Débat: Des intellectuels remettent en cause la Réunification
Douala, 08 avril 2013
© Serge-Lionel Nnanga | La Nouvelle Expression
Juristes, historiens et hommes politiques relèvent notamment que le processus qui a conduit au regroupement des deux Cameroun n’a pas été conduit dans les normes.
Comme une plaie qui couve sous un morceau de sparadrap. La conférence-débat organisée le 05 avril 2013 à l’amphi 700 de l’université de Yaoundé I, dans le cadre des manifestations du Cinquantenaire de la Réunification, avait pour but de célébrer un pan important de l’histoire du Cameroun. Mais les organisateurs s’attendaient-ils à ce qu’elle tourne à une relecture, voire une dénégation de cette Histoire ? Et qu’elle fasse rejaillir ces malentendus que le temps n’a pas aidé à dissiper depuis 1961 ? C’est d’abord le juriste Magloire Ondoua, qui déclare qu’ « il n’y a jamais eu Réunification ». D’après l’enseignant de droit à l’Université de Yaoundé II, « au plan juridique, il n’y avait pas grand-chose à reprocher à ce qu’on a appelé processus de réunification ». Il a été décidé et conduit sous le contrôle de l’Organisation des nations unies (Onu) et la tenue d’un référendum montre que le Cameroun britannique a bien été consulté, argumente-t-il. Mais plusieurs erreurs juridiques se sont glissées par la suite. « Les deux Etats devaient signer un traité », explique-t-il tout d’abord. Ce qui n’a pas été fait et n’était même pas faisable, le Cameroun britannique ne disposant pas encore, à ce moment, des attributs d’un Etat. De plus, poursuit-il, « la révision constitutionnelle (qui a consacré cette Réunification, ndlr) qui a été choisie n’était pas appropriée car elle a plutôt conduit à la création d’un nouvel Etat et pas d’une réunification ». Un argument que corrobore l’historien Victor Julius Ngoh qui ajoute que la conférence de Foumban de juin 1961, où se sont négociées les conditions de la Réunification, n’a pas adopté de Constitution, mais des « propositions constitutionnelles ». Un problème de forme donc. Mais pas seulement.
D’après Abel Eyinga, homme politique et témoin de cette époque, les conditions de la Réunification ont été dictées de l’extérieur. Pour lui, Anglais et Français, qui ont administré les deux territoires sous tutelle, avaient un intérêt semblable : celui de les intégrer dans leurs zones d’influence respectives. A ce jeu, soutient-il, c’est la France qui s’avéra la plus déterminée. « Pour les nationalistes, la Réunification était l’occasion de retrouvailles fraternelles. Pour les français, c’était un moyen de maintenir le Cameroun sous-tutelle », explique-t-il. C’est ainsi qu’il justifie la rapidité et finalement le « bâclage » du processus par l’ancien président Ahmadou Ahidjo. De même que le sentiment d’avoir été floués que partagent un certain nombre d’ « anglophones ». A ce propos, tempère Magloire Ondoua, «ce qu’on a appelé Réunification n’est jamais terminé ». Pour preuve, l’article 68 de la Constitution qui prévoit que « la législation résultant des lois et règlements applicables dans l'Etat fédéral du Cameroun et dans les Etat fédérés à la date de prise d'effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu'elle n'aura pas été modifiée par voie législative ou réglementaire ».
© Serge-Lionel Nnanga | La Nouvelle Expression
Juristes, historiens et hommes politiques relèvent notamment que le processus qui a conduit au regroupement des deux Cameroun n’a pas été conduit dans les normes.
Comme une plaie qui couve sous un morceau de sparadrap. La conférence-débat organisée le 05 avril 2013 à l’amphi 700 de l’université de Yaoundé I, dans le cadre des manifestations du Cinquantenaire de la Réunification, avait pour but de célébrer un pan important de l’histoire du Cameroun. Mais les organisateurs s’attendaient-ils à ce qu’elle tourne à une relecture, voire une dénégation de cette Histoire ? Et qu’elle fasse rejaillir ces malentendus que le temps n’a pas aidé à dissiper depuis 1961 ? C’est d’abord le juriste Magloire Ondoua, qui déclare qu’ « il n’y a jamais eu Réunification ». D’après l’enseignant de droit à l’Université de Yaoundé II, « au plan juridique, il n’y avait pas grand-chose à reprocher à ce qu’on a appelé processus de réunification ». Il a été décidé et conduit sous le contrôle de l’Organisation des nations unies (Onu) et la tenue d’un référendum montre que le Cameroun britannique a bien été consulté, argumente-t-il. Mais plusieurs erreurs juridiques se sont glissées par la suite. « Les deux Etats devaient signer un traité », explique-t-il tout d’abord. Ce qui n’a pas été fait et n’était même pas faisable, le Cameroun britannique ne disposant pas encore, à ce moment, des attributs d’un Etat. De plus, poursuit-il, « la révision constitutionnelle (qui a consacré cette Réunification, ndlr) qui a été choisie n’était pas appropriée car elle a plutôt conduit à la création d’un nouvel Etat et pas d’une réunification ». Un argument que corrobore l’historien Victor Julius Ngoh qui ajoute que la conférence de Foumban de juin 1961, où se sont négociées les conditions de la Réunification, n’a pas adopté de Constitution, mais des « propositions constitutionnelles ». Un problème de forme donc. Mais pas seulement.
D’après Abel Eyinga, homme politique et témoin de cette époque, les conditions de la Réunification ont été dictées de l’extérieur. Pour lui, Anglais et Français, qui ont administré les deux territoires sous tutelle, avaient un intérêt semblable : celui de les intégrer dans leurs zones d’influence respectives. A ce jeu, soutient-il, c’est la France qui s’avéra la plus déterminée. « Pour les nationalistes, la Réunification était l’occasion de retrouvailles fraternelles. Pour les français, c’était un moyen de maintenir le Cameroun sous-tutelle », explique-t-il. C’est ainsi qu’il justifie la rapidité et finalement le « bâclage » du processus par l’ancien président Ahmadou Ahidjo. De même que le sentiment d’avoir été floués que partagent un certain nombre d’ « anglophones ». A ce propos, tempère Magloire Ondoua, «ce qu’on a appelé Réunification n’est jamais terminé ». Pour preuve, l’article 68 de la Constitution qui prévoit que « la législation résultant des lois et règlements applicables dans l'Etat fédéral du Cameroun et dans les Etat fédérés à la date de prise d'effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu'elle n'aura pas été modifiée par voie législative ou réglementaire ».