Crise des crédits hypothécaires et raidissements nationalistes en Europe
Crise des crédits hypothécaires et raidissements nationalistes en Europe
Le raidissement des référents nationalistes n’est jamais aussi fort qu’en période de crise économique profonde. En effet, il est historiquement démontré que les périodes de forte croissance économique induisent des politiques d’immigration laxistes, quand les périodes de récession économique donnent lieu à un renforcement des contrôles et de reconduites aux frontières. L’explication de ce phénomène est simple : D’un coté, la forte croissance économique augmente l’activité et fait naître un besoin d’une force de travail étrangère que la prospérité ambiante entraîne les pays d’immigration à considérer moins comme un danger que comme une nécessité conjoncturelle. De l’autre, la crise économique annule le besoin de main-d’œuvre étrangère et installe une carence généralisée qui rend de nouveau visibles ceux qui viennent d’ailleurs. Le rétrécissement de la taille du banquet rend donc le contrôle des billets d’invitation plus sévère qu’en période de vache grasse.
Crise, idéal national et narcissisme européen
Si, en période de prospérité, l’ouverture au monde et aux autres cultures se fait aisément, on assiste à un recroquevillement national des Etats européens en période de crise, non seulement par le biais de politiques protectionnistes, mais aussi, par le retour aux valeurs nationales et ethno-raciales. Elles sont exaltées comme les seules forces de rappel de la prospérité perdue. Dans cette logique, la crise que vivent les pays au cours d’une période est toujours causée par la négligence des valeurs nationales et ethno-raciales lors des périodes précédentes. Toute la politique nationaliste consiste donc à chercher un bouc émissaire qui permette d’accepter et d’expliquer les troubles sociopolitiques et économiques induits par la crise au sein d’un Etat ou d’une société. La nation devient la nouvelle force tutélaire qui sauvera tout le monde du corps étranger (la crise) qui se trouve au-dedans d’une société. L’idée sous-jacente est que ladite société aurait dû rester pure si elle l’avait su plus tôt. De ce fait, les référents identitaires (culture), symboliques (drapeau, hymne national, langue…) et géologiques (lignage, race et lien de sang) prennent le pas sur l’ouverture, l’histoire et le dialogue entre les civilisations. Le fascisme et le nazisme se sont effectivement développés en Europe en utilisant comme terreau fertile les frustrations et les souffrances issues de la crise de 1929. En ce temps-là, la nouvelle terre promise devint la nation et les nouveaux dieux politiques naquirent autour de ceux qui l’exaltèrent sans vergogne contre les étrangers. La thèse du chroniqueur français Eric Zemmour est du même acabit. Elle fait des Arabes et des Noirs les nouveaux Barbares qui auront bientôt raison de la France par analogie aux Barbares qui eurent raison de Rome en son temps. C’est que l’idée nationaliste ne se développe jamais sans construction mentale d’une crise d’insécurité, sans fanatisme, sans haine et sans xénophobie qu’on essaie de cacher sous le couvert du patriotisme.
Quelques faits de l’air du temps nationaliste en Europe
Sans aller jusqu’à dire que l’histoire des lendemains de la crise des années trente serait en trait de se répéter en Europe en 2011, force est de constater que le petit matin de la crise des subprimes n’est pas très serein car l’étranger qu’on accepte chez soi doit être de nouveau être « un saint de corps et d’esprits ». En effet, les Suisses ont refusé les minarets chez eux et l’extrême droite du même pays vient d’introduire un projet de loi qui propose l’expulsion de tout Suisse d’origine étrangère et de tout étranger qui auraient été condamnés pour viol d’une Suissesse, d’infanticide ou de tout autre assassinat. La France vient à peine de sortir des dérives de son débat sur l’identité nationale que l’UMP lance un autre débat non moins plein de sous entendus sur l’islam. C’est également le gouvernement UMP qui construit deux catégories de Français par la promotion d’une déchéance de nationalité pour tous Français d’origine étrangère qui tuerait une force de l’ordre française. Pour la petite histoire, le gouvernement UMP ne dit pas ce qu’il advient de cette déchéance de nationalité lorsque le policier tué par le Français d’origine étrangère est lui-même d’origine étrangère ! Du côté belge, on assiste au durcissement de la procédure de nationalisation car ses nouveaux critères prévoient la possibilité de refuser la naturalisation pendant une période allant jusqu’à cinq ans après une condamnation à une peine de prison effective, pour des crimes graves.
Sur le plan interne, la même Belgique connait une crise politique auréolée de revendications identitaires flamandes et wallonnes. Au mois de septembre dernier, Thilo Sarrazin, un haut fonctionnaire allemand siégeant à la Banque centrale, a dénoncé le déclin de l'Allemagne qu'il voit "s'abrutir" sous le poids des immigrés musulmans. La suite n’est pas plus rassurante car au succès dévastateur du livre de Thilo Sarrazin, ont succédé les déclarations d’Angela Merkel et de David Cameron, premier ministre britannique. Tous les deux pointent du doigt l’échec de la politique de multiculturalisme dans leurs pays. Bien avant, c’est la Grèce qui a eu toutes les peines du monde à bénéficier de la solidarité de l’UE pour solutionner un problème de dette souveraine. Ces derniers temps ce sont des sondages qui classent la candidate de l’extrême droite en tête du premier tour des présidentielles française de 2012. Au lieu de se poser la question de savoir ce qui se passe dans la société française, tous les commentateurs et politiciens français ont choisi de casser le thermomètre (les sondages) au lieu de chercher les causes de la fièvre qu’il signale (les intensions de votes nationalistes des Français).
Il apparaît que les étrangers sont érigés en boucs émissaires permettant d’exorciser les désordres sociopolitiques et économiques induits par la crise des crédits hypothécaires au sein des sociétés européennes. Les étrangers deviennent l’objet de la haine mimétique permettant de trouver une cause exogène qui rassure les populations en ce sens que l’exaltation nationaliste constitue la preuve que « le péché » n’est pas du dedans mais du dehors. En outre, le raidissement des nationalismes européens peut aussi signifier l’échec du projet d’un Etat-nation et des politiques d’assimilation à la française. Politiques qui voulurent effacer les identités ethno-raciales par l’allégeance impersonnelle et suprême qu’est la citoyenneté. A l’heure de la mondialisation que d’aucuns présentèrent comme une uniformisation culturelle, la politique en Europe semble de plus en plus être l’inscription de son identité sur la scène publique.
Comme quoi, la mondialisation fait irrémédiablement naître du local et de l’identitaire en réaction au dessaisissement démocratique que produisent les dynamiques globales. Cette réalité est une chance où la diversité est une richesse. Autre chose plus délétère est sa mise en forme politique nationaliste pour casser les ponts entre les peuples et les civilisations. Les demandes nationalistes peuvent être en dormance sans jamais disparaître ainsi que le prouve le vent en poupe qu’elles ont de nouveau dans une Europe qui vit une conjoncture de doute et de peur du lendemain suite à la crise des subprimes.