Selon des habitants de la cité balnéaire, le pouvoir aurait décidé d’en finir avec ce fils du Sud qui dérangeait par ses sorties médiatiques et ses productions littéraires. Depuis le décès de Charles Atéba Eyene, dans la soirée du 21 février 2014, les populations du département de l’Océan dont il était originaire sont en émoi. Samedi 22 février, la ville de Kribi s’est réveillée d’une nuit difficile. Dans la matinée, plus personne ne reste incrédule au sujet du décès de l’un des hommes les plus médiatiques et les plus médiatisés du pays. L’un des plus populaires aussi.
« Atéba Eyene est mort. Que son âme repose en paix », se borne à avancer, amer, un boutiquier de la gare routière. La résignation est là. La désolation ainsi que la frustration. C’est que l’homme avait réussi à s’imposer au sein du peuple comme « la voix des sans voix ». Et cela se ressentait encore plus à travers tout le département.
Mais, la mort brusque de Charles Atéba Eyene suscite dans la ville balnéaire beaucoup de commentaires. Aussi farfelus qu’elles puissent paraître, les réactions des nombreuses personnes approchées par Le messager laissent transparaitre que les Kribiens pensent à une liquidation d’un de leurs « meilleurs atouts ». Un moto-taximan y va sans ambages : « Atéba Eyene ne pouvait pas mourir comme ça. Il était plein de vie, de vitalité. On l’a liquidé ». Il résume ainsi la thèse la plus courue dans cette ville : le pouvoir aurait tué le jeune homme. « Il dérangeait par ses interventions. Tout ce qu’il disait était contre les dirigeants qui ont mis notre pays à genoux. Raisons pour lesquelles on l’a tué », croit savoir Jean Luc, un restaurateur.
En fait, à Kribi, l’homme de la rue indexe le régime de Biya qui, à travers ses sbires, aurait décidé de mettre fin au séjour terrestre de Charles Atéba Eyene. Ses prises de position, aussi bien dans les médias que dans les nombreux livres qu’il a produits, lui auraient finalement coûté la vie. « Cela ne m’étonne pas en tout cas, dans la mesure où, ces derniers temps, il avait franchi un cap dangereux en indexant nommément certains pontes du régime, des personnes hautement placées dans le sérail. Et cela, même jusqu’au président de la République qu’il avait également commencé à interpeller », analyse Giscard Mansé, un enseignant installé ici depuis seulement trois ans.
Dans tous les cas, à Kribi et à travers tout le pays peu de personnes doutent qu’il s’agisse d’une « mort naturelle». La majorité de la population refuse de penser à une quelconque maladie qui aurait si brusquement et si rapidement emporté Charles Atéba Eyene. Dans le gotha politique de l’Océan, l’on appréciait – sous cape bien sûr – ses prises de position virulentes. Notamment envers le régime est ses nombreuses tares, mais surtout parce qu’il ne manquait jamais une occasion de mettre en avant les déboires de la région du Sud et principalement du département qui l’a vu naître. Aussi, s’émeut-on tout simplement de la disparition de cette valeur montante qui s’est éteinte à la fleur de l’âge. Personne ne veut, au sein de l’élite politique, faire d’autres commentaires. Mais, le citoyen lambda de Kribi reste convaincu que le sérail a dit à Charles Atéba Eyene : «Va et laisse-nous en paix».