exigences protocolaires, est disponible dans les médias depuis dimanche après-midi, 08 août 2010.
Comme nombre de personnes que l'annonce de la mort brutale sur une autoroute américaine de notre confrère éditeur a choqués, je l’attendais pour me faire un religion définitive de ce qui a pu se passer cet après-midi maudit du 11 juillet aux Etats-Unis pour que le confrère et grand frère Pius Njawe ne retrouvant jamais les siens vivant comme il était parti quelques jours auparavant du Cameroun. J'ai pris le temps de lire plusieurs fois le texte de Célestin Monga, son ami et sans doute dépositaire testamentaire, si l’on était dans les considérations africaines. Je me suis arrêté plusieurs fois sur l'extrait ci-dessus. Il porte, comme tout le monde le constate, sur les circonstances de l'accident et de la mort de Pius Njawe. Rapportées par Célestin Monga, qui se garde de les interroger ouvertement, elles semblent a priori crédibles. Malheureusement, confrontées à la réalité, cette narration n'efface pas les interrogations qui se sont faites dans mon esprit, et j’en suis convaincu, au regard de nombre d’interpellations dont j’ai été l’objet depuis dimanche, dans celui de nombre d’observateurs lucides, dès la présentation par les médias locaux et internationaux de quelques versions des circonstances de l’accident au lendemain de l’annonce du décès de Pius Njawe. Bien au contraire.
Ce que rapporte, sous forme d’une narration commentée Célestin Monga, renforce plutôt les doutes sur ce qui s’est effectivement passé le 11 juillet aux Etats-Unis. Mais en même temps, cet éloge funèbre jette une lumière crue et cruelle sur ce qui apparaît au moins comme une négligence incompréhensible doublé d’un laxisme suspect de la part des amis et représentants supposés de la famille de Pius Njawe aux Etats-Unis.
Quelques questions nous permettent de mieux structurer notre hypothèse de négligence incompréhensible et laxisme suspect dans l’appréhension et la présentation des circonstances exactes de la mort de Pius Njawe, qui risquent à jamais d’être ensevelies dans le silence du conformisme inhibiteur que j’ai effroyablement ressenti pendant les 3 semaines de couverture médiatique de ce drame.
1.- Pourquoi n’ont-ils pas demandé une autopsie du corps avant de le récupérer, 3h seulement après l'annonce du drame alors même que ce corps, issu d’un accident où le véhicule aurait été traîné sur plusieurs yards, à en croire Célestin Monga, ne présentait aucune apparence de blessure ?
2.- Plus, en se contentant des conclusions, un peu trop rapides de la police de l’Etat de Virginie, qui alors n'avait en ce moment là entendu que la version d'un seul témoin oculaire, en l'occurrence le principal suspect qu’est le conducteur du Camion tracteur, - le conducteur de M. Njawe, un certain Eric Wande, présenté en son temps comme son neveu, étant supposé, selon les premières versions, être dans un coma -, qu’a voulu montrer, ou cacher, -c’est selon- cette famille, représentée par un certain Lucas Kameni, tuteur déclaré aux Etats-Unis de Justice Njawe, la fillette que M. Njawe allait officiellement voir après sa participation la veille à la conférence de la Camdiac ?
3.- Pourquoi n’a-t-elle pas associé les responsables de cette fameuse Camdiac aux efforts pour rechercher la vérité, les confinant à Washington, alors que selon des témoignages concordants, ils avaient offert de les retrouver toutes affaires cessantes en Virginie où s’est produit le drame ?
4.- Pourquoi ces responsables de Camdiac, réputés bagarreurs sur la place de Washington, se sont-ils montrés aussi conformistes que timorés pour céder face à un Monsieur Kameni, qui avait déjà fait changer, sans les prévenir, le moyen de voyage par train de M. Njawe pour lui en donner un autre, un véhicule de tourisme, qui s’avérera malheureusement fatal ?
5.- Qu'est ce qui était sa priorité au moment de l'annonce du décès de M. Njawe, si ce n'était de connaître les circonstances exactes de cet accident bizarre survenu sur une autoroute, en plein jour, dans les conditions de visibilité parfaite, pendant une circulation fluide et presque à destination?
6.- Pis, étant initialement censé attendre et accueillir M. Njawe à la gare, pourquoi a-t-il fait changer la veille le mode de transport, lui offrant de voyager dans un véhicule particulier qu’il enverrait personnellement, plutôt que par le train initialement prévu?
7.- Pis encore, où et avec qui M. Njawe a-t-il passé le restant de sa soirée supplémentaire à Washington, après avoir été contraint de décommander son voyage par train?
8.- Qu'a-t-il fait, qu'a-t-il mangé, pendant sa nuit supplémentaire à Washington DC, ou lors du déjeuner avant son départ pour la Virginie, pour être si fatigué au bout de 3h de route seulement au point d'être obligé d'allonger son siège passager avant vers l'arrière pour s’assoupir d'où il trouvera la mort sans la voir venir, selon l'éloge funéraire de M. Monga qui a ramené la dépouille mortelle au Cameroun?
Toutes ces questions, sans doute « saugrenues » aux yeux des bien-pensants qui pendant toutes ces 3 semaines de deuil terrifiant, nous ont rappelé que « le plus important était d’accorder des obsèques dignes à Pius », méritent aujourd’hui, des réponses. Je les pose publiquement afin que chaque concerné y réponde par le canal qui lui siérait le mieux. En sachant que finalement, notre juge final c’est le public, car nos consciences sont souvent embrumées par des situations personnelles.
Mais parallèlement à ces réponses attendues, tant que la police de l’Etat de Virginie, et plus généralement la Police fédérale américaine (FBI) – qui n’a pas ouvert d’enquête approfondie, contrairement à ce qu’avaient annoncé certains médias relayés par le SNJC qui croyait logiquement que cela était le minimum, dès lors qu’il y avait mort d’homme, qui plus est un étranger en séjour sur le territoire américain, dans un accident bizarre sur une autoroute en plein jour -qui s’est précipitée, sur la base apparente d’un seul témoignage, manifestement non objectif, de celui qui aurait causé directement la mort de notre confrère et compatriote Pius Njawe, de conclure à un banal accident, il subsistera dans l’esprit des gens normaux toutes ces interrogations.
Elle doit donc, pour convaincre les sceptiques de son professionnalisme et de sa rigueur, - et là-bas comme ici, il faut être un peu naïf pour préjuger totalement de la rigueur de ces institutions policières conservatrices parce que routinières - interroger toutes les personnes qui sont intervenues de près ou de loin dans l’organisation du séjour de Pius Njawe aux Etats-Unis ainsi que de son voyage tragique en Virginie. Il s’agit, sans être exhaustif, des responsables Camdiac qui l’ont invité et hébergé jusqu’à son départ de Washington DC ; de ceux qui ont assuré son hébergement après l’annulation tardive de son voyage par train du 10 juillet en Virginie ; de son hôte de Virginie qui devait l’accueillir dans la nuit du 10 juillet et qui a recommandé d’annuler son voyage par train en lui envoyant un véhicule particulier le lendemain ; des chauffeurs du Camion tracteur et de la berline de marque Lexus ; de la personne jusqu’alors non identifiée qui a appelé le 9-1-1 des services de secours de l’Etat fédéré de Virginie, signalant de fait l’accident; des responsables de l’hôtel où a logé M. Njawe la nuit supplémentaire à Washington DC; de la ou les personnes qu’il a rencontrées cette nuit supplémentaire-là; de la ou les personnes avec les quelles il a déjeunés le matin de son accident ; des responsables administratifs et médicaux de l’hôpital de Norfolk où le corps de M. Njawe a été déposé moins de 10 minutes après l’accident; les responsables de la police de Virginie ; etc.
Ce travail d’enquête logique et simple , pourvu qu’il y ait de la volonté, peut être aussi fait aux Etats-Unis aussi bien la police que par des journalistes d’investigation. Et dans ce dernier cas, les journalistes en question doivent être libres, sérieux et travailleurs. Qui ne se contentent donc pas, comme nos confrères du VIRGINIAN PILOT, depuis la survenance de ce drame, des rapports de police et des états d’âme, sous forme d’opinion, des enquêteurs supposés. Un mois jour pour après l’annonce du décès de Pius Njawe, Personne ne l’a fait. Ni là-bas. Ni ici. En tant que journaliste, j’aurais pu le faire. J’aurai même dû le faire me rétorquera-t-on. J’ai même essayé de le faire !, ne serait-ce que parce j’y avais, et à double titre, un intérêt particulier: en tant que citoyen engagé et journaliste, ancien collaborateur pendant une douzaine d’années de M. Njawe, je n’accepte que peu, ce que je n’ai pas vécu ou reçu des sources sûres, crédibles et authentifiables. Mais vivant à Douala, mon éloignement physique du lieu de survenance de ce drame, m’en rend pratiquement et objectivement incapable. Est-ce une raison pour abandonner au flou total, la problématique centrale et plus réelle encore après la publication du témoignage de Célestin Monga, qui a ramené sa dépouille, des circonstances de la mort de ce grand et émérite confrère désormais rentré dans l’éternité?
Pius Njawe aurait posé de telles questions, en espérant des réponses idoines des concernés, institutions ou individus impliqués. Car c’est comme cela qu’il exerçait ce métier de journaliste : en toute indépendance et responsabilité, le doute l’habitait chaque fois que des événements et leur occurrence, selon les versions reçues, semblaient apparemment simplistes. C’est pourquoi, je crois que l’histoire ne nous pardonnera pas nos démissions individuelles et collectives, si nous nous contentons des bouts de faits aussi bien incohérents que décousus qui nous ont été livrés depuis cette nuit terrible du 11 au 12 juillet 2010. C’est pourquoi, j’invite les journalistes camerounais, éditeurs qui ont joué un rôle capital dans la mobilisation de l’opinion lors des obsèques, de sortir de leur certitude de la fatalité divine. Et de lancer leurs équipes et collaborateurs sur le terrain de cette contre-enquête qui, si menée, fera, j’en suis sûr, date, dans les annales du journalisme d’investigation.
Pour ma part, en tant que Principal Responsable de l’une des principales organisations professionnelles indépendantes de Journalistes au Cameroun – le Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC), seul syndicat à avoir jamais remporté des sièges de délégués de personnel dans une entreprise de presse indépendante au Cameroun - , comme à l’annonce du décès tragique de notre confrère, nous nous devions d’interpeller démocratiquement les autorités américaines et camerounaises afin que soient clarifiées les circonstances du décès de ce journaliste à l’aura planétaire. Un mois, après le drame, alors Pius repose désormais dans sa terre natale qu’est le Cameroun, à la suite des obsèques dignes et grandioses voulues par quelques uns, je réitère, plus amplement, ces questionnements afin que les Autorités des Etats-Unis et du Cameroun, qui ont tous, par les voix de leurs représentants officiels, salué unanimement la mémoire de notre regretté confrère, fassent chacun ce qui est son pouvoir, pour rassurer ceux, nombreux, ici et à travers le monde, que cette question intéresse. Le demander n’est ni les accuser. Ni les rendre responsables de ce drame familial et corporatiste. C’est contribuer à éviter le soupçon général qui transparaît au lendemain des obsèques de Pius. Pour être clair, ce n’est ni leurs opinions, ni leurs regrets sur cet accident qui intéresse les différentes opinions, aussi bien nationale qu’internationale. Mais leurs actes publics, administratifs, diplomatiques, policiers et même judiciaires, qui détermineront leur degré de responsabilité envers les citoyens et la vérité à la quelle ils ont droit. Et qui feront croire à tous que les Etats-Unis restent un Etat sûr pour tous ses résidents, sédentaires ou de passage.
Douala-Cameroun, le 11 août 2010
*Journaliste,
Premier Secrétaire a.i, SNJC
Membre du Comité Exécutif de la FIJ