Côte d'Ivoire : La Vérité sur les tractations autour de l'élection présidentielle 2010 en Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire : La Vérité sur les tractations autour de l'élection présidentielle 2010 en Côte d'Ivoire
« les accords signés ont été bien précis. Au cas où la CEI et le conseil constitutionnel ne s’entendent pas, il revient au représentant de l’ONU qui est l’arbitre de certifier l’élection et il est dit dans les accords que ce qui est validé est celui qui sera certifié par le représentant de l’ONU et c’est ce qui a été fait ».
Trop de passion et beaucoup de déraison alimentent le débat sur la crise post-électorale de 2010 entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara en Côte d'ivoire. L'attitude la plus sage consiste à revenir aux fondamentaux de la contestation de la victoire de l'un par l'autre et vice-versa.
Aux partisans de Gbagbo, on a beau répéter que le
conseil constitutionnel était limité dans son rôle habituel dans les
Etats et que, dans le cadre des accords de paix de Pretoria de 2005 et
surtout, de sortie de crise de Ouagadougou en 2007, ledit conseil
constitutionnel avait des compétences très précises lors de l'élection
présidentielle à venir.
La question-clé qui préoccupe le peuple ivoirien et la communauté
internationale c'est celle que Laurent Gbagbo a posée au journaliste du
Figaro dans son interview datée du 27/12/2010:
« Le fond du débat aujourd'hui, c'est : qui est élu ω » Cet article
tente d'apporter des lumières par rapport à l'interrogation du candidat
Laurent Gbagbo sur le plan du droit et en considérant les faits.
En lisant ce témoignage cohérent et plausible de
Mgr Ahouanan, archevêque de Bouaké, relatif à la folle nuit du 28
novembre 2010 après les premiers recencements de votes, on constate que
c'est le camp Gbagbo qui a bafoué l'institution appelée Conseil
constitutionnel et l'a fait intervenir dans l'illégalité la plus totale.
Mgr Paul Siméon Ahouanan révèle sa médiation dans un article de Maïga
Idrissa paru au Patriote le 27/12/2010 et intitulé: « Bouaké /
résolution de la crise postélectorale - L’archevêque de Bouaké fait des
révélations » consultable sur http://news.abidjan.net/h/384788.html
L'implication de l'épiscopat pour rechercher les
voies d'un juste arbitrage et surtout pour éviter à la Côte d'Ivoire un
bain de sang inutile n'a pas freiné les appétits de pouvoir de Gbagbo et
de sa cour.
Ce que le grand public ne savait pas c'est que le résultat de 54% des
suffrages pour Alassane Ouattara contre 46% pour Gbagbo tenait compte
des réclamations du président sortant puisque M. Choï, le représentant
des Nations unies en Côte d'Ivoire a procédé aux corrections
nécessaires: « Choi nous a montré tous les procès verbaux. Et il nous a
montré comment il a fait les calculs, c`est-à-dire le résultat
qu’Alassane avait eu était un peu plus que celui de Gbagbo, mais il a
tenu compte des réclamations du FPI. Alors Choi a éliminé les bureaux où
il y a eu des incidents. Pour ce qui nous concerne à Bouaké, il y a
trois bureaux de vote que Choi a éliminés. Et puis je crois à Korhogo et
Séguéla, il a éliminé pour aboutir à 54 % pour Alassane et le reste
pour le président Gbagbo ».
On voit donc comment le président du conseil constitutionnel, ami personnel et membre de la mouvance présidentielle a placé la plus haute juridiction ivoirienne dans l'illégalité et l'a même détournée de sa noble mission d'entériner les résultats proclamés par la Cmmission Electorale Indépendante dont l'impartialité ne peut être mise en cause au vu de sa composition paritaire et de son règlement. Mais le coup d'Etat électoral de M. Gbagbo commencé le mardi 30 novembre quand son représentant à la CEI M. Damana Adia Pickass arrache et déchire devant tout le monde le procès verbal général des résultats électoraux que le président de la CEI s'apprêtait à proclamer dans les délais (nous étions à 48h de la fermeture des bureaux de vote et il restait donc encore 24h pour atteindre le délai maximum de 72 h).
Les résultats ont finalement été proclamés par la
CEI sous protection de l'ONUCI à l'hôtel du Golf qui, même s'il
correspond au QG de campagne de Ouattara, était le seul lieu où l'armée
acquise à Gbagbo et ses milices ne pouvaient attenter à la vie des
membres de cette institution indépendante. Le camp Gbagbo dit que la CEI
a proclamé ses résultats hors délai et que c'est pourquoi ils sont
irrecevables et annulés. Comble de ridicule, le camp du nationaliste
patriote ne nous dit pas sur la base de quels procès-verbaux des
résultats le CC a statué pour annuler les élections dans sept
départements du Nord et déclarer Laurent Gbagbo vainqueur.
On sait aujourd'hui avec précisions que le conseil constitutionnel aux
ordres de Laurent Gbagbo a commis quatre violations législatives graves:
La première c'est l'incohérence d'utiliser les résultats de la CEI ---- qu'il dit avoir annulés pour les corriger ensuite ---- selon les desiderata du candidat du FPI et le déclarer vainqueur. Il n'échappe à personne que le CC n'était pas chargé des opérations électorales et du recensement des votes, D'où tenait-il alors les compétences de la CPI s'il n'a pas récupéré ses résultats qu'il déclare faux et illégaux mais en les utilisantω Il convient de rappeler la disposition de la loi électorale sur la validation ou l'annulation de l'élection globale que je mentionne dans un article précédent paru dans http://www.cameroon-info.net/stories/0,27732,@,cote-d-ivoire-deux-presidents-le-perime-laurent-gbagbo-et-le-frais-alassane-ouat.html14 /12/2010 et intitulé: « Côte d'Ivoire: deux présidents, le périmé Laurent Gbagbo et le frais Alassane Ouattara ».: « dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités de nature à entacher la validité du scrutin et à en affecter le résultat d'ensemble, il prononce l'annulation de l'élection ».
La deuxième violation de la loi c'est de se montrer ouvertement partial puisque son président Yao N'dré a pris position sur les ondes de la RTI et sans examiner le moindre procès-verbal, a récusé les résultats proclamés par la CEI. Cette position de juge et partie a décrédibilisé le CC. Ainsi, en moins de 24 heures, le CC de Côte d'ivoire a pu examiner une vingtaine de milliers de procès-verbaux , tranché sur tous les contentieux électoraux et déterminé sans sourciller et sans se donner le temps de la délibération le sort final de l'élection en déclarant Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45% des suffrages valablement exprimés.
La troisième violation, c'est le refus de refaire les votes là où le CC estime qu'il y a eu des irrégularités malgré les dispositions de l'a loi fondamentale et la demande expresse, voire la supplication du clergé ivoirien soucieux de paix: « Quand nous sommes partis voir Yao N’Dré, nous lui avons fait une proposition. Nous avons dit, selon la constitution Ivoirienne, il est dit que si le Conseil constitutionnel trouve qu’il y a une des irrégularités, il peut prendre une décision d’annulation afin que les votes soient refaits. Donc, on a dit à Yao N’Dré que pour qu’il y ait la paix sociale, il fallait que le vote dans les sept départements qu’il a écartés soient, conformément à notre constitution, refaits ».
La quatrième et dernière grande
violation de la loi, c'est d'avoir refusé de respecter les obligations
qui étaient celles de cette élection puisqu'il était clairement stipulé
qu'en cas de désaccord entre la CEI et le CC, c'est l'ONU via sa mission
sur place (ONUCI) qui devait certifier et valider l'élection: « A en
croire l’homme de Dieu, les accords signés ont été bien précis. Au cas
où la CEI et le conseil constitutionnel ne s’entendent pas, il revient
au représentant de l’ONU qui est l’arbitre de certifier l’élection et il
est dit dans les accords que ce qui est validé est celui qui sera
certifié par le représentant de l’ONU et c’est ce qui a été fait », a
t-il rappelé.
Tous ceux qui s'intéressent au débat ne connaissent pas toujours les
méandres du droit constitutionnel et de la science politique. Je suis
persuadé que certains soutiennent L. Gbagbo parce qu'ils ne savent pas
qu'il a réellement perdu l'élection présidentielle de 2010 et a cédé à
la tentation de confisquer le pouvoir comme le font la plupart de ses
pairs du continent.
Mais il n'a pas tenu compte du fait que les temps ont changé et que, même si l'Afrique ne compte encore qu'une douzaine de pays démocratiques sur cinquante-trois, la marche vers la démocratie ne reculera pas. Des chefs d'Etat africains dont certains sont des putschistes ou des mal élus qui contraignent un des leurs qui a été défait dans les urnes à quitter le pouvoir est un signe d'espoir de haute facture. Je ne sais quel arrgument utiliseront les opposants aux dictatures en vogue dans leur pays quand leur dirigeant fera le coup d'Etat électoral comme Laurent Gbagbo. Le sentiment antifrançais, anticolonial ou antioccidental peut-il tant aveugler certains intellectuels africains au point de les amener à renoncer à l'idéal démocratique d'alternance par la voie des urnesω A l'issue du premier tour, le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) avait 57,5% des voix et, mathématiquement, cette alliance Ouattara-Bédié avait déjà le vent en poupe.
Que les démocrates et les panafricanistesde tous bords ne se fassent pas la bile! Alassane Ouattara sera jugé sur pièces et nous ne pouvons évaluer son potentiel démocratique ou despotique avant qu'il n'ait pris et exercé le pouvoir. Aucun démocrate digne de ce nom ne le soutient sur les deux rives de l'Atlantique et en Afrique: il a juste le bénéfice du doute et tous ses soutiens d'aujourd'hui ne sont en réalité que les soldats de la démocratie qui n'hésiteront pas à lui tourner le dos dès qu'il sera tenté de dérive dictatoriale. Pour une des rares fois où tous les Occidentaux, souvent rivaux entre eux, anciens partisans de l'esclavage, de la colonisation, de la néocolonisation et de la mondialisation qui asservit l'Afrique pendant qu'elle sert les autres sont tous d'accord pour oeuvrer dans le sens de la démocratie et du progrès social et économique, qu'est-ce qui justifie qu'il y ait une fin de non recevoir de la part des démocrates africains qui implorent généralement les instances internationales après les coups d'Etat électoraux dans le continentω.
Savez-vous que la dictature ou la confiscation du
pouvoir équivalent à une arme de destruction massiveω Si vous en doutez,
vous n'avez qu'à compter le nombre de personnes arrêtées pour
contestation de coup d'Etat électoral, de torturés, de blessés et de
morts avant le début d'une probable guerre civile en Côte d'Ivoire. Et
si les présidents béninois, sierra-léonais et capverdien ne réussissent
pas la médiation de la dernière chance aujourd'hui pour raisonner leur
homologue Laurent Gbagbo de quitter pacifiquement le pouvoir et de le
céder au président élu Alassane Ouattara, ce sont des milliers de morts
qui vont assombrir une fois de plus l'histoire de ce pays qui était
jadis la Suisse de l'Afrique de l'ouest.
PS: Nous n'avons pas corrigé l'expression dans les citations par respect d'authenticité.