Corruption : Questions sur les techniques de travail de la Conac
MUTATIONS 17/11/11
Corruption : Questions sur les techniques de travail de la Conac
Eléments d’éclairage d’un rapport rendu public jeudi dernier par l’institution et qui n’arrête pas de faire des mécontents.
Depuis vendredi dernier, les méthodes de travail de la Commission nationale anti-corruption sont mises à rude épreuve par certaines administrations mises à l’index par le rapport produit par l’institution sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun au cours de la période 2008-2010. Parmi celles-ci, l’on peut citer le ministère des Travaux publics dont le chef de département, Bernard Messengue Avom, a publiquement contesté le document et qualifié de nulles, ses conclusions en ce qui concerne le projet de construction de la route Ayos-Abong Mbang?; où des malversations financières ont été découvertes par les équipes de la Conac. En accusant l’institution de «violation du principe du contradictoire», le Mintp indique que ses services n’ont jamais eu connaissance de ce rapport, et n’ont pas été appelés à apporter leur version des faits.
Pourtant dans les missions de la Conac, il est indiqué que l’institution «recueille, centralise et exploite les dénonciations et informations dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruption et infractions assimilées». Aussi mène-t-elle des investigations et propose «toutes mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption». Dans le cas d’espèces, la Conac indique avoir reçu 723 cas de dénonciations et de requêtes entre le 2 janvier 2008 et le 31 décembre 2010. Elle en a instruit 668 et 55 cas étaient en instance de traitement.
Dans son fonctionnement, il est indiqué que la Conac, en vertu des dispositions de l’article 24 du texte qui la crée, aux alinéas 3 et 4, «élabore à la haute attention du président de la République un rapport annuel sur l’état de la corruption au Cameroun». Pour accomplir leur travail, les membres de la Commission ont un droit d’accès à tous les services publics, parapublics et privés. Ils peuvent requérir la présence des forces de maintien de l’ordre, des officiers de police judiciaire ou ministérielle. «Tout refus est susceptible d’entraîner des poursuites disciplinaires ou administratives», peut-on lire dans l’énoncé du fonctionnement de la Conac. «Nous faisons nos investigations, nous produisons un rapport qu’on remet au président de la République et à la Justice pour lancer les poursuites nécessaires dans les domaines concernés», indique une source à la Conac.
Pour le principe du contradictoire invoqué par le ministre des Travaux publics, des cadres de la Conac indiquent que l’institution n’est pas un tribunal ou une cour de justice où des mis en cause viennent se justifier. «Il y a ce qu’on appelle à la Conac le renversement des preuves?; c’est-à-dire que lorsque nous faisons nos investigations, nos conclusions sont adressées à qui de droit?; ce n’est pas à nous de démontrer que les gens sont innocents mais ils doivent apporter cette preuve devant la justice et pas devant nous parce que jusqu’à ce que la justice établisse des responsabilités, ça reste des soupçons que nous formulons à leur endroit», explique un cadre de l’institution.
Aussi, indique une source au secrétariat permanent, «on ne peut pas leur envoyer notre rapport parce qu’ils n’en sont pas les destinataires?; et puis, comment peut-on envoyer un rapport à quelqu’un qu’on soupçonne de détournement ou de corruption pour qu’il en prenne connaissance?? On ne travaille pas pour eux, nous rendons compte au président de la République», explique-t-on à la Conac.
Pour Bernard Njonga, toutes ces missions et ces techniques de travail doivent être renforcées sur le plan juridique et administratif. «Travailler sur la base des dénonciations peut être subjectif parce que ça peut cacher des règlements de compte?; donc il faut doper ses missions en lui donnant une force juridique pour ester en justice et prendre des sanctions administratives contre des personnes sur qui pèsent de forts soupçons de détournement ou de corruption en attendant que l’action», souligne le président de l’association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), à l’origine du déclenchement des investigations de la Conac dans le Programme Maïs. Mais la Conac a prévu dans son fonctionnement que si au bout de ses investigations, la dénonciation soumise à sa connaissance s’avérait calomnieuse, le dossier serait mis de côté.
Pierre Célestin Atangana