Côte d'ivoire - campagne électorale de 2002 : ce que Robert Bourgi ne dit pas
Cette demi-révélation n'apprendra rien de fondamental aux personnes les mieux informées à Abidjan, qui ont toutes entendu parler de cette histoire.
Dans son interview où il raconte par le menu les moeurs des dirigeants français en matière de gangstérisme d'Etat, Robert Bourgi évoque les 3 millions d'euros (2 milliards de FCFA) que le président Laurent Gbagbo aurait donné à Jacques Chirac comme «contribution» à sa campagne électorale. Mais cette demi-révélation n'apprendra rien de fondamental aux personnes les mieux informées à Abidjan, qui ont toutes entendu parler de cette histoire.
Robert Bourgi ne raconte pas comment tout a commencé. Cet avocat, qui
a connu Gbagbo lorsqu'ils enseignaient tous les deux à l'université
d'Abidjan au début des années 80, a commencé par sensibiliser le
président nouvellement élu, et qui a déjà subi une tentative de coup
d'Etat venant du Burkina Faso. Lors d'un repas à la Résidence
présidentielle, il a expliqué, devant des convives médusés, qu'il
fallait que Gbagbo soit «généreux» pour avoir la paix. Il a raconté
cette pratique franco-africaine «traditionnelle», racontant ce que les
autres chefs d'Etat africains, notamment Omar Bongo Ondimba, faisaient.
C'est ainsi que tout a commencé...
Qu'est-ce qui a fait qu'à
peine réélu, Jacques Chirac considère Laurent Gbagbo comme un ennemi
personnel au point d'ériger son renversement en priorité de la
diplomatie française ? Certains à Abidjan ont considéré que le «pouvoir des professeurs »,
qui a donné une fois, n'a pas été «généreux» sur la durée. D'autres ont
estimé que le camp Chirac savait très bien que ses alliés naturels de
la droite ivoirienne seraient non seulement plus généreux, mais
permettraient une exploitation néocoloniale globale de la Côte d'Ivoire
autrement plus rentable - c'est ce qu'il nous est désormais donné de
voir avec Alassane Dramane Ouattara...
En réalité, les révélations de Robert Bourgi
n'en sont pas, vues d'Abidjan. Toussaint Alain, conseiller en
communication de Laurent Gbagbo pour l'Europe, avait déjà levé le
lièvre. Dans l'édition du Figaro du 7 février 2003, il avait mis
Villepin en garde, dans le «feu» de Linas-Marcoussis et de la conférence
de Kléber. «Villepin devrait se méfier. Les dessous des
relations francoivoiriennes, notamment à l'époque où il était secrétaire
général de l'Elysée, ne sont pas toujours très reluisants. Nous sommes
un peu étonnés qu'après toutes les largesses dont la Côte d'Ivoire a
fait preuve à l'égard de l'Elysée, Monsieur de Villepin se comporte
ainsi. Nous aussi, nous avons des dossiers», avait-il lâché.
De son côté, Mamadou Koulibaly avait raconté, lors de rencontres politiques, le «harcèlement»
auquel le clan Chirac avait soumis les autorités ivoiriennes de
l'époque pour qu'elles paient leur obole françafricaine. Il vient de
récidiver dans une déclaration à l'AFP. «J'ai dit au
président que nous étions un pays pauvre et que nous n'avions pas
d'argent à financer des élections d'hommes politiques des pays riches», se souvient-il, rappelant que Robert Bourgi avait évoqué les vertus de la «générosité».
Toutes
ces «largesses forcées» n'ont pas été très rentables pour Gbagbo, en
tout cas. Cinq mois après la présidentielle de 2002, Jacques Chirac, Dominique de Villepin, Omar Bongo le «Parrain» et Blaise Compaoré
- qui envoyait ses sous à l'intérieur de djembés, puisque Villepin a
des goûts «culturels» - parrainaient la rébellion qui devait balafrer la
Côte d'Ivoire pendant neuf longues années.