Retour sur l’une des affaires les plus palpitantes de ces dernières années au Cameroun. Le juge d’instruction désigne les acteurs de ces projets criminels oncertés et exécutés en bande. Qui sont-ils ?
L’histoire était trop parfaite pour être vraie. Un riche homme d’affaires commandite le meurtre d’une dizaine de jeunes filles. Il se sert d’un gang composé de jeunes gens qui enlèvent les filles, les tuent et livrent leurs organes contre de fortes sommes d’argent. Seulement, ce n’était pas un film et la vraie histoire des crimes de Mimboman a commencé à prendre corps, même si elle n’est pas encore complètement élucidée.
Les interrogations et autres incohérences que nous soulevions déjà en mars 2013, au moment de l’enquête de police, se sont confirmées avec la remise en liberté de François Mbukam, Jean Luc Tahoc, Emmanuel Nono, Ousmane Guessama et Eric Kamwa, contre qui le juge n’a retenu aucune charge. En fait, pour parfaire l’histoire, il fallait, à côté des exécutants, qui avaient déjà été interpellés, un commanditaire forcément riche. L’imaginaire populaire la voulait ainsi. La police s’est chargée de combler cette attente, alors même que rien ne permettait la détention de certains prévenus.
Ce fut la grande affaire du début de l’année 2013. Pendant plusieurs semaines, l’on a vécu au rythme des rebondissements de ce qui était alors appelé « les crimes rituels de Mimboman ». Il y a d’abord eu, le 08 janvier 2013, la découverte du corps de Claude Michèle Mballa Mvogo. La jeune fille de 17 ans, élève en classe de terminale, était recherchée depuis le 04 janvier. Ce jour-là, elle avait quitté le domicile familial pour se rendre chez des cousins au quartier Biteng. Le corps retrouvé dans un bosquet avait été mutilé, au niveau des parties génitales et des yeux, notamment.
Si après la découverte de ce corps, il y a tout juste eu le choc suscité par la mort atroce d’une si jeune vie, l’affaire a pris d’autres proportions lorsque d’autres corps sont retrouvés dans la foulée et dans le même quartier Mimboman où va s’installer la psychose. Les populations apeurées attendent des explications des autorités. La police cafouille dans son enquête. Pourtant, Issa Tchiroma, le porte-parole du gouvernement, bafouant toute règle de prudence, n’hésite pas à faire une déclaration sur la base de cette enquête.
Issa Tchiroma
En septembre 2013, en pleine campagne électorale des législatives et municipales, le ministre de la Communication fait une sortie dans laquelle il incrimine pratiquement toutes les personnes interpellées et, surtout, désigne Emmanuel Nono comme le commanditaire des meurtres. Après avoir rappelé l’interpellation de certains suspects, il lance devant la presse : « Voilà donc, Mesdames, Messieurs les journalistes, comment ce gang de dangereux criminels a fini par être neutralisé, puis démantelé et mis hors d’état de nuire. À ce jour, les concernés ont été déférés au Parquet et placés sous mandat de détention provisoire à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé.
Les nommés Ndeambou Bertrand, Waffo Jean Thierry, Kemta Julius, Ngegang Keumoe Willy Thierry, Tiotsop Tsenou Landry sont poursuivis pour coups et blessures volontaires, assassinats et viols, alors que Nono Emmanuel (le commanditaire), Mboukam François et Tahoc Mongho Fotso, le sont pour complicité d’assassinats et trafic d’organes humains ». Pourtant, un certain nombre de ces suspects ne cessaient de clamer leur innocence. Et même les observateurs s’étonnaient de la légèreté avec laquelle ils avaient été interpellés.
Sans aucun autre élément que les déclarations d’un individu, Bertrand Ndeambou, dont on s’interrogeait déjà à l’époque sur la santé mentale. La sortie du ministre de la Communication avait d’ailleurs suscité l’ire de Me Tchoungang, l’avocat d’Emmanuel Nono. Pour lui, Issa Tchiroma avait violé la loi. L’évolution de la procédure semble lui donner raison. Mais, pour Emmanuel Nono et les autres personnes libérées, pratiquement jetées à la vindicte populaire en septembre 2013, et jetées en prison pour plus d’un an, rien ne sera plus jamais comme avant.