De Fame Ndongo à Marafa: une névrose créationniste au service d’un messianisme politique sans avenir
BRUXELLES - 04 JUIN 2012
© Thierry AMOUGOU | Correspondance
Entre faire du pouvoir une ressource collective pour le bien-être de tous et le garder ad vitam aeternam pour une jouissance clanique des privilèges auxquels il donne droit, le Renouveau National a fait le deuxième choix.
© Thierry AMOUGOU | Correspondance
Entre faire du pouvoir une ressource collective pour le bien-être de tous et le garder ad vitam aeternam pour une jouissance clanique des privilèges auxquels il donne droit, le Renouveau National a fait le deuxième choix.
Entre faire du pouvoir une ressource
collective pour le bien-être de tous et le garder ad vitam aeternam pour
une jouissance clanique des privilèges auxquels il donne droit, le
Renouveau National a fait le deuxième choix. Il n’a jamais été un
pouvoir pour faire l’histoire mais, de façon orgiaque, un pouvoir pour
mettre fin à celle-ci en se concevant comme sa fin. Cette
caractéristique foncière en fait à la fois une médiocratie et une
dictature politique dont les œuvres portent l’estampille de Jacques-Fame
Ndongo et de Marafa, deux de ses figures de proue de longue date. Le
premier s’adresse d’ailleurs au second en le désignant par le vocable «
camarade Marafa ». Camaraderie idéologique, politique et d’action qui
signe leur consanguinité politique et leur ralliement séculaire au RDPC.
Fame Ndongo et Marafa sont donc deux acteurs politiques qui gardent
l’odeur de la même meute au pouvoir depuis trente ans. Meute dont
l’odeur délatrice à laquelle ils participent tous les deux en ce moment,
est la marque déposée. Le RDPC en constitue la machinerie productrice,
depuis trente, de vérités autoréférentielles par le truchement de la
motion de soutien. Autre pièce centrale d’une stylistique du pouvoir
transformant le peuple camerounais en un acteur ventriloque.
C'est-à-dire en une entité politique qui parle sans ouvrir sa bouche
mais à travers celles des marionnettistes, les ministres et directeurs
nommés par Paul Biya.
Cela dit, si Jacques-Fame Ndongo boit le Biyaïsme jusqu’à la lie et incarne jusqu’à la caricature les outrances d’un sectarisme qui, drapé dans les plis et remplis d’un système, le conduit à s’enferrer dans la défense de l’indéfendable nous rappelant une version low cost des égarements sartriens sur le castrisme, Marafa n’incarne pas moins l’autre version de la dictature camerounaise, à savoir le fourvoiement d’une intelligentsia traduisant la trahison des clercs dont la clairvoyance ne réapparait que lorsqu’ils reçoivent en pleine gueule l’effet boomerang d’un système à la perpétuation duquel ils ont œuvré corps et âmes depuis des décennies de jour comme de nuit. En conséquence, le spectacle qu’offre actuellement le Renouveau National est assimilable à ce que les anciens Grecs appelaient hubris : une volonté ivre d’elle-même, un orgueil persuadant celui qui l’éprouve que tout est possible pour lui. Paul Biya est certain de continuer à garder le pouvoir en vendant l’image fausse de celui qui lutte contre la corruption depuis trente ans ; Jacques-Fame Ndongo pense mordicus garder ses privilèges en continuant à jouer au mousquetaire du roi, rôle grâce auquel il est ce qu’il est devenu par outrances oratoires récurrentes à la démocratie, et Marafa dégage une foi inébranlable à son destin présidentiel au sein d’un pays dont il a contribué à clouer l’avenir au pilori. Ces certitudes sont la traduction de la névrose qui atteint tout régime et ses membres parce qu’ils ont si longtemps été aux commandes qu’ils se pensent choisis par les dieux et bénis d’eux. Ils sont atteints d’une névrose créationniste imbibée d’une pensée politique messianique dont Jacques Fame Ndongo est le chantre le plus zélé.
- Les « créatures/esclaves » Marafa et Fame Ndongo parlent à leur « créateur/maître », Paul Biya
Né dès 1982 par l’exaltation du statut d’ancien séminariste de Paul Biya de surcroît fils de catéchiste, la transformation de la pensée républicaine par des catégories théocratiques soutenues par une dialectique du maître et de l’esclave, n’a jamais été aussi prégnante qu’avec Fame Ndongo, inspirateur du Renouveau Communicationnel. Le texte pro domo d’une servilité risible que livre celui-ci contre Marafa n’est donc que la confirmation d’une substitution de la République à la théocratie que met en forme depuis longtemps cet éminent professeur camerounais, et dont le dénominateur commun est le culte de la personne Paul Biya canonisé et sanctifiée saint Barthélémy de son vivant. En voici deux morceaux choisis sur la seule année 2010 :
« Ministres, députés, nous sommes tous des créatures du président Biya. Sans son décret, je ne serais rien. C'est la même chose pour les députés. On ne peut pas être député si l'on n'a pas été investi par le Rdpc qui a été créé par le président Biya ».
« Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya, c’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves ».
Ce type de crédo asservissant et infantilisant n’est pas gratuit. Il est au service du renforcement de l’état de grâce de son auteur auprès de son « Dieu terrestre » Paul Biya. Il remplace non seulement le terme citoyen camerounais par ceux de « créatures » et « d’esclaves », mais aussi celui de Président par ceux de « créateur » et de « maître » dans une liturgie politique dont le but ultime est de clarifier sa place politique de fou du roi ou mieux, de fidèle des fidèles auprès de lui. Dès lors, quand Fame Ndongo fait une sortie sous forme de diatribe contre Marafa, c’est moins à son camarade de parti qu’il parle qu’à son Dieu pour lui dire moi je te reste fidèle plus que tu ne peux l’être pour toi-même : c’est une louange et une prière adressées à son Dieu terrestre en pointant son doigt vers ses antithèses, les infidèles. Dès lors, tous ceux qui souffrent des oukases du tyran voient leurs contestations réduites en félons et leurs critiques affabulées du masque de traitrise. D’où une incohérence structurante entre le besoin de scientificité que veut afficher Fame Ndongo dans son texte sur Marafa, et le dogmatisme morbide qui en constitue l’inspiration première au point de confondre, tant vérité et justice, que parole de Biya et parole d’évangile. Aussi, sans aucune démonstration clinique du caractère véridique ou faux de ce que dit Marafa, le texte de Jaques-Fame Ndongo s’abîme dans un salmigondis où les discours de son « créateur » sont des repères en dissonance dirimante avec les auteurs qu’ils mobilisent : Jean-Jacques Rousseau fut un défenseur acharné de la liberté de pensée au point de s’être brouillé avec la haute société de son temps dont il refusa de cirer les bottes, Montesquieu fut le penseur de la séparation des pouvoirs que l’opération Epervier foule au pieds ; Descartes et Condorcet étaient des inspirateurs centraux de la rationalité critique aux antipodes de la pensée théocratique à rebours de la sécularisation de la source de la légitimité du pouvoir politique que promeut les évangile selon Fame Ndongo au chapitre Paul Biya versets 1982 à 2012.
L’argumentation de Marafa n’est pas exempte de la névrose créationniste au service du pouvoir messianique. Autant Fame Ndongo adresse des prières à son « créateur » en critiquant le comportement de son « camarade Marafa », autant Marafa parle aux Camerounais en adressant une autre prière à son Dieu, Biya. Nous assistons en fait à une confession à haute voix dans l’Eglise du Renouveau National inspirée par Paul Biya et dont le grand prêtre le plus illuminé est Jacques Fame Ndongo, inquisiteur en chef. En fait, que d’autres traduisent les lettres de Marafa si ce n’est qu’une façon de demander au « créateur » et maître pourquoi m’as-tu abandonné alors que je t’ai toujours donné de bons conseils et que je n’ai jamais été hypocrite ni déloyal. Autant Biya reste « le créateur vénéré » dans les premières correspondances de Marafa, autant il n’est plus qu’un demi-dieu dans les dernières où le ton est moins aux salamalecs et allégeances habituelles qu’à la dénonciation des crimes du paradis dont il est le maître. Aussitôt, Marafa intègre la pensée politique messianique car une fois le saint Barthélémy démystifié, démythifié et déclassé par ses missives décapantes, c’est lui Marafa qui devient le messie politique qu’attend depuis longtemps les Camerounais pour sortir du Biyaïsme, son club formateur. Ce dernier ne court ainsi qu’un risque politique positif. Celui de recevoir à la fois les indemnités de formation du joueur Marafa et les frais de transferts de son joueur dans l’opposition camerounaise. Marafa veut donc aller au bout de la dialectique du maître et de l’esclave selon laquelle, à force d’aller au charbon, l’esclave finit par tout contrôler au point de devenir le nouveau maître. Outre geôle, Marafa essaie d’incarner un j’accuse à la Emile Zola. Il est cependant bien terne car parasité par les fausses notes du concert politique que son auteur a contribué à donner au pays depuis plusieurs années. D’où le bal des imposteurs auquel on assiste. Bal donné par des parties et adeptes d’une même Eglise dont le but identique est de faire oublier les ravages légués au peuple camerounais par le temps nullement béni de son action au service de l’asservissement des hommes, de la violence d’Etat et du griotisme pavé, comme l’enfer, de bonnes intentions.
- A l’infaillibilité du « créateur/maître » de Jaques Fame Ndongo s’oppose sa faillibilité selon Marafa
Les discordes entre partisans d’une même Eglise sont légion dans l’histoire mondiale. Grosso modo, elles ont pour dénominateur commun trois réalités. D’abord, les victoires institutionnelles des défenseurs de l’infaillibilité de l’Eglise sur les défenseurs de la liberté et de l’autonomie de l’homme. Ensuite, la reconnaissance différente du même Dieu. Enfin, la défaite historique de l’Eglise et de ses prêtes sur le besoin ardent de démocratie et d’autonomie des hommes. On peut citer, sans être exhaustif, la controverse meurtrière sur le statut divin du Christ entre Arius et Athanase, l’opposition farouche entre Las Casas et Sepulveda sur le sort réservé par l’Eglise catholique aux indiens, puis la passe d’armes explosive entre Pélage et Augustin sur le péché originel.
Jaques-Fame Ndongo et Marafa, « créatures » du même Dieu créateur de l’Eglise RDPC, sont ainsi informés de quel côté de l’histoire ils se situent. Leurs joutes oratoires ne peuvent en aucun moment permettre au peuple camerounais de sortir du système qui détourne la République de son projet émancipateur. Ce sont de simples débats d’Eglise où, malgré l’occurrence de plusieurs mouvements schismatiques, l’histoire montre que les traditionalistes et les hérétiques continuent très souvent à se mettre à genoux devant le même Dieu même si le rituel de la prière change entre eux. Dans le cas d’espèce, le shiisme au sein de l’Eglise RDPC oppose le traditionaliste Fame Ndongo à l’hérétique Marafa. Le courroux sélectif du premier présente Paul Biya son créateur comme infaillible. En tant que Dieu, il n’est responsable de rien depuis trente ans même s’il possède tous les pouvoirs. Seuls les adeptes de son Eglise ont les mains sales car seules responsables du tripatouillage de la Constitution camerounaise, des tirs à balles réelles sur les Camerounais, des disparus de Bépenda, des multiples assassinats non élucidés et des détournements de deniers publics : le pouvoir infaillible du « créateur » ne fait que des « créatures » qui sont entièrement responsables de leurs actes car les voies de Dieu sont insondables. C’est cela la petite musique politique de Jacques-Fame Ndongo qui joue au loyal inoxydable et jusqueboutiste envers son « créateur », stratégie du fidèle des fidèles à qui « le créateur » pourrait léguer le pouvoir pour l’avoir jamais revendiqué ouvertement mais toujours défendu courageusement. Par opposition, Marafa Hamidou Yaya, ange chassé du paradis pour des geôles putrides, est donc actuellement peint sous les traits de Satan, le traître qui fomente un mauvais coup aux desseins du « créateur » à ses « créatures ». Pris entre les griffes du pouvoir inique qu’il a contribué à construire, Marafa Hamidou Yaya joue la carte de la faillibilité totale de son créateur Paul Biya afin de mieux construire son infaillibilité propre auprès du peuple camerounais, seul et unique vainqueur futur de tous ceux qui piochent sans retenue ni vergogne dans le puits sans fond de l’arsenal des truqueurs.
Pour Fame Ndongo, on ne doit pas dénoncer son Dieu car cela équivaut à le renier et donc à mériter la mort, le salaire du péché. Marafa et Biya veulent quant à eux jouer le même coup au peuple camerounais. Le tromper en lui disant l’un et l’autre après son meurtre, je ne suis pas coupable car je t’avais dit de ne pas le tuer même si nous l’avons tué ensemble.
Thierry AMOUGOU,
Président de la Fondation Moumié.
Cela dit, si Jacques-Fame Ndongo boit le Biyaïsme jusqu’à la lie et incarne jusqu’à la caricature les outrances d’un sectarisme qui, drapé dans les plis et remplis d’un système, le conduit à s’enferrer dans la défense de l’indéfendable nous rappelant une version low cost des égarements sartriens sur le castrisme, Marafa n’incarne pas moins l’autre version de la dictature camerounaise, à savoir le fourvoiement d’une intelligentsia traduisant la trahison des clercs dont la clairvoyance ne réapparait que lorsqu’ils reçoivent en pleine gueule l’effet boomerang d’un système à la perpétuation duquel ils ont œuvré corps et âmes depuis des décennies de jour comme de nuit. En conséquence, le spectacle qu’offre actuellement le Renouveau National est assimilable à ce que les anciens Grecs appelaient hubris : une volonté ivre d’elle-même, un orgueil persuadant celui qui l’éprouve que tout est possible pour lui. Paul Biya est certain de continuer à garder le pouvoir en vendant l’image fausse de celui qui lutte contre la corruption depuis trente ans ; Jacques-Fame Ndongo pense mordicus garder ses privilèges en continuant à jouer au mousquetaire du roi, rôle grâce auquel il est ce qu’il est devenu par outrances oratoires récurrentes à la démocratie, et Marafa dégage une foi inébranlable à son destin présidentiel au sein d’un pays dont il a contribué à clouer l’avenir au pilori. Ces certitudes sont la traduction de la névrose qui atteint tout régime et ses membres parce qu’ils ont si longtemps été aux commandes qu’ils se pensent choisis par les dieux et bénis d’eux. Ils sont atteints d’une névrose créationniste imbibée d’une pensée politique messianique dont Jacques Fame Ndongo est le chantre le plus zélé.
- Les « créatures/esclaves » Marafa et Fame Ndongo parlent à leur « créateur/maître », Paul Biya
Né dès 1982 par l’exaltation du statut d’ancien séminariste de Paul Biya de surcroît fils de catéchiste, la transformation de la pensée républicaine par des catégories théocratiques soutenues par une dialectique du maître et de l’esclave, n’a jamais été aussi prégnante qu’avec Fame Ndongo, inspirateur du Renouveau Communicationnel. Le texte pro domo d’une servilité risible que livre celui-ci contre Marafa n’est donc que la confirmation d’une substitution de la République à la théocratie que met en forme depuis longtemps cet éminent professeur camerounais, et dont le dénominateur commun est le culte de la personne Paul Biya canonisé et sanctifiée saint Barthélémy de son vivant. En voici deux morceaux choisis sur la seule année 2010 :
« Ministres, députés, nous sommes tous des créatures du président Biya. Sans son décret, je ne serais rien. C'est la même chose pour les députés. On ne peut pas être député si l'on n'a pas été investi par le Rdpc qui a été créé par le président Biya ».
« Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya, c’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves ».
Ce type de crédo asservissant et infantilisant n’est pas gratuit. Il est au service du renforcement de l’état de grâce de son auteur auprès de son « Dieu terrestre » Paul Biya. Il remplace non seulement le terme citoyen camerounais par ceux de « créatures » et « d’esclaves », mais aussi celui de Président par ceux de « créateur » et de « maître » dans une liturgie politique dont le but ultime est de clarifier sa place politique de fou du roi ou mieux, de fidèle des fidèles auprès de lui. Dès lors, quand Fame Ndongo fait une sortie sous forme de diatribe contre Marafa, c’est moins à son camarade de parti qu’il parle qu’à son Dieu pour lui dire moi je te reste fidèle plus que tu ne peux l’être pour toi-même : c’est une louange et une prière adressées à son Dieu terrestre en pointant son doigt vers ses antithèses, les infidèles. Dès lors, tous ceux qui souffrent des oukases du tyran voient leurs contestations réduites en félons et leurs critiques affabulées du masque de traitrise. D’où une incohérence structurante entre le besoin de scientificité que veut afficher Fame Ndongo dans son texte sur Marafa, et le dogmatisme morbide qui en constitue l’inspiration première au point de confondre, tant vérité et justice, que parole de Biya et parole d’évangile. Aussi, sans aucune démonstration clinique du caractère véridique ou faux de ce que dit Marafa, le texte de Jaques-Fame Ndongo s’abîme dans un salmigondis où les discours de son « créateur » sont des repères en dissonance dirimante avec les auteurs qu’ils mobilisent : Jean-Jacques Rousseau fut un défenseur acharné de la liberté de pensée au point de s’être brouillé avec la haute société de son temps dont il refusa de cirer les bottes, Montesquieu fut le penseur de la séparation des pouvoirs que l’opération Epervier foule au pieds ; Descartes et Condorcet étaient des inspirateurs centraux de la rationalité critique aux antipodes de la pensée théocratique à rebours de la sécularisation de la source de la légitimité du pouvoir politique que promeut les évangile selon Fame Ndongo au chapitre Paul Biya versets 1982 à 2012.
L’argumentation de Marafa n’est pas exempte de la névrose créationniste au service du pouvoir messianique. Autant Fame Ndongo adresse des prières à son « créateur » en critiquant le comportement de son « camarade Marafa », autant Marafa parle aux Camerounais en adressant une autre prière à son Dieu, Biya. Nous assistons en fait à une confession à haute voix dans l’Eglise du Renouveau National inspirée par Paul Biya et dont le grand prêtre le plus illuminé est Jacques Fame Ndongo, inquisiteur en chef. En fait, que d’autres traduisent les lettres de Marafa si ce n’est qu’une façon de demander au « créateur » et maître pourquoi m’as-tu abandonné alors que je t’ai toujours donné de bons conseils et que je n’ai jamais été hypocrite ni déloyal. Autant Biya reste « le créateur vénéré » dans les premières correspondances de Marafa, autant il n’est plus qu’un demi-dieu dans les dernières où le ton est moins aux salamalecs et allégeances habituelles qu’à la dénonciation des crimes du paradis dont il est le maître. Aussitôt, Marafa intègre la pensée politique messianique car une fois le saint Barthélémy démystifié, démythifié et déclassé par ses missives décapantes, c’est lui Marafa qui devient le messie politique qu’attend depuis longtemps les Camerounais pour sortir du Biyaïsme, son club formateur. Ce dernier ne court ainsi qu’un risque politique positif. Celui de recevoir à la fois les indemnités de formation du joueur Marafa et les frais de transferts de son joueur dans l’opposition camerounaise. Marafa veut donc aller au bout de la dialectique du maître et de l’esclave selon laquelle, à force d’aller au charbon, l’esclave finit par tout contrôler au point de devenir le nouveau maître. Outre geôle, Marafa essaie d’incarner un j’accuse à la Emile Zola. Il est cependant bien terne car parasité par les fausses notes du concert politique que son auteur a contribué à donner au pays depuis plusieurs années. D’où le bal des imposteurs auquel on assiste. Bal donné par des parties et adeptes d’une même Eglise dont le but identique est de faire oublier les ravages légués au peuple camerounais par le temps nullement béni de son action au service de l’asservissement des hommes, de la violence d’Etat et du griotisme pavé, comme l’enfer, de bonnes intentions.
- A l’infaillibilité du « créateur/maître » de Jaques Fame Ndongo s’oppose sa faillibilité selon Marafa
Les discordes entre partisans d’une même Eglise sont légion dans l’histoire mondiale. Grosso modo, elles ont pour dénominateur commun trois réalités. D’abord, les victoires institutionnelles des défenseurs de l’infaillibilité de l’Eglise sur les défenseurs de la liberté et de l’autonomie de l’homme. Ensuite, la reconnaissance différente du même Dieu. Enfin, la défaite historique de l’Eglise et de ses prêtes sur le besoin ardent de démocratie et d’autonomie des hommes. On peut citer, sans être exhaustif, la controverse meurtrière sur le statut divin du Christ entre Arius et Athanase, l’opposition farouche entre Las Casas et Sepulveda sur le sort réservé par l’Eglise catholique aux indiens, puis la passe d’armes explosive entre Pélage et Augustin sur le péché originel.
Jaques-Fame Ndongo et Marafa, « créatures » du même Dieu créateur de l’Eglise RDPC, sont ainsi informés de quel côté de l’histoire ils se situent. Leurs joutes oratoires ne peuvent en aucun moment permettre au peuple camerounais de sortir du système qui détourne la République de son projet émancipateur. Ce sont de simples débats d’Eglise où, malgré l’occurrence de plusieurs mouvements schismatiques, l’histoire montre que les traditionalistes et les hérétiques continuent très souvent à se mettre à genoux devant le même Dieu même si le rituel de la prière change entre eux. Dans le cas d’espèce, le shiisme au sein de l’Eglise RDPC oppose le traditionaliste Fame Ndongo à l’hérétique Marafa. Le courroux sélectif du premier présente Paul Biya son créateur comme infaillible. En tant que Dieu, il n’est responsable de rien depuis trente ans même s’il possède tous les pouvoirs. Seuls les adeptes de son Eglise ont les mains sales car seules responsables du tripatouillage de la Constitution camerounaise, des tirs à balles réelles sur les Camerounais, des disparus de Bépenda, des multiples assassinats non élucidés et des détournements de deniers publics : le pouvoir infaillible du « créateur » ne fait que des « créatures » qui sont entièrement responsables de leurs actes car les voies de Dieu sont insondables. C’est cela la petite musique politique de Jacques-Fame Ndongo qui joue au loyal inoxydable et jusqueboutiste envers son « créateur », stratégie du fidèle des fidèles à qui « le créateur » pourrait léguer le pouvoir pour l’avoir jamais revendiqué ouvertement mais toujours défendu courageusement. Par opposition, Marafa Hamidou Yaya, ange chassé du paradis pour des geôles putrides, est donc actuellement peint sous les traits de Satan, le traître qui fomente un mauvais coup aux desseins du « créateur » à ses « créatures ». Pris entre les griffes du pouvoir inique qu’il a contribué à construire, Marafa Hamidou Yaya joue la carte de la faillibilité totale de son créateur Paul Biya afin de mieux construire son infaillibilité propre auprès du peuple camerounais, seul et unique vainqueur futur de tous ceux qui piochent sans retenue ni vergogne dans le puits sans fond de l’arsenal des truqueurs.
Pour Fame Ndongo, on ne doit pas dénoncer son Dieu car cela équivaut à le renier et donc à mériter la mort, le salaire du péché. Marafa et Biya veulent quant à eux jouer le même coup au peuple camerounais. Le tromper en lui disant l’un et l’autre après son meurtre, je ne suis pas coupable car je t’avais dit de ne pas le tuer même si nous l’avons tué ensemble.
Thierry AMOUGOU,
Président de la Fondation Moumié.