Côte D'Ivoire : la sortie de crise par l'étouffement du clan Gbagbo ?
Côte D'Ivoire : la sortie de crise par l'étouffement du clan Gbagbo ?
On est en droit de se poser la question et peut-être même d'en faire le constat au vu des derniers développements de la crise en Côte-d'Ivoire. À peine 24 heures :
- après le rejet par l'ONUCI de l'injontion de Laurent GBAGBO à quitter la Côte-d'Ivoire (profitant même de cela pour prolonger sa présence de 6 mois, jusqu'en juin 2011),
- après l'appel de Henri KONAN BEDIE invitant "son frère" Laurent GBAGBO à "reconnaître sa défaite et à céder le pouvoir à Alassane OUATTARA; appel qui demandait aussi aux forces armées et de police, de ne pas soutenir Laurent Gbagbo et venir faire allégeance au "président élu" Alassane Ouaattara...
...voilà que Guillaume SORO, Premier ministre d'Alassane Ouattara et chef des Forces Nouvelles (rebellion armée dans le nord du pays) lance un appel à la désobéïssance totale :
" Le camp d`Alassane Ouattara, un des deux
présidents proclamés de Côte d`Ivoire, a appelé mardi à "la
désobéissance" au gouvernement de son rival Laurent Gbagbo, qui ignore
les sanctions et menaces de la communauté internationale exigeant son
départ. Dans un appel aux Ivoiriens, Guillaume Soro, Premier ministre
d`Alassane Ouattara, les exhorte "dès cet instant à la désobéissance au
gouvernement factice de Laurent Gbagbo jusqu`à son départ". Il leur
demande "de s`organiser, de se mobiliser et de manifester par tous les
moyens" jusqu`à ce départ. Selon lui, la Côte d`Ivoire "vit la pire des
escalades dans la barbarie d`un clan, d`un régime fini, contre les
populations civiles démunies et désarmées".
Depuis début décembre, "nous dénombrons près de 200 morts et 1.000
personnes blessées par balles", affirme Soro. "Plus grave, des femmes
sont battues, déshabillées, violentées et violées (...) Les ingrédients
pour un génocide sont en place", accuse-t-il."
Parallèlement, les sanctions internationales prennent corps, à l'instar de cette décision de l'Union européenne qui a
décidé lundi de décréter des interdictions de visa à l`encontre de
Laurent Gbagbo lui-même et 18 de ses proches, dont son épouse Simone
Gbagbo. Mais aussi : Nadiana "Nady" Bamba (Directrice du journal Le
Temps et 2me épouse de Laurent Gbagbo), Kadet Bertin (Conseiller pour la
sécurité de M. Gbagbo), Desiré Tagro (ex-ministre de l`Intérieur,
secrétaire général de la présidence), Paul Yao NDré (Président du
Conseil constitutionnel), Pascal Affi N`Guessan (ex-Premier ministre,
président du parti de M. Gbagbo, le Front populaire ivoirien - FPI),
Denis Maho Glofiéi (Chef du Front de libération du Grand ouest -FLGO),
Pasteur Gammi (chef du Mouvement ivoirien de libération de l`ouest de la
Côte d`Ivoire - Miloci), Oulaï Delafosse (Chef de l`Union des patriotes
pour la réunification du Grand ouest -UPRAGO), Pierre Brou Amessan
(Directeur général de la radio-télévision publique RTI), Franck Anderson
Kouassi (Président du Conseil national de la communication
audiovisuelle (CNCA), Général Georges Guiai Bi Poin (Chef du Centre de
commandement des opérations de sécurité -Cecos, unités spéciales),
Général Dogbo Blé: chef de la Garde républicaine, Capitaine Anselme Séka
Yapo (Chef des gardes du corps de Simone Gbagbo), Colonel Nathanaël
Ahouman Brouha (Patron du Groupe de sécurité du président de la
République -GSPR), Amiral Vagba Faussignau (vice-chef d`état-major de la
Marine), Aké `Gbo (Premier ministre), Paul Antoine Bohoun Bouabré
(ex-ministre du Plan).
Et comme si cela ne suffisait pas, les Etats-unis s'y mettent aussi en interdisant de voyages aux USA, certains proches de Gbagbo. On parle d'une trentaine de personnes. Selon la dépêce de l'AP : " La secrétaire d`Etat "Hillary Clinton a autorisé des sanctions contre les membres du gouvernement et du régime de Laurent Gbagbo, qui sont interdits de se rendre aux Etats-Unis", a affirmé William Fitzgerald, sous-secrétaire adjoint pour les affaires africaines au cours d`une conférence téléphonique.". La loi américaine interdisant de révéler le nom des personnes concernées, M. Fitzgerald n`a pas voulu préciser si Laurent Gbagbo lui-même était visé par cette interdiction de visa.
"C`est confidentiel", a-t-il dit. Les membres des familles des soutiens du régime Gbagbo, notamment les enfants qui étudient aux Etats-Unis, peuvent également être concernées par la mesure, a-t-il ajouté. Au total, une trentaine de personnes sont concernées à ce stade mais leur nombre "peut être augmenté" à l`avenir. "D`autres sanctions sont possibles à l`avenir", a ajouté M. Fitzgerald, évoquant des "sanctions économiques ciblées" contre les proches de Laurent Gbagbo.
Ainsi donc après l'isolement, l'encerclement, on procède à l'étouffement pour amener Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. Jusqu'où et jusqu'à quand peut-il tenir ? Pourra-t-on éviter l'escalade de la violence ? Certains s'empressent déjà d'estimer et d'évaluer les forces en présence en Côte-d'Ivoire, comme si la seule et probable issue était déjà écrite, presqu'inévitable...
"Forces pro-Gbagbo, ex-rébellion alliée à Alassane Ouattara, Onuci, Licorne: voici un tableau des forces en présence en Côte d'Ivoire, où les deux présidents proclamés se disputent le pouvoir :
FORCES PRO-GBAGBO
Les forces armées, fidèles à Laurent Gbagbo, le président sortant, sont estimées à au moins 17.000 hommes, selon l'Institut international des études stratégiques (IISS). Les Forces de défense et de sécurité (FDS) ne contrôlent que la moitié sud du pays depuis que le nord est tombé aux mains de la rébellion, baptisée Forces nouvelles (FN), après son coup d'Etat manqué de 2002. Mais l'appareil sécuritaire de M. Gbagbo repose aussi, particulièrement à Abidjan, sur des unités d'élite, bien entraînées et bien équipées: la Garde républicaine (GR, au moins 1.500 éléments, selon des sources internationales), et le Cecos (au moins 2.000, selon les mêmes sources) censé à l'origine lutter contre le grand banditisme. Le chef de la GR, le général Dogbo Blé, et celui du Cecos, le général de gendarmerie Georges Guiai Bi Poin, font partie des 18 proches de Gbagbo frappés, avec le dirigeant dont la réélection est contestée, par les sanctions décrétées lundi par l'Union européenne.
FORCES NOUVELLES
Les FN, dont le chef Guillaume Soro est devenu le Premier ministre d'Alassane Ouattara, sont capables de mobiliser plusieurs milliers d'hommes: 2.000 à 3.000 selon une estimation basse, entre 5.000 et 10.000 selon une source diplomatique et un expert. En cas d'affrontement, l'ex-rébellion compte spécialement sur la garde prétorienne de ses "com-zones", ses chefs locaux comme Chérif Ousmane à Bouaké (centre) ou Martin Kofié Kouakou à Korhogo (nord), visé par des sanctions de l'ONU depuis 2006. Ces "com-zones" ont auprès d'eux plusieurs centaines de combattants entraînés et motivés.
ONUCI
L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), présente depuis avril 2004, compte actuellement 8.650 personnes parmi lesquelles 7.200 Casques bleus et 1.250 policiers. Quelque 800 soldats de la paix sont affectés à la sécurité du Golf Hôtel d'Abidjan, où sont retranchés M. Ouattara et le gouvernement Soro. Le Conseil de sécurité a dit envisager un renforcement des effectifs de la mission, ignorant Laurent Gbagbo qui en a demandé le départ "immédiat".
LICORNE
Environ 900 hommes composent la force française Licorne, sous commandement français mais sous mandat onusien, chargée de soutenir l'Onuci. Selon une source au ministère français de la Défense, le Tonnerre - plus important bâtiment de la Marine pouvant participer à un éventuel rapatriement de civils - est actuellement dans le golfe de Guinée, capable de rejoindre la Côte d'Ivoire en une journée de mer. La même source assure toutefois qu'il ne fait pas mouvement vers les côtes ivoiriennes.