Côte d’Ivoire Gbagbo : Jusqu’où ira-t-il ?
*Mission impossible et inutile pour Thabo Mbeki qui séjourne à Abidjan pour une mission de l’Ua dite " mission urgente ". *La communauté internationale pense à tort que les pressions passives pourront avoir raison de la détermination de Bgagbo. *Ni le schéma, kenyan, ni le schéma malgache, ni le schéma zimbabwéen, rien n’est applicable en Côte-d’Ivoire.
L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo a franchi le rubicond. Avec la même arrogance, il s’est fait introniser roi de la Côte-d’Ivoire. Roi, parce que, tant qu’il est vivant, à suivre son discours, personne ne pourra l’obliger à laisser la main. Même pas des élections libres, transparentes et démocratiques. Car, en effet, dans sa logique, une élection ne peut être transparente et juste que lorsqu’elle sanctionne sa victoire. C’est pour dire qu’en Côte-d’Ivoire de Laurent Gbagbo, tout peut arriver. La communauté internationale qui vient d’assister à un scenario électoral hallucinant, ne semble pas comprendre que pour faire fléchir Gbagbo, il faut entrer dans son univers. Il faut pénétrer le sentiment qui anime le président sorti. Le pouvoir ivoirien, c’est sa propriété. Tant qu’il y est, il entend y rester. La communauté internationale pense à tort que les pressions, notamment en envoyant à Abidjan l’ancien président sud-africain, Thabo Mbeki -qui s’était déjà cassé les dents dans ce pays, - on peut faire fléchir Laurent Gbagbo.
A ce jour, aucune négociation ne peut aboutir en Côte-d’Ivoire, à moins de penser au schéma kenyan ou à la rigueur au schéma zimbabwéen. En posant son dernier geste, Laurent Gbagbo qui n’ignorait pas ce que sera la réaction de la communauté internationale, pensait au schéma kenyan et zimbabwéen. Il resterait président de la République et partagerait le pouvoir avec son adversaire. C’est tentant, lorsqu’on sait que cette communauté internationale n’a souvent pas les moyens de sa réaction. La solution de partage du pouvoir est souvent une manifestation de la lassitude. Lorsque cela intervient après un processus électoral juste, cette solution qui consiste à renvoyer dos-à-dos vainqueur et putschiste, est une façon de relativiser les élections. Le président du Fpi, directeur de campagne de Gbagbo a été clair à ce sujet : « Au lieu de résoudre le vrai problème de la Côte-d’Ivoire, on nous a vite envoyé aux élections, croyant que les élections pourraient tout résoudre. Voilà ce qui arrive… ». Quel est le vrai problème de la Côte-d’Ivoire ? Le problème, c’est que tout le monde a besoin de pouvoir. Tout ce qui serait fait pour priver le pouvoir à un camp ou à un autre, rencontrerait de la résistance, par tous les moyens.
Si c’est pour résoudre ce problème que Thabo Mbeki est rentré en Côte-d’Ivoire, ce sera regrettable. Gbagbo n’a rien de commun avec Mugabe. Il aurait gagné les élections, tout le monde lui aurait déroulé le tapis rouge. Ce que cette même communauté internationale n’était pas prête à faire dans le cas Mugabe. Toute la communauté occidentale s’était mobilisée pour faire échec à Mugabe notamment en manipulant les populations zimbabwéennes. Tel n’était pas le cas avec Gbagbo qui a concouru d’égal à égal avec Ouattara. Mugabe a résisté à un complot alors que Gbagbo est tout simplement un mauvais perdant. Le schéma zimbabwéen ne lui est donc pas applicable. Au Kenya, c’est l’opposition qui a contesté contre la victoire du président sortant qui avait le contrôle des élections. En Côte-d’Ivoire, tout a été fait de façon que la commission électorale soit indépendante. Ce processus a été mené jusqu’au bout jusqu’à la récupération par le camp Gbagbo qui a empêché la proclamation des résultats par la Cei afin de faire intervenir un Conseil constitutionnel visiblement partisan. Le schéma kenyan ne convient pas également à Gbagbo.
Il reste le schéma suicidaire, celui du Madagascar. Pour plus d’une raison, ce schéma est inapplicable en Côte d’Ivoire avec la possibilité de la partition du pays. Ouattara l’a très bien compris. C’est pour cette raison qu’il a stratégiquement marché sur la promesse de donner le poste de Premier ministre au Pdci. Devant la situation créée par Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara a reconduit Guillaume Soro qui venait de reconnaître sa victoire. Le ticket Soro permet de faire de Alassane Ouattara un chef avec des troupes et avec un territoire.
Dans le cas contraire, Gbagbo l’aurait confiné dans son hôtel où il ne pourrait exercer comme chef de l’Etat. Avec les moyens de la défense de son pouvoir, avec une portion de terre où il pouvait exercer ce pouvoir, Alassane Ouattara peut afficher utilement le soutien international comme un atout. Car, il sera un président avec des ouvertures à l’extérieur. Puisqu’il est reconnu par l’Onu, c’est lui qui ira aux réunions de l’organisation mondiale, puisqu’il est reconnu par l’Ua, c’est lui qui représentera la Côte-d’Ivoire aux réunions de l’organisation continentale. Même la Cedeao a reconnu l’élection de Ouattara. Logiquement, c’est lui qui ira aux réunions de l’organisation sous-régionale. Le Fmi, la Banque mondiale, La Bad, l’Oif, bref, toutes les institutions internationales reconnaissent l’élection de Ouattara.
Tout ceci réuni, la situation de Gbagbo devient intenable. Il est dans la position d’un curieux rebelle qui occupe le palais présidentiel en pleine capitale de la Côte-d’Ivoire. Il est dans une position telle qu’on ne peut lui appliquer aucun des schémas connus jusqu’à ce jour. Tout ce qui reste à faire, c’est de le chasser du palais présidentiel. Il y a risque que cela se fasse dans un bain de sang. Et en quittant le pouvoir, Gbagbo risque d’avoir à y répondre. A notre avis, il est temps que le président sorti entende raison. La Côte-d’Ivoire aurait besoin de lui dans une opposition forte, républicaine et démocratique. Si par contre il persiste, il sera contraint demain à solliciter l’exil avec tout ce qu’il y a comme danger de se retrouver demain dans le cas de Hussain Habré.
Quelle mission pour Mbeki ?
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Ua s’était prononcé le 30 novembre 2010 dans un communiqué qui appelait les candidats à se soumettre au verdict des urnes. Après l’escalade, l’Ua vient d’envoyer l’ancien Président sud-africain, Thabo Mbeki pour une mission dite d’urgence en Côte d’Ivoire. L’Ua veut voir Mbeki « faciliter la conclusion rapide et pacifique du processus électoral et la sortie de crise en Côte d’Ivoire sur la base des décisions et instruments pertinents de l’UA, à travers des consultations avec les acteurs concernés ». Cette mission est irréaliste au regard des objectif lui assignés. Jean Mping dit avoir des consultations avec le président en exercice de l’Ua, avec la Cedeao et avec le Secrétaire général des Nations unies. Pour quel but lorsque toute ces organisations ont déjà pris une position claire basée sur la vérité des urnes ?
Lier les actes à la condamnation
La situation en Côte-d’Ivoire est d’une flagrance telle que personne ne peut se permettre des réserves fussent-elle diplomatiques. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la position de la France qui a demandé à Gbagbo de quitter purement et simple le fauteuil présidentiel au profit de celui qui a reçu les suffrages de la majorité d’Ivoiriens. Le président français, Nicolas Sarkozy a été sans équivoque : « Un président est élu en Côte d’Ivoire. L’ensemble de la communauté internationale et les Nations unies l’ont reconnu. Ce président est Monsieur Alassane Ouattara ». La CEDEAO condamne Gbagbo La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’a pas mis de gants. On sait que jadis, dans pareilles circonstances, l’organisation sous-régionale y va souvent par le dos de la cuillère pour prendre position. La Cedeao a condamné le geste de Gbagbo de se faire investir en faisant sourde oreille aux appels venant du monde entier.
Au cours de la réunion au sommet qui se tient demain mardi, on suppose que la Cedeao va franchir l’étape de la condamnation passive. Le texte du communiqué traduit bien la déception de cette organisation : « la Commission de la Cedeao souhaite exprimer sa profonde déception et inquiétude par rapport aux anomalies qui ont émaillé la transition au pouvoir dans cet Etat membre, et particulièrement l’annonce de l’investiture aujourd’hui du président en exercice ». Le ton du communiqué est appréciable dans la mesure où il met en exergue l’usurpation du pouvoir par Gbagbo : « La Cedeao condamne toute tentative d’usurper la volonté populaire des habitants de la Côte d’Ivoire, et appelle tous les dirigeants à accepter les résultats déclarés par la Commission électorale (indépendante) ».
Les Usa, l’Onu, l’Oif, l’Ue, contre Gbagbo
Le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire, Youn-jin Choi est également ahuri de constater que Laurent Gbagbo a refusé d’aller jusqu’au bout de l’accord de Ouagadougou qui donnait à l’Onu la mission de certifier les résultats des élections, estimant que cet accord ne serait pas au-dessus de la Constitution ivoirienne. Youn-Jin Choi a mis dans sa déclaration toute la bonne foi. Car, il a commencé par la vérification des résultats avant de confirmer la victoire d’Alassane Ouattara à la présidence de la République de Côte d’Ivoire. Car, estimait-il : « Même si toutes les réclamations déposées par La majorité présidentielle auprès du Conseil constitutionnel étaient prises en compte, en nombre de procès verbaux et donc de vote, le résultat du second tour de l’élection présidentielle tel que proclamé par le président de la Commission électorale indépendante (Cei) ne changerait pas, confirmant le candidat Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle ». Il constate, balayant l’argument sur base duquel le Conseil constitutionnel s’est saisi du dossier, que la Cei était prête à proclamer les résultats. Mais la majorité présidentielle avait créé des divergences qui seront « exacerbées lorsque les forces de sécurité ivoiriennes ont renforcé leur protection au siège de la Cei au matin du 30 novembre.
Ceci a conduit le président de la Cei, Youssouf Bakayoko à annoncer les résultats provisoires du second tour le 2 décembre 2010, à l’hôtel du golf ». C’est un cas de force majeur reconnu dans chaque loi. Ce jour-là, il y aurait eu sinistre en Côte-d’Ivoire, personne ne tiendrait compte du délai constitutionnel. La conclusion du représentant du Secrétaire général de l’Onu est claire : « la proclamation des résultats définitifs par le président du Conseil constitutionnel avec l’annulation des votes dans 9 départements du Nord qui donne la victoire au candidat Laurent Gbagbo peut seulement être interprétée comme une décision ne correspondant pas aux faits ».
Joachim Diana G.
© Copyright L’Avenir Quotidien