Face à un faisceau convergent d’indices, les enquêteurs disent ne pas disposer de preuves matérielles irréfutables qui accablent un homme d’affaires camerounais.
« L’enjeu n’est pas de basculer de la dénonciation à la célébration, mais bien plus de la dénonciation à l’arrestation de cet homme », lâche un officier de police du commissariat central n°4. Au quartier Ekounou à Yaoundé où se trouve son bureau, il avoue qu’un « péril mine l’enquête » : le manque de preuve matérielle pour arrêter « cet l’homme ».
Cet homme d’affaires camerounais… seul élément du portrait robot du commanditaire présumé des crimes de Mimboman. En clair, chez les flics proches de l’enquête, il n’y a rien à filtrer sur l’identité de cet homme. Tout au moins pendant que les recherches continuent. « Si toutes les variables d’ajustement de l’enquête sont réunies, ce serait une nouvelle lame de fond dans cette affaire », indique un autre officier ; pendant qu’au centre opérationnel de la Gendarmerie, l’heure est à l’analyse. « Inutile pour l’instant de servir au public des déclarations incantatoires sur cet homme » confie un officier de police judiciaire (Opj).
On peut néanmoins retenir que l’enquête lancée depuis mars dernier, avec l’arrestation des présumés hommes de main de « l’homme d’affaires », suit son cours. Ces suspects, dont les aveux ont été claironnés, croupissent, dit-on, en prison. Scénario de conspiration ourdie pour protéger certains ? Hier, la question aurait paru absurde, tant la cause était entendue. Aujourd’hui, elle contraint l’opinion publique à une réflexion aussi douloureuse qu’embarrassante : « s’agit-il d’un homme d’affaires ou d’un réseau dont les soutiens au sein du sérail seraient indéniables et puissants ? »
De plus, sur cette interrogation, sont venus se greffer d’autres ajouts, soigneusement éliminés : les forces de l’ordre semblent jouer là une partition qui, loin de les éclairer, prolonge et pervertit les recherches. Jamais vraiment débattu, le plus discret des totems de notre république est à la fois si loin et si proche. Bien sûr, on espérait beaucoup, probablement trop. On croyait que ces présumés suspects allaient aider les forces de sécurité à résoudre le problème, à mettre la main sur l’ « homme d’affaires ou le réseau ». Bref, ils allaient remettre sur le tapis tout ce qui grinçait dans les enquêtes. Résultat : des filatures qui n’ont rien donné comme celle entreprise derrière Rufine NGONO alias Lady Ponce.
Et pourtant, ce qui manque le moins, ce sont les indices. En tête de liste, la ville de Bafoussam. En effet, « cette localité est citée 437 fois dans les procès verbaux des suspects » révèle un officier de police. De plus, dans l’entourage professionnel du commissaire de police Evina, on affirme qu’il a effectué plusieurs voyages dans la capitale de la région de l’Ouest, dans le cadre de cette affaire. De toute manière, on peut établir un ratio entre les intentions du commissaire Evina et la fréquence de ses déplacements à Bafoussam.
En plus, certaines indiscrétions font état de ce que, « l’homme d’affaires » serait à la tête d’un groupe hôtelier. Pendant longtemps, « ce personnage a séjourné dans la capitale. Nous étions enveloppés par le devoir de réserve et donc les éléments d’information restent placés sous le régime de la diffusion sélective », reconnaît en écho un officier de police. Et comme pour mieux asseoir ces propos, son collègue ironise : « dans ce genre d’enquête, il ya une feuille de route. On nous offre la feuille, mais d’autres gardent la route ». Instructif.