Comment les administrations publiques payent le prix de l'inertie au sommet de l'Etat.
Nommé vendredi dernier au poste de directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara), Ibrahim Talba Malla (jusqu’au moment où nous allions sous presses) n’a toujours pas été remplacé à la tête de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph). Difficile de ne pas se demander comment ce fils du Mayo Sava, qui a dirigé la Csph pendant plus de 20 ans, fera pour s’acquitter de ses tâches au sein de ces deux entreprises publiques, basées à Yaoundé et Limbé.
En réalité, le cas Talba Malla, désormais double Dg, n’est pas isolé dans l’environnement administratif camerounais. Emmanuel Nganou Djoumessi, ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) n’a pas été remplacé, depuis le 9 décembre 2011, au poste de secrétaire général adjoint des services du Premier ministre. Théoriquement, il fait toujours le grand écart entre l’«Immeuble étoile» et l’«Immeuble rose».
D’autres bénéficiaires des décrets présidentiels de décembre 2011, portant notamment réaménagement du gouvernement, se sont livrés au même exercice laborieux durant des mois : ainsi de Benoît Ndong Soumhet, écartelé entre la direction générale de l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (Enam) et le secrétariat d’Etat à l’Education de base, Ferdinand Ngoh Ngoh, entre le secrétariat général de la présidence de la République et le secrétariat général du ministère des Relations extérieures, Ngole Philip Ngwese, entre le ministère des Forêts et de la Faune et le secrétariat général du ministère de la Fonction publique et de la Reforme administrative, Basile Atangana Kouna entre le ministère de l’Eau et de l’Energie et la direction générale de Cameroon water utilities (Camwater), etc.
Des années plus loin, l’exemple de Gervais Mendo Zé, nommé par décret présidentiel ministre délégué au Mincom le 8 décembre 2004, «cumulativement» avec ses fonctions de directeur général de la Crtv, avait déjà défrayé la chronique. La légende raconte que l’intéressé avait reçu des assurances de la «très haute hiérarchie» quant à ce qu’il resterait ministre/Dg… Mais, contre toute attente, le 26 janvier 2005, Paul Biya confie les rênes de l’office à Amadou Vamoulké.
Pétition
Ils ne favorisent pas l’efficacité et l’efficience dans les différentes administrations. On remarque en plus que certains hauts cadres affectés ailleurs continuent de bénéficier de l’article 2, [c'est-à-dire des avantages et privilèges, ndlr] liés à leurs (précédents) postes. Comme quoi, ils mangent à deux râteliers», s’indignait, il y a encore quelques mois, un haut fonctionnaire au sujet des ministres cumulards. our sa part, l’homme politique Vincent Sosthène Fouda a lancé l’année dernière sur la toile une pétition intitulée «stop au cumul des postes dans la fonction publique camerounaise».
Il y indique que «le cumul des postes au Cameroun, à l’instar de l’addiction au tabac, au sexe et à la drogue, ruine le pays de ses plus belles énergies». Sosthène Fouda y affirme du reste que «le cumul est un crime (…) économique, parce que l’on perçoit une rémunération sur la seule base du décret et non du travail qui est fait. Et les hommes de Dieu qui le font savent, mieux que quiconque, qu’ils n’ont pas le don de bilocation !». Des réflexions qui ne devraient pas être passées par pertes et profits par le président de la République, Paul Biya, chantre devant l’Eternel de la lutte contre l’inertie.