Contrôle Supérieur de l’Etat, le cas Iya Mohammed: Fécafoot, le vrai corps du délit
DOUALA - 19 Juin 2012
© Christian TCHAPMI | Le Messager
Alors qu'il est accusé de faute de gestion à la Sodécoton, l'opinion publique a plutôt le cœur tourné vers le management (chaotique) de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) dont il est par ailleurs président. Le match va sans doute se jouer à Tsinga. Mais comment?
© Christian TCHAPMI | Le Messager
Alors qu'il est accusé de faute de gestion à la Sodécoton, l'opinion publique a plutôt le cœur tourné vers le management (chaotique) de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) dont il est par ailleurs président. Le match va sans doute se jouer à Tsinga. Mais comment?
Alors qu'il est accusé de faute de
gestion à la Sodécoton, l'opinion publique a plutôt le cœur tourné vers
le management (chaotique) de la Fédération camerounaise de football
(Fécafoot) dont il est par ailleurs président. Mais cette dernière étant
une association affiliée à la Fifa, totalement réfractaire à toute
immixtion du politique, le match va sans doute se jouer à Tsinga. Mais
comment?
Pour le bas peuple, le vrai débat est visiblement ailleurs. Beaucoup de Camerounais interrogés quant aux décisions portant traduction d’Iya Mohammed devant le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Contrôle supérieur de l'Etat (Consupe), évoquent inlassablement sa gestion désastreuse du football camerounais, aujourd'hui condamné dans les profondeurs abyssales. Banalisant presque la gestion du coton camerounais pour lequel il a été pourtant régulièrement tancé par les barons du régime ces derniers mois. Pour tout dire, l'opinion parle plus de Fécafoot que de la Société de développement du coton (Sodécoton). Les causes et les raisons de cette frénésie sont pour le moins facilement identifiables.
En effet, le bilan de celui qu'on a surnommé «le grand muet du Palais de Tsinga» n'est guère perfectible. Pour nombre de Camerounais, le management, depuis l'ère Iya est nappé d'improvisations permanentes, parsemé d'incohérences structurelles, mal programmé et mal élaboré. Normal donc que le président de l'instance faitière du football camerounais soit le premier à être pointé du doigt. Lui qui n'a jamais perdu à la tête de la Fécafoot depuis son avènement en 1998. Cette année-là, Vincent Onana, le président en poste, est incarcéré à la prison centrale de Kondengui pour une affaire de faux billets à la veille de la Coupe du monde France 98. Iya Mohamed se voit alors confier provisoirement la gestion du football camerounais jusqu'à l'assemblée générale extraordinaire du 11 avril 2000 à l'issue de laquelle, il devient président de la Fécafoot. Commença alors le règne sans fin du fils de Garoua.
Desperate Football house
Election après élection, Iya Mohamed réussira toujours à se faire réélire, malgré la fronde de certains membres de son entourage. Sa dernière victime en date est l'universitaire Prosper Nkou Mvondo qu'il a vaincu par un score à la soviétique. L'enseignant d'Université n'avait recueilli que deux voix sur la cinquantaine de suffrages exprimés. Il dénoncera en vain le code électoral qui a permis à son bourreau de «l'émasculer». Avant lui, Emmanuel Mvé, Joseph Antoine Bell, Philipe Mbarga Mboa et autres Charles Noumangué ont échoué devant le tout puissant lya. En fait, ce dernier s'est appuyé au fil de ses mandats à la Fécafoot sur ses secrétaires généraux et une fois sur un directeur général. Des fusibles qui se grillent au gré des intérêts du président. Jean Lambert Nang en est une preuve vivante. Lui qui, dans un brûlot d’intitulé «Desperate Football house, six mois dans l'enfer de la Fécafoot», avait mis à nu le système d'affairisme et de corruption qui gangrène cette «maison» sans être suivi par personne. La campagne de dénonciation de l'ancien Dg avait malheureusement laissé de marbre le Peulh de Tsinga. Car à la vérité, des tempêtes, Iya Mohammed en a connu, mais a toujours fini par ridiculiser ses détracteurs par son incroyable flegme. Ses proches le présentent comme un homme qui sait se faire des amis lors qu’il en a grand besoin mais les répudie aussitôt qu'il s'en est servi. Roger Milla, Charles Emedec et David Mayebi n'ont-ils pas été désavoués par leur ami d'hier le 12 mai dernier au terme de l'assemblée générale de la Fécafoot?
En face, ses pourfendeurs, pour le dédouaner brandissent comme trophées, les Jeux Olympiques de Sydney en 2000 puis successivement deux Coupes d'Afrique des nations (2000 et 2002) remportés par les Lions indomptables. A son actif également, la construction d'un siège à la Fécafoot, le paiement des arriérés de salaires du personnel et la mise sur pied d'un organigramme scrupuleux de l'instance faîtière du football camerounais. Pour eux, l'ensemble du football camerounais connait des embellies avec des résultats positifs aussi bien sur les plans sportif, infrastructurel, matériel, humain que sur la gestion. Mais ils semblent oublier que Le Lion a perdu son titre de «roi d'Afrique». Un label de prestige qu'il arborait encore jusqu'en 2006. La première équipe africaine à atteindre les quarts de finale de la Coupe du monde de football (1990 Italie), offrant ainsi à l'Afrique deux places supplémentaires sur les trois jusqu'alors acquises, est devenue au fil des scandales, l'ombre d'elle-même. Depuis la déconfiture du Mondial 2010 auquel est venu se greffer l'embarrassante «Marrakechgate» en 2011, l'équipe nationale fanion continue sa somnolence dans les profondeurs du classement Fifa, pendant qu'au pays, la guerre des comités fait rage.
Jean Pierre Mvondo Evezo'o
C'est que Iya Mohammed n'est pas un saint. En l'espace de deux ans, il a été convoqué plus de cinq fois à la sous-direction des enquêtes économiques de la police judiciaire (Sdeef) pour répondre de la gestion des deniers publics que l'Etat a versé à la Fécafoot. Morceaux choisis: en avril 2004, suite à une sanction de la Fifa infligée aux Lions Indomptables par rapport aux maillots-grenouillère de la Can 2004 en Tunisie, l'Etat du Cameroun s'est intéressé aux retombées financières et matérielles du sponsoring, des droits de retransmission audio-visuelle, de la publicité, des participations des Lions Indomptables de football aux diverses compétitions internationales avec en prime, l'apport financier du gouvernement.
Le rapport d'enquête qui date de mai 2005 et qui a été transmis par le magistrat Jean Pierre Mvondo Evezo'o, procureur général près la cour d'Appel du Centre à l'époque des faits au vice-Premier ministre, ministre de la Justice garde des sceaux, Amadou Ali. Il ressort de ce document que les responsables du football camerounais, au premier rang desquels Iya Mohammed, sont soupçonnés d’avoir «dissimulé ou détourné, en usant de faux de cavalerie financière dans plusieurs banques, les différentes recettes générées par ces activités. Des grosses sommes d'argent ont ainsi été détournées au détriment de l'Etat du Cameroun, des milliards de FCFA, que des responsables de la Fécafoot et ceux des ligues régionales ont dûment empochées». Après reconstitution des différentes recettes qui ont atterri dans les caisses de la Fécafoot, soit un peu plus de 8 milliards, les enquêteurs déclarent que la Fécafoot n'a pu fournir des justificatifs qu'à hauteur de 5 milliards FCFA. Plus de 3 milliards FCFA ayant pris des destinations inconnues.
Pour le bas peuple, le vrai débat est visiblement ailleurs. Beaucoup de Camerounais interrogés quant aux décisions portant traduction d’Iya Mohammed devant le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Contrôle supérieur de l'Etat (Consupe), évoquent inlassablement sa gestion désastreuse du football camerounais, aujourd'hui condamné dans les profondeurs abyssales. Banalisant presque la gestion du coton camerounais pour lequel il a été pourtant régulièrement tancé par les barons du régime ces derniers mois. Pour tout dire, l'opinion parle plus de Fécafoot que de la Société de développement du coton (Sodécoton). Les causes et les raisons de cette frénésie sont pour le moins facilement identifiables.
En effet, le bilan de celui qu'on a surnommé «le grand muet du Palais de Tsinga» n'est guère perfectible. Pour nombre de Camerounais, le management, depuis l'ère Iya est nappé d'improvisations permanentes, parsemé d'incohérences structurelles, mal programmé et mal élaboré. Normal donc que le président de l'instance faitière du football camerounais soit le premier à être pointé du doigt. Lui qui n'a jamais perdu à la tête de la Fécafoot depuis son avènement en 1998. Cette année-là, Vincent Onana, le président en poste, est incarcéré à la prison centrale de Kondengui pour une affaire de faux billets à la veille de la Coupe du monde France 98. Iya Mohamed se voit alors confier provisoirement la gestion du football camerounais jusqu'à l'assemblée générale extraordinaire du 11 avril 2000 à l'issue de laquelle, il devient président de la Fécafoot. Commença alors le règne sans fin du fils de Garoua.
Desperate Football house
Election après élection, Iya Mohamed réussira toujours à se faire réélire, malgré la fronde de certains membres de son entourage. Sa dernière victime en date est l'universitaire Prosper Nkou Mvondo qu'il a vaincu par un score à la soviétique. L'enseignant d'Université n'avait recueilli que deux voix sur la cinquantaine de suffrages exprimés. Il dénoncera en vain le code électoral qui a permis à son bourreau de «l'émasculer». Avant lui, Emmanuel Mvé, Joseph Antoine Bell, Philipe Mbarga Mboa et autres Charles Noumangué ont échoué devant le tout puissant lya. En fait, ce dernier s'est appuyé au fil de ses mandats à la Fécafoot sur ses secrétaires généraux et une fois sur un directeur général. Des fusibles qui se grillent au gré des intérêts du président. Jean Lambert Nang en est une preuve vivante. Lui qui, dans un brûlot d’intitulé «Desperate Football house, six mois dans l'enfer de la Fécafoot», avait mis à nu le système d'affairisme et de corruption qui gangrène cette «maison» sans être suivi par personne. La campagne de dénonciation de l'ancien Dg avait malheureusement laissé de marbre le Peulh de Tsinga. Car à la vérité, des tempêtes, Iya Mohammed en a connu, mais a toujours fini par ridiculiser ses détracteurs par son incroyable flegme. Ses proches le présentent comme un homme qui sait se faire des amis lors qu’il en a grand besoin mais les répudie aussitôt qu'il s'en est servi. Roger Milla, Charles Emedec et David Mayebi n'ont-ils pas été désavoués par leur ami d'hier le 12 mai dernier au terme de l'assemblée générale de la Fécafoot?
En face, ses pourfendeurs, pour le dédouaner brandissent comme trophées, les Jeux Olympiques de Sydney en 2000 puis successivement deux Coupes d'Afrique des nations (2000 et 2002) remportés par les Lions indomptables. A son actif également, la construction d'un siège à la Fécafoot, le paiement des arriérés de salaires du personnel et la mise sur pied d'un organigramme scrupuleux de l'instance faîtière du football camerounais. Pour eux, l'ensemble du football camerounais connait des embellies avec des résultats positifs aussi bien sur les plans sportif, infrastructurel, matériel, humain que sur la gestion. Mais ils semblent oublier que Le Lion a perdu son titre de «roi d'Afrique». Un label de prestige qu'il arborait encore jusqu'en 2006. La première équipe africaine à atteindre les quarts de finale de la Coupe du monde de football (1990 Italie), offrant ainsi à l'Afrique deux places supplémentaires sur les trois jusqu'alors acquises, est devenue au fil des scandales, l'ombre d'elle-même. Depuis la déconfiture du Mondial 2010 auquel est venu se greffer l'embarrassante «Marrakechgate» en 2011, l'équipe nationale fanion continue sa somnolence dans les profondeurs du classement Fifa, pendant qu'au pays, la guerre des comités fait rage.
Jean Pierre Mvondo Evezo'o
C'est que Iya Mohammed n'est pas un saint. En l'espace de deux ans, il a été convoqué plus de cinq fois à la sous-direction des enquêtes économiques de la police judiciaire (Sdeef) pour répondre de la gestion des deniers publics que l'Etat a versé à la Fécafoot. Morceaux choisis: en avril 2004, suite à une sanction de la Fifa infligée aux Lions Indomptables par rapport aux maillots-grenouillère de la Can 2004 en Tunisie, l'Etat du Cameroun s'est intéressé aux retombées financières et matérielles du sponsoring, des droits de retransmission audio-visuelle, de la publicité, des participations des Lions Indomptables de football aux diverses compétitions internationales avec en prime, l'apport financier du gouvernement.
Le rapport d'enquête qui date de mai 2005 et qui a été transmis par le magistrat Jean Pierre Mvondo Evezo'o, procureur général près la cour d'Appel du Centre à l'époque des faits au vice-Premier ministre, ministre de la Justice garde des sceaux, Amadou Ali. Il ressort de ce document que les responsables du football camerounais, au premier rang desquels Iya Mohammed, sont soupçonnés d’avoir «dissimulé ou détourné, en usant de faux de cavalerie financière dans plusieurs banques, les différentes recettes générées par ces activités. Des grosses sommes d'argent ont ainsi été détournées au détriment de l'Etat du Cameroun, des milliards de FCFA, que des responsables de la Fécafoot et ceux des ligues régionales ont dûment empochées». Après reconstitution des différentes recettes qui ont atterri dans les caisses de la Fécafoot, soit un peu plus de 8 milliards, les enquêteurs déclarent que la Fécafoot n'a pu fournir des justificatifs qu'à hauteur de 5 milliards FCFA. Plus de 3 milliards FCFA ayant pris des destinations inconnues.