CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"
CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"
(Le Faso.net 06/01/2011)
L’auteur du texte ci-dessous donne son point de vue sur la situation sociopolitique actuelle en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’unité du continent n’est pas monnayable et doit s’opérer à tout prix, même par "le sang si nécessaire".
Les Etats africains sont largement mobilisés afin de mettre un terme au coup d’Etat démocratique en cours en Côte d’Ivoire. La CEDEAO est déterminée à user de tous les moyens, y compris la force des armes, pour que force reste à la démocratie et à la stabilité en Côte d’Ivoire. J’y vois, du moins je l’espère, l’expression d’une nouvelle Afrique. Concernant l’élection elle-même et à propos de l’origine de la crise actuelle en Côte d’Ivoire, je voudrais insister sur le fait que le candidat Gbagbo et le Conseil constitutionnel ont fait un passage en force, et qu’ils ne sont nullement dans la légalité comme ils s’évertuent à le claironner à tout vent. Cela est indiscutable !
Certes il y a eu des entraves au bon déroulement des votes dans certaines régions. Encore fallait-il en préciser l’étendue et situer les responsabilités en toute sérénité. Mais surtout, ainsi que l’analyste indépendant et spécialiste de la Côte d’Ivoire, le Béninois Gilles Olakunlé Yabi l’a rappelé dans un article récent, la décision du Conseil constitutionnel n’est pas fondée. En effet, selon l’article 64 du Code électoral ivoirien, si les irrégularités constatées sont de nature à changer le résultat final du vote, le Conseil constitutionnel fait reprendre le scrutin dans les 45 jours. Visiblement, cela n’a pas été le cas. M. Gbagbo ne peut donc pas dire qu’il a le droit avec lui.
Il a fait un coup d’Etat car il ne pouvait pas gagner l’élection à la régulière, étant donné l’ensemble des résultats et le poids électoral du président Ouattara dans les régions en cause. Alors que Laurent Gbagbo et ses affidés crient au complot international contre la Côte d’Ivoire, je salue une démarche africaine en vue de régler un problème africain, avec l’appui de partenaires occidentaux. Ces derniers, ainsi que les câbles diplomatiques de Wikileaks le révèlent, ne poursuivent pas que des intérêts égoïstes dans nos pays, ils sont aussi soucieux de l’évolution démocratique du continent, les Américains en particulier.
Plus qu’un problème ivoirien, ce qui se passe en ce moment en Côte d’Ivoire doit être revendiqué comme un problème africain. L’Afrique qui se dessine sous nos yeux, est une Afrique unie, où nous apprendrons de plus en plus à nous affranchir des micro-nationalités. Ce qui est en jeu en Côte d’Ivoire, ce n’est pas la présidence d’Alassane Ouattara, mais la marche institutionnelle et démocratique de l’Afrique. De la même façon que les Africains et leurs partenaires occidentaux sont restés mobilisés afin que force reste à la démocratie en Guinée, ensemble nous resterons déterminés afin qu’il en soit de même en Côte d’Ivoire aujourd’hui, demain au Sénégal et au Burkina Faso, et partout ailleurs sur le continent où subsiste la menace de tripatouiller la démocratie.
La Côte d’Ivoire est donc notre affaire à tous. Et l’intervention militaire qui se dessine doit être un succès. Pour ce faire, il faut bien la préparer, y compris son aspect psychologique afin d’"aider" l’adversaire à se rendre sans (réellement) combattre. Elle doit intervenir rapidement mais sans précipitation. Elle ne doit rien négliger, ni par exemple une éventuelle résistance des militaires et civils fidèles à Gbagbo. Sans doute y aura-t-il des dégâts humains et matériels. Mais tout comme les historiens, je dis que si cela devait arriver et qu’il y avait des blessés et des morts, c’est l’histoire qui se construit ainsi.
Nous devons accélérer l’histoire africaine. La mobilisation qui a cours pour la Côte d’Ivoire peut aider davantage à l’affirmation plus formelle d’une position africaine sur la construction institutionnelle et démocratique du continent. On pourrait ainsi envisager une implication plus directe des institutions africaines dans la transparence des processus électoraux. Déjà, par exemple, aujourd’hui en Guinée le président de la Commission électorale est un Malien. On pourrait aussi imaginer à l’échelle africaine la limitation des mandats présidentiels là où ce n’est pas le cas, et interdire le tripatouillage constitutionnel et l’exercice du pouvoir par les militaires.
Il n’y a pas encore de texte africain en la matière, mais ce sont là des positions de principe plus ou moins affirmées par l’Union africaine, la CEDEAO, etc. Afin d’éviter que des crises se répètent comme au Tchad, au Togo, au Kenya, au Niger, en Guinée, au Zimbabwé, ou en Côte d’Ivoire, ces principes doivent s’imposer et, surtout, être imposés comme une sorte de jurisprudence à tous les pays et à tous les chefs d’Etat du continent. Il nous faut aller plus loin et faire en sorte que la diplomatie, la persuasion et, si nécessaire, la force militaire africaine (qu’est chargé de mettre en place le général Sékouba Konaté) permettent de résoudre définitivement tous les conflits et apaiser toutes les poches d’instabilité sur le continent. Ainsi, nous devons faire en sorte que les efforts diplomatiques et/ou militaires en cours dans la région des Grands lacs et en Somalie aboutissent, enfin. En clair, il nous faut aller vers un Etat africain fort.
Ces combats qui amènent la famille africaine à s’unir doivent être le ferment du processus vers l’unification économique et politique du continent, vers une Afrique une et indivisible. En 2050, ensemble, nous serons entre 1,8 et 2 milliards d’Africains. L’Afrique sera alors bien plus peuplée que l’Inde ou la Chine. Ce n’est que dans l’unité institutionnelle et démocratique que nous réussirons alors à faire en sorte que l’extraordinaire atout démographique de 2050 permette à ce que, économiquement et politiquement, l’Afrique reprenne le leadership mondial, vers la fin du siècle qui a commencé. Alors, travaillons à unifier le continent, par le sang et la force armée des Africains, si nécessaire.
Yacouba Gnègnè, économiste, enseignant-chercheur, ygnegne@gmail.com
Le Pays
(Le Faso.net 06/01/2011)
L’auteur du texte ci-dessous donne son point de vue sur la situation sociopolitique actuelle en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’unité du continent n’est pas monnayable et doit s’opérer à tout prix, même par "le sang si nécessaire".
Les Etats africains sont largement mobilisés afin de mettre un terme au coup d’Etat démocratique en cours en Côte d’Ivoire. La CEDEAO est déterminée à user de tous les moyens, y compris la force des armes, pour que force reste à la démocratie et à la stabilité en Côte d’Ivoire. J’y vois, du moins je l’espère, l’expression d’une nouvelle Afrique. Concernant l’élection elle-même et à propos de l’origine de la crise actuelle en Côte d’Ivoire, je voudrais insister sur le fait que le candidat Gbagbo et le Conseil constitutionnel ont fait un passage en force, et qu’ils ne sont nullement dans la légalité comme ils s’évertuent à le claironner à tout vent. Cela est indiscutable !
Certes il y a eu des entraves au bon déroulement des votes dans certaines régions. Encore fallait-il en préciser l’étendue et situer les responsabilités en toute sérénité. Mais surtout, ainsi que l’analyste indépendant et spécialiste de la Côte d’Ivoire, le Béninois Gilles Olakunlé Yabi l’a rappelé dans un article récent, la décision du Conseil constitutionnel n’est pas fondée. En effet, selon l’article 64 du Code électoral ivoirien, si les irrégularités constatées sont de nature à changer le résultat final du vote, le Conseil constitutionnel fait reprendre le scrutin dans les 45 jours. Visiblement, cela n’a pas été le cas. M. Gbagbo ne peut donc pas dire qu’il a le droit avec lui.
Il a fait un coup d’Etat car il ne pouvait pas gagner l’élection à la régulière, étant donné l’ensemble des résultats et le poids électoral du président Ouattara dans les régions en cause. Alors que Laurent Gbagbo et ses affidés crient au complot international contre la Côte d’Ivoire, je salue une démarche africaine en vue de régler un problème africain, avec l’appui de partenaires occidentaux. Ces derniers, ainsi que les câbles diplomatiques de Wikileaks le révèlent, ne poursuivent pas que des intérêts égoïstes dans nos pays, ils sont aussi soucieux de l’évolution démocratique du continent, les Américains en particulier.
Plus qu’un problème ivoirien, ce qui se passe en ce moment en Côte d’Ivoire doit être revendiqué comme un problème africain. L’Afrique qui se dessine sous nos yeux, est une Afrique unie, où nous apprendrons de plus en plus à nous affranchir des micro-nationalités. Ce qui est en jeu en Côte d’Ivoire, ce n’est pas la présidence d’Alassane Ouattara, mais la marche institutionnelle et démocratique de l’Afrique. De la même façon que les Africains et leurs partenaires occidentaux sont restés mobilisés afin que force reste à la démocratie en Guinée, ensemble nous resterons déterminés afin qu’il en soit de même en Côte d’Ivoire aujourd’hui, demain au Sénégal et au Burkina Faso, et partout ailleurs sur le continent où subsiste la menace de tripatouiller la démocratie.
La Côte d’Ivoire est donc notre affaire à tous. Et l’intervention militaire qui se dessine doit être un succès. Pour ce faire, il faut bien la préparer, y compris son aspect psychologique afin d’"aider" l’adversaire à se rendre sans (réellement) combattre. Elle doit intervenir rapidement mais sans précipitation. Elle ne doit rien négliger, ni par exemple une éventuelle résistance des militaires et civils fidèles à Gbagbo. Sans doute y aura-t-il des dégâts humains et matériels. Mais tout comme les historiens, je dis que si cela devait arriver et qu’il y avait des blessés et des morts, c’est l’histoire qui se construit ainsi.
Nous devons accélérer l’histoire africaine. La mobilisation qui a cours pour la Côte d’Ivoire peut aider davantage à l’affirmation plus formelle d’une position africaine sur la construction institutionnelle et démocratique du continent. On pourrait ainsi envisager une implication plus directe des institutions africaines dans la transparence des processus électoraux. Déjà, par exemple, aujourd’hui en Guinée le président de la Commission électorale est un Malien. On pourrait aussi imaginer à l’échelle africaine la limitation des mandats présidentiels là où ce n’est pas le cas, et interdire le tripatouillage constitutionnel et l’exercice du pouvoir par les militaires.
Il n’y a pas encore de texte africain en la matière, mais ce sont là des positions de principe plus ou moins affirmées par l’Union africaine, la CEDEAO, etc. Afin d’éviter que des crises se répètent comme au Tchad, au Togo, au Kenya, au Niger, en Guinée, au Zimbabwé, ou en Côte d’Ivoire, ces principes doivent s’imposer et, surtout, être imposés comme une sorte de jurisprudence à tous les pays et à tous les chefs d’Etat du continent. Il nous faut aller plus loin et faire en sorte que la diplomatie, la persuasion et, si nécessaire, la force militaire africaine (qu’est chargé de mettre en place le général Sékouba Konaté) permettent de résoudre définitivement tous les conflits et apaiser toutes les poches d’instabilité sur le continent. Ainsi, nous devons faire en sorte que les efforts diplomatiques et/ou militaires en cours dans la région des Grands lacs et en Somalie aboutissent, enfin. En clair, il nous faut aller vers un Etat africain fort.
Ces combats qui amènent la famille africaine à s’unir doivent être le ferment du processus vers l’unification économique et politique du continent, vers une Afrique une et indivisible. En 2050, ensemble, nous serons entre 1,8 et 2 milliards d’Africains. L’Afrique sera alors bien plus peuplée que l’Inde ou la Chine. Ce n’est que dans l’unité institutionnelle et démocratique que nous réussirons alors à faire en sorte que l’extraordinaire atout démographique de 2050 permette à ce que, économiquement et politiquement, l’Afrique reprenne le leadership mondial, vers la fin du siècle qui a commencé. Alors, travaillons à unifier le continent, par le sang et la force armée des Africains, si nécessaire.
Yacouba Gnègnè, économiste, enseignant-chercheur, ygnegne@gmail.com
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