Contrôle supérieur de l’Etat: Quelques fautes de gestion reprochées à Iya Mohamed - La FECAFOOT serait-elle le vrai corps du délit?

Douala, 01 avril 2013
© Christian TCHAPMI | Le Messager

Plus de 3 milliards Fcfa ayant pris des destinations inconnues.

Faute de gestion n°1: Dissimulation de recettes provenant de la vente d’huile, ayant induit un préjudice financier pour la Sodecoton, de 1 500 195 782 (un milliard cinq cent millions cent quatre vingt quinze mille sept cent quatre vingt deux) Francs Cfa, imputé au Mis en cause ;

Faute de gestion n°2: Dissimulation de recettes provenant de la vente de tourteaux, ayant généré un préjudice financier pour la Sodecoton de 1 360 902 379 (un milliard trois cent soixante millions neuf cent deux mille trois cent soixante dix neuf) Francs cfa, imputé au Mis en cause;

Faute de gestion n°3: Octroi de ristournes, sans l’aval de l’Assemblée générale, ayant généré un préjudice financier pour la Sodecoton de 1 509 871 966 (un milliard cinq cent neuf millions huit cent soixante onze mille neuf cent soixante six) Francs cfa, imputé au Mis en cause.

Faute de gestion n°4: Engagement des fonds de l’Entreprise au profit d’une association sportive pendant la période de référence, sans autorisation du Conseil d’administration, ayant induit un préjudice financier, pour la Sodecoton, de 3 778 045 668 (trois milliards sept cent soixante dix huit millions quarante cinq mille six cent soixante huit) Francs cfa, qui est imputé au Mis en cause ;

Faute de gestion n°5: Aliénation du patrimoine de l’Entreprise, sans l’autorisation de l’organe compétent (Conseil d’administration) et sans recours à une juste évaluation préalable desdits biens, ayant causé un préjudice financier évalué à 339 351 746 (trois cent trente neuf millions trois cent cinquante et un mille sept cent quarante six) francs cfa, qui est imputé au Mis en cause;

Faute de gestion n°10: Modification, en lieu et place des organes statutairement compétents (Conseil d’administration et Assemblée générale), des montants des indemnités des membres du Conseil d’administration, ayant induit un préjudice financier, pour la Sodecoton, évalué à 27 301 750 (vingt sept millions trois cent un mille sept cent cinquante) Francs cfa, qui est imputé au Mis en cause ;

Faute de gestion n°13: Violation de la réglementation des marchés publics, matérialisée par:

- La passation en simples bons de commandes des prestations qui auraient dû faire l’objet de Lettres-commandes ou de marchés, pour un montant global de 4 820 304 064 Francs Cfa;

- Le fractionnement de Lettres-commandes en simples bons de commandes, pour un montant total de 708 310 470 Francs Cfa;

- Le non respect des dispositions relatives au cautionnement définitif pour certains marchés;

- Le non respect des dispositions relatives au choix de Maîtres d’œuvre pour certains marchés;

- La violation des dispositions relatives à l’appel à la concurrence dans le cadre de certains marchés d’assurances;
- La violation des dispositions relatives à l’avance de démarrage pour certains marchés ;

Faute de gestion n°17: Déplacements du directeur général, avec prise en charge par la Société, sans ordre de mission.



Non-dit: La Fécafoot comme vrai corps du délit?

La vraie faute est peut-être ailleurs. Alors que Iya Mohammed est accusé de faute de gestion à la Sodécoton, l’opinion publique a plutôt le cœur tourné vers son management à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) dont il est par ailleurs le président. Des signes prémonitoires qui laissent penser que son ultime match va désormais se jouer au Palais de Tsinga.

La nouvelle, telle une traînée de poudre a vite fait le tour du Cameroun. Des salons de thé aux marchés en passant par les bureaux feutrés et les ménages. La radio, la télévision et le téléphone arabe ont fait le reste. Mais c’est beaucoup plus dans l’univers footballistique que « l’info du week-end » a connu un écho des plus retentissants. Ici, on en parle avec une certaine frénésie doublée d’une bonne dose de passion, si ce n’est simplement qu’on s’en régale. C’est à croire qu’on attendait avec impatience ce moment M depuis des lustres. Mais le fait marquant c’est que ces footeux ont délibérément sorti le débat de son contexte. En effet, Monsieur tout le monde entrevoit à travers ce coup de massue du Consupe, la fin de règne du président de la Fécafoot, plutôt que celle du directeur général de la Société de développement du coton (Sodécoton). On a tôt fait d’établir le parallèle entre la déchéance valant interdiction pour une durée de sept ans, d’être responsable de l’administration ou de la gestion des services publics ou des entreprises d’Etat, à quelque titre que ce soit et les dernières heures annoncées du président de l’instance faîtière du football camerounais. Brandissant pour preuve, le fait que les fautes de gestion qui lui sont imputées ont été commises entre les années 2005 et 2010. Lesquelles correspondent exactement aux cinq années pendant lesquelles le sport-roi a entamé sa marche funèbre vers les profondeurs abyssales.

En clair, l’opinion publique a foulé aux pieds la gestion du coton camerounais pour lequel il a été pourtant régulièrement tancé par les barons du régime ces derniers mois. Les causes et les raisons de cette frénésie sont pour le moins facilement discernables. Autant le dire, le bilan de celui que la presse a surnommé « le grand muet du Palais de Tsinga » est loin d’être satisfaisant. Pour beaucoup, le management, depuis l’ère Iya est nappé d’improvisations permanentes, parsemé d’incohérences structurelles, mal programmé et mal élaboré. Lui qui n’a jamais perdu à la tête de la Fécafoot depuis son avènement en 1998. Cette année-là, Vincent Onana, le président en poste, est écroué à la prison centrale de Kondengui pour une affaire de faux billets à la veille de la Coupe du monde France 98. Iya Mohamed se voit alors confier provisoirement la gestion du football camerounais jusqu’à l’assemblée générale extraordinaire du 11 avril 2000 à l’issue de laquelle, il devient président de la Fécafoot. Commence alors le règne sans fin de ce natif de Garoua.


Trophées

Election après élection, Iya réussira toujours à se faire réélire, malgré la fronde de certains membres de son entourage. Sa dernière victime en date est l’universitaire Prosper Nkou Mvondo qu’il a vaincu par un score à la soviétique. L’enseignant d’université n’avait recueilli que deux voix sur la cinquantaine de suffrages exprimés. A son corps défendant, il dénoncera le code électoral qui a permis à son bourreau de « l’émasculer ». En vain. Avant lui, Emmanuel Mvé, Joseph Antoine Bell, Philipe Mbarga Mboa et autres Charles Noumangué ont échoué devant le tout puissant Iya. En fait, ce dernier s’est appuyé au fil de ses mandats à la Fécafoot sur ses secrétaires généraux et une fois sur un directeur général. Des fusibles qui se grillent au gré des intérêts du président. Jean-Lambert Nang en est une des victimes. Lui qui, dans un brûlot intitulé «Desperate Football house, six mois dans l’enfer de la Fécafoot», avait mis à nu le système d’affairisme et de corruption qui gangrène cette « maison » sans être suivi par personne. La campagne de dénonciation de l’ancien Dg avait malheureusement laissé de marbre celui qui était de 1975 à 1979, chef d’agence de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Cameroun (Bicic) à Kumba. Car à la vérité, des tempêtes, Iya Mohammed en a connu, mais a toujours fini par ridiculiser ses détracteurs par son incroyable flegme. Ses proches le présentent comme un homme qui sait se faire des amis lorsqu’il en a grand besoin mais les répudie aussitôt qu’il s’en est servi. Roger Milla, Charles Emedec et David Mayebi n’ont-ils pas été réprouvés par leur ami d’hier le 12 mai 2012 au terme de l’assemblée générale de la Fécafoot ?

En face, ses obligés, pour le dédouaner brandissent comme trophées, les Jeux Olympiques de Sydney en 2000 puis successivement deux Coupes d’Afrique des nations (2000 et 2002) remportés par les Lions indomptables. A son actif également, la construction d’un siège à la Fécafoot suivie quelques années plus tard de la pose de la première pierre d’un immeuble futuriste évalué à 2,5 milliards Fcfa. A ces faits d’armes vient se greffer le paiement des arriérés et des salaires du personnel. Pour eux, l’ensemble du football camerounais connaît des embellies avec des résultats positifs aussi bien sur les plans sportif, infrastructurel, matériel, humain que sur la gestion. Mais c’est oublier que Le Lion a perdu son titre de «roi d’Afrique». Un label de prestige qu’il arborait encore jusqu’en 2006. La première équipe africaine à atteindre les quarts de finale de la Coupe du monde de football (1990 Italie), offrant ainsi à l'Afrique deux places supplémentaires sur les trois jusqu'alors acquises est devenue au fil des esquilles, l’ombre d’elle-même. Depuis la déconfiture du Mondial 2010 talonnée par l’embarrassant «Marrakechgate» en 2011, l’équipe nationale fanion continue sa somnolence dans les profondeurs du classement Fifa.


Candidature

C’est qu’Iya Mohammed n’est pas un saint. En l’espace de deux ans, il a été convoqué une demi-dizaine de fois à la sous-direction des enquêtes économiques de la police judiciaire (Sdeef) pour répondre de la gestion des deniers publics que l’Etat a versé à la Fécafoot. Morceaux choisis : en avril 2004, suite à une sanction de la Fifa infligée aux Lions Indomptables par rapport aux maillots-grenouillère de la Can 2004 en Tunisie, l'Etat du Cameroun s’est intéressé aux retombées financières et matérielles du sponsoring, des droits de retransmission audio-visuelle, de la publicité, des participations des Lions Indomptables de football aux diverses compétitions internationales avec en prime, l'apport financier du gouvernement.

Le rapport d'enquête qui date de mai 2005 et qui a été transmis par le magistrat Jean Pierre Mvondo Evezo'o, procureur général près la cour d'Appel du Centre à l'époque des faits au vice-Premier ministre, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Amadou Ali. Il ressort de ce document que les responsables du football camerounais, au premier rang desquels, Iya Mohammed, sont soupçonnés d'avoir « dissimulé ou détourné, en usant de faux de cavalerie financière dans plusieurs banques, les différentes recettes générées par ces activités. Des grosses sommes d'argent ont ainsi été détournées au détriment de l'Etat du Cameroun, des milliards de Fcfa, que des responsables de la Fécafoot et ceux des ligues régionales ont dûment empochées ». Après reconstitution des différentes recettes qui ont atterri dans les caisses de la Fécafoot, soit un peu plus de 8 milliards, les enquêteurs déclarent que la Fécafoot n’a pu fournir des justificatifs qu'à hauteur de 5 milliards Fcfa. Plus de 3 milliards Fcfa ayant pris des destinations inconnues.


Inconfort

Le drame aujourd’hui c’est que le glas sonne non seulement à quelques jours après la décision du ministre des sports et de l’éducation physique (Minsep) de suspendre le processus électoral dans les organes de la Fécafoot et ses ligues décentralisées, mais aussi à quelques mois de la tenue des élections à la présidence de cette instance. Le chant du cygne ? Peut-être ! D’ailleurs, certains affidés de Iya soutiennent mordicus qu’il serait difficile pour leur gourou de présenter sa candidature à sa propre succession, vue l’inconfort dans lequel il baigne aujourd’hui. La Fifa aurait pu voler à nouveau au secours de son protégé mais les statuts de la Fécafoot en son article 35 alinéa 1 dispose que « tout candidat au poste de président ou de membre de comité exécutif de la Fécafoot doit remplir les conditions d’éligibilité suivantes : être citoyen camerounais jouissant de ses droits civiques ; (…) n’avoir pas été convaincu de malversations financières ». On n’en est peut-être pas encore là mais le match s’annonce laborieux.

Christian TCHAPMI



01/04/2013
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