CRISE IVOIRIENNE: le triste spectacle du clergé
CRISE IVOIRIENNE: le triste spectacle du clergé
(Le Pays 12/01/2011)
La crise postélectorale ivoirienne finira par avoir raison de tout le monde à cause de son enlisement. Même ceux que l’on disait neutres, au-dessus de la mêlée, ont fini par prendre position soit pour le président sortant, Laurent Gbagbo, soit pour le président démocratiquement élu, Alassane Dramane Ouattara (ADO). C’est le cas notamment du clergé ivoirien. Coup sur coup, les responsables de l’Eglise catholique ont fait trois sorties contradictoires sur la crise qui n’en finit pas.
D’abord, c’est la conférence épiscopale qui, dans une déclaration, a demandé que soit privilégié le dialogue pour une sortie de crise pacifique. Et cela sans prendre parti ni pour Gbagbo, ni pour Ouattara. De l’équilibrisme compréhensible vu que l’Eglise ne fait pas de politique même si, suivant la situation, elle peut être amenée à se prononcer sur des sujets politiques. Mais la suite de ce que l’on croyait être la position officielle du clergé ivoirien allait brouiller les lignes. Le cardinal émérite, Bernard Agré, a cru bon de donner lui aussi sa position sur cette crise qui commence à lasser la communauté internationale. Le patron de l’Eglise catholique ivoirienne, aujourd’hui à la retraite, a demandé que soit respecté le verdict du Conseil constitutionnel.
Ce qui veut dire clairement qu’il reconnaît la victoire du président sortant, Laurent Gbagbo. Il a beau préciser qu’il s’exprimait à titre personnel, sa sortie fait désordre. Bien qu’étant à la retraite, la dissociation n’est pas facile à faire au sein de l’opinion publique entre Bernard Agré, ancien chef de l’Eglise ivoirienne, et Bernard Agré, simple citoyen pouvant librement donner son point de vue sur tout sujet. D’où d’ailleurs la volée de bois vert à son encontre de la part de certains partisans de ADO. Le plus célèbre d’entre eux, Venance Konan, journaliste et écrivain, s’en est vertement pris au prélat dans une lettre ouverte.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, un autre homme d’Eglise s’est aussi invité dans la confusion. Prenant le contre-pied du cardinal émérite, Mgr Jean Salomon Lezoutié, évêque coadjuteur du diocèse de Yopougon, a conseillé à Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite et de quitter, par conséquent, le pouvoir. Pour éviter toute équivoque, il a lui aussi précisé qu’il parlait à titre personnel. Ce qui ajoute à la confusion par rapport à la position officielle de la conférence épiscopale. Si Monseigneur Agré peut, dans une moindre mesure, être excusé parce qu’étant en retraite, et donc pas astreint au droit de réserve, ce n’est pas le cas de l’évêque de Yopougon qui est toujours en activités. De ce fait, il est lié par la position officielle du clergé, donnée à travers la déclaration de la conférence épiscopale. L’attitude du coadjuteur est donc incompréhensible surtout qu’il est allé à l’encontre de la neutralité du clergé.
On aurait compris qu’il voulait recadrer son émérite aîné pour éviter toute confusion au niveau des citoyens et des fidèles s’il s’était contenté de rappeler ce qui a été arrêté de commun accord. Mais en optant de ramer à contre-courant, même s’il dit s’exprimer à titre personnel, il n’a fait que révéler au grand jour la division qui a gagné l’Eglise par rapport à la crise postélectorale. Pour tout dire, on assiste donc à un spectacle triste et désolant qui rejaillit sur le clergé. Tout compte fait, le cardinal émérite et l’évêque auraient dû se taire. Ils auraient rendu un grand service à la Nation ivoirienne en adoptant le silence. Il ne faut pas parler pour parler surtout après que des instances ou des voix indiquées l’ont fait. Persister à le faire, c’est s’offrir en spectacle, provoquer une désunion.
Les sorties malheureuses des deux hommes d’Eglise offrent une image de division, de mésentente au sein de la communauté chrétienne ivoirienne. Elles sont susceptibles de semer le doute dans l’esprit de bon nombre de fidèles qui ne croiront plus à la neutralité de ceux qui sont chargés de leur prêcher la bonne nouvelle. Il y a lieu de mettre fin à cette cacophonie. Le Vatican gagnerait à recadrer le clergé ivoirien en crise.
Séni DABO
(Le Pays 12/01/2011)
La crise postélectorale ivoirienne finira par avoir raison de tout le monde à cause de son enlisement. Même ceux que l’on disait neutres, au-dessus de la mêlée, ont fini par prendre position soit pour le président sortant, Laurent Gbagbo, soit pour le président démocratiquement élu, Alassane Dramane Ouattara (ADO). C’est le cas notamment du clergé ivoirien. Coup sur coup, les responsables de l’Eglise catholique ont fait trois sorties contradictoires sur la crise qui n’en finit pas.
D’abord, c’est la conférence épiscopale qui, dans une déclaration, a demandé que soit privilégié le dialogue pour une sortie de crise pacifique. Et cela sans prendre parti ni pour Gbagbo, ni pour Ouattara. De l’équilibrisme compréhensible vu que l’Eglise ne fait pas de politique même si, suivant la situation, elle peut être amenée à se prononcer sur des sujets politiques. Mais la suite de ce que l’on croyait être la position officielle du clergé ivoirien allait brouiller les lignes. Le cardinal émérite, Bernard Agré, a cru bon de donner lui aussi sa position sur cette crise qui commence à lasser la communauté internationale. Le patron de l’Eglise catholique ivoirienne, aujourd’hui à la retraite, a demandé que soit respecté le verdict du Conseil constitutionnel.
Ce qui veut dire clairement qu’il reconnaît la victoire du président sortant, Laurent Gbagbo. Il a beau préciser qu’il s’exprimait à titre personnel, sa sortie fait désordre. Bien qu’étant à la retraite, la dissociation n’est pas facile à faire au sein de l’opinion publique entre Bernard Agré, ancien chef de l’Eglise ivoirienne, et Bernard Agré, simple citoyen pouvant librement donner son point de vue sur tout sujet. D’où d’ailleurs la volée de bois vert à son encontre de la part de certains partisans de ADO. Le plus célèbre d’entre eux, Venance Konan, journaliste et écrivain, s’en est vertement pris au prélat dans une lettre ouverte.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, un autre homme d’Eglise s’est aussi invité dans la confusion. Prenant le contre-pied du cardinal émérite, Mgr Jean Salomon Lezoutié, évêque coadjuteur du diocèse de Yopougon, a conseillé à Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite et de quitter, par conséquent, le pouvoir. Pour éviter toute équivoque, il a lui aussi précisé qu’il parlait à titre personnel. Ce qui ajoute à la confusion par rapport à la position officielle de la conférence épiscopale. Si Monseigneur Agré peut, dans une moindre mesure, être excusé parce qu’étant en retraite, et donc pas astreint au droit de réserve, ce n’est pas le cas de l’évêque de Yopougon qui est toujours en activités. De ce fait, il est lié par la position officielle du clergé, donnée à travers la déclaration de la conférence épiscopale. L’attitude du coadjuteur est donc incompréhensible surtout qu’il est allé à l’encontre de la neutralité du clergé.
On aurait compris qu’il voulait recadrer son émérite aîné pour éviter toute confusion au niveau des citoyens et des fidèles s’il s’était contenté de rappeler ce qui a été arrêté de commun accord. Mais en optant de ramer à contre-courant, même s’il dit s’exprimer à titre personnel, il n’a fait que révéler au grand jour la division qui a gagné l’Eglise par rapport à la crise postélectorale. Pour tout dire, on assiste donc à un spectacle triste et désolant qui rejaillit sur le clergé. Tout compte fait, le cardinal émérite et l’évêque auraient dû se taire. Ils auraient rendu un grand service à la Nation ivoirienne en adoptant le silence. Il ne faut pas parler pour parler surtout après que des instances ou des voix indiquées l’ont fait. Persister à le faire, c’est s’offrir en spectacle, provoquer une désunion.
Les sorties malheureuses des deux hommes d’Eglise offrent une image de division, de mésentente au sein de la communauté chrétienne ivoirienne. Elles sont susceptibles de semer le doute dans l’esprit de bon nombre de fidèles qui ne croiront plus à la neutralité de ceux qui sont chargés de leur prêcher la bonne nouvelle. Il y a lieu de mettre fin à cette cacophonie. Le Vatican gagnerait à recadrer le clergé ivoirien en crise.
Séni DABO
© Copyright Le Pays