Coopération: Ça roule pour l’inertie sur l’axe Yaoundé-NDjamena

YAOUNDE - 29 DEC. 2011
© Georges Alain Boyomo | Mutations

Face à la menace de la secte islamiste Boko Haram et aux autres périls sécuritaires, Paul Biya et Idriss Déby Itno ont (re)pensé une stratégie commune hier. Pour le reste, ces deux chefs d’Etats de la Cemac ont caressé des «rêves» de projets d’intégration qui datent parfois de dizaines années.

Pas de besoin d’être grand clerc pour constater la place de la question sécuritaire dans les échanges entre Idriss Déby Itno, le chef de l’Etat tchadien et Paul Biya, le chef de l’Etat camerounais au cours de la «visite d’amitié et de travail» d’hier à Yaoundé. A la lecture de la suite officielle du président camerounais, on notait en effet la présence de Paul Atanga Nji, ministre chargé de mission à la présidence de la République et président du Conseil national de sécurité (la précision est du Cabinet civil), Martin Mbarga Nguélé, délégué général à la sûreté nationale et le contre-amiral Joseph Fouda, conseiller spécial du chef de l’Etat. Très probablement en vertu du sujet brûlant sur la secte Boko Haram (qui a tué plus de 40 personnes, des chrétiens pour la plupart, la veille de Noël au Nigeria), Adoum Gargoum , le ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures, chargé des Relations avec le monde islamique faisait partie de la délégation présidentielle aux côtés du ministre des Relations extérieures, Pierre Moukoko Mbonjo.

Du reste, dans son toast prononcé hier lors du déjeuner offert en l’honneur de son homologue tchadien, Paul Biya, tout en félicitant Idriss Déby pour l’élimination des poches d’insécurité dans son pays, l’a appelé à rester attentif aux bouleversements qui se sont produits dans le Nord du continent, notamment en Libye. Avant d’ajouter «qu’il n’est dans l’intérêt de personne qu’une zone d’insécurité s’installent à nos frontières». Paul Biya estime dès lors que la solidarité entre le Tchad et le Cameroun est «de la plus haute importance». Par ailleurs, dans son laïus, le président Biya a, «comme il y a deux ans», lors de la visite d’Etat d’Idriss Déby au Cameroun, jeté «quelques idées» de projets qui pourraient booster la coopération entre le Tchad et le Cameroun, deux pays dont les liens sont multiples. Notamment la réhabilitation complète de l’axe routier Douala-N’Djamena, le prolongement de la voie ferrée de Ngaoundéré à N’Djamena, le raccordement du réseau électrique entre les deux pays.


Inertie

Quant à Idriss Déby, il a annoncé la signature d’un accord visant l’interconnexion entre le Cameroun et le Tchad par la fibre optique. Il a du reste remis sur le tapis la nécessité de sauver le Lac Tchad (30 millions d’Africains vivent de l’eau de ce lac qui est menacé d’assèchement) et invité le président Biya a prendra part au sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) prévue à N’Djamena en janvier prochain.

A l’examen, on remarquera que certains des projets d’intégration évoqués sont ressassés depuis des années sans qu’on ne perçoive l’aube d’une matérialisation sur le terrain. Il en est ainsi du projet de réalisation de l’interconnexion électrique Cameroun-Tchad à partir du barrage hydroélectrique de Lagdo qui a été signé le 23 octobre… 2007. Paul Biya a déclaré, à ce propos, hier que le raccordement des réseaux électriques des deux pays ne sera effectif que «lorsque nos capacités [celles du Cameroun] seront exploitées comme elles le devraient». De même, lors de la dernière commission mixte Tchad-Cameroun qui s’est tenue à Yaoundé en décembre 2010, douze ans après celle organisée à N’Djamena en novembre 1998, il avait déjà été question de «la construction des réseaux ferroviaires communs, la sauvegarde du lac Tchad et l’élimination du terrorisme».
C’est certainement fort de ce sentiment du surplace que Paul Biya a indiqué hier à l’intention de la partie tchadienne que «notre coopération n’avance qu’à pas comptés. Or, il est important d’envisager un ensemble dynamique et prospère pour tirer le meilleur parti de la complémentarité de nos économies et surmonter les égoïsmes nationaux».

Des déclarations pas très éloignées du «goût d’insatisfaction» qui transparaissait déjà du toast prononcé lors de la visite de Déby à Yaoundé en 2009. «Il est temps d'écarter les obstacles artificiels qui s'opposent à la libre circulation des personnes et des biens et à la liberté d'établissement, survivances d'un égoïsme national dépassé», soulignait Paul Biya. Le même qui martelait à cette époque que «malgré les améliorations en cours, le corridor Douala-N’Djaména reste un chemin de croix pour les transporteurs routiers». La présence du ministre des Transports, Robert Nkili, dans la suite du chef de l’Etat est sans doute un indicateur de ce que ce dernier volet a été débattu au même titre que la question du passeport biométrique. Par ailleurs, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey a indubitablement eu son mot à dire s’agissant le rapprochement souhaité des marchés financiers camerounais et tchadiens. Mais, ainsi que nous l’indiquions dans l’édition d’hier, le sujet qui n’autorise pas d’inertie sur l’axe Yaoundé-N’Djamena, c’est bien la menace Boko Haram. Le Conseil national de sécurité aura fort à faire sur ce dossier, qui doit «anticiper» sur les risques d’insécurité intérieure et extérieure et faire de l’analyse et de prévision en la matière.



02/01/2012
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