Contestation: Des retraités adressent un mémorandum à Paul Biya
YAOUNDE - 24 JAN. 2011
© Eric Roland Kongou et Monique Ngo Mayag | Mutations
Ils dénoncent, dans un document adressé au chef de l’Etat, les lenteurs administratives qui retardent parfois de 4 ans l’aboutissement de leurs dossiers; Les pensionnés suggèrent la création d’un ministère spécifique chargé de leur encadrement.
© Eric Roland Kongou et Monique Ngo Mayag | Mutations
Ils dénoncent, dans un document adressé au chef de l’Etat, les lenteurs administratives qui retardent parfois de 4 ans l’aboutissement de leurs dossiers; Les pensionnés suggèrent la création d’un ministère spécifique chargé de leur encadrement.
Fonction publique: Des retraités adressent un mémorandum à Paul Biya
Ils revendiquent, entre autres, la création d’un ministère pour gérer leurs nombreuses difficultés.
Ils n’ont pas pris de gants pour exprimer leur ras-le-bol. La correspondance de l’Association des retraités de la fonction publique (Arefop), datée du 3 janvier 2011, indique en objet : «Mémorandum n°2». Le document est signé de Moïse Nyemb, secrétaire exécutif de ce regroupement. Le mémorandum des retraités de la fonction publique est articulé sur huit points, et comporte une série de sollicitations pour une meilleure prise en charge des retraités.Avant d’entrer dans le vif du sujet, Moïse Nyemb, rappelle au président de la République qu’un premier mémorandum, daté du 15 août 2010, lui avait déjà été envoyé sur le même sujet.
Mais celui-ci avait été suivi du silence assourdissant de son illustre destinataire. «Nous vous prions d’élargir le cercle de votre action, annoncée à Bamenda [la création d’un secrétariat aux Anciens combattants, Ndlr] en faveur de tous les retraités, sans bornes, en leur offrant un ministère spécialisé pour leur meilleur encadrement. Afin que ces derniers soient pris immédiatement en compte dès la cessation de leurs activités professionnelles pour qu’enfin, le retraité cesse de faire valoir ses droits à la retraite comme le consacrent les statuts de la Fonction publique, mais au contraire, qu’il en jouisse pleinement», peut-on lire dans le document.
Par ailleurs, les retraités, constatant la hausse des salaires fonctionnaires intervenue en 2008 des, demandent la revalorisation, subséquente, de leur pension. Ils rappellent que les prix des denrées alimentaires ne cessent de flamber sur le marché, et il qu’il n’y a pas de tarifs préférentiels pour les retraités. D’autre part, les mécontents prient Paul Biya d’«user de tout son pouvoir» pour que cesse la marginalisation du retraité, «sous le fallacieux prétexte que la retraite est synonyme de mort». En effet, tiennent-t-ils à souligner, «toutes les issues sont bloquées aux retraités du fait de leur âge avancé, leur énergie physique sacrifiée au service de la nation, la marginalisation et l’abandon total dont ils sont victimes au ministère de la Fonction publique, leur employeur».
Misères
Fort de ce qui précède, l’Arefop demande au chef de l’Etat de créer un ministère spécialisé pour leur meilleur encadrement. A ce jour, le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administration (Minfopra) est pourtant la structure qui boucle les dossiers de payement des pensions des anciens employés de l’Etat. La Caisse nationale de la prévoyance sociale (Cnps) se charge du payement des pensions retraites à travers les établissements financiers publics agréés.
Par ailleurs, les retraités de la fonction publique dénoncent les lourdeurs administratives pour voir aboutir leur dossier. En principe, trois mois suffisent pour qu’un retraité frais émoulu perçoive sa pension, apprend-t-on à la délégation du Minfopra du Littoral. Pourtant, il aura fallu 4 ans de démarches et de tracasseries pour que Deborah Ngo Yon, ancien officier de police principale, accède à sa pension vieillesse. Durant son parcours du combattant, elle ne comptait plus les allers et retours entre Edéa, sa ville de résidence, Douala, siège de la délégation régionale du Minfopra et Yaoundé. «J’étais contrainte de saisir certaines autorités pour finaliser mon dossier, en 2008», révèle cette mère célibataire de 5 enfants à charge, en retraite depuis 2004. Pis, «inutile, pour un retraité, de demander un crédit scolaire, encore moins de se rapprocher du Crédit foncier pour solliciter un lopin de terre. Tout ceci parce qu’on vous présume insolvable, regrette-t-elle. Remarquez-vous même comment on traite une personne qui a donné toute sa jeunesse au service d’un pays !»
A Douala, c’est Stéphane Ndogmo, chef service du fichier et de la discipline à la délégation régionale de ce département dans le Littoral, ne compte plus le nombre de dossiers qui se sont empilés sur sa table, attendant d’être acheminés dans les services centraux à Yaoundé. Et pourtant, le gouvernement, en juillet 2009, annonçait à grand renfort de publicité des «réformes pour améliorer le paiement des pensions retraites». Ces mesures prévoient: l’amélioration du système de prise en charge des retraités par l’anticipation dans les procédures de départ en retraite, une réduction du temps de traitement des dossiers et une amélioration du système d’archivage entre autres, apprend-t-on à la délégation régionale du Littoral pour le Minfopra. Deux ans plus, pourquoi toutes ces batteries de mesures coincent ? «Les textes prévoient qu’une fois l’âge du départ en retraite atteint, le fonctionnaire adresse une lettre au Minfopra pour demander sa mise en retraite.
Mais plusieurs employés de l’Etat ne le font pas. Avec cette réforme, nous commencerons les investigations un an à l’avance, pour nous assurer que les dossiers sont complets. Ceci nous permettra également de rappeler aux fonctionnaires en fin de carrière ce qu’ils doivent faire», croit savoir Stéphane Ndogmo, chef service du fichier et de la discipline à la délégation régionale du Littoral. Un autre cadre de cette délégation renchérit : «Nous sommes également sur un projet d’amélioration du système d’archivage dont le fichier s’était fortement détérioré. Nous allons reconstituer les dossiers perdus. Le fichier ainsi mis à jour permettra l’entrée en application de ces réformes dès cette année», informe-t-il.
Perfectible
Dans la foulée, la Cnps avait également multiplié des mesures dans le but d’améliorer les conditions de payement. «Dans le cadre de modernisation de la gestion de la Cnps, les bénéficiaires de prestations sociales payés par virement bancaire perçoivent leurs droits tous les mois et dans établissements financiers de leur choix en seul un jour», confie un cadre à la Cnps de Douala.
Seul hic, cette mesure n’arrange pas tout le monde. David Aimé Ntonga le président de l’association des retraités du Cameroun (Arecam) tranche : «Il faut qu’on cesse de nous payer en un jour parce que dans les quartiers, nous sommes exposés au vandalisme. Maintenant on veut nous imposer le jour de samedi pour nous payer. C’est le jour des enterrements chez nous. Nous n’acceptons pas cela. Et ce samedi lorsque vous n’êtes pas là vous revenez le lundi on vous dit que vous ne pouvez être payé, on suspend votre pension. Nous demandons que cela soit annulé purement et simplement», fulmine le président de l’Arcam qui fait partie des 32 associations de défense des droits au Cameroun.
A la Cnps, l’on rétorque «que depuis un an, cette politique a contribué à la révolution des activités de paiement avec la réduction de la manipulation des fonds, la sécurisation de l’argent et le choix par les bénéficiaires de leurs établissements financiers».
Pour l’instant, la réalité, au regard des memoranda envoyés au président de la République, est cruellement distante de la volonté manifestée par les pouvoirs publics. Perfectible, c’est bien le moindre mot pour décrire ce que beaucoup de ces personnes usées par trois décennies de dur labeur assimilent à un «silence inquiétant» de leur président d’honneur (Paul Biya). Curieusement, Moïse Nyemb, le secrétaire exécutif de l’Arefop tempère : «Nous ne sommes pas sur le pied de guerre avec le gouvernement. Nous dénonçons, faisons de propositions et de relances. Ce sont les seuls moyens que nous avons à notre disposition. Si le président de la République qui est par ailleurs notre président d’honneur ne réagit, nous aviserons, peut-être, ultérieurement».
Ils revendiquent, entre autres, la création d’un ministère pour gérer leurs nombreuses difficultés.
Ils n’ont pas pris de gants pour exprimer leur ras-le-bol. La correspondance de l’Association des retraités de la fonction publique (Arefop), datée du 3 janvier 2011, indique en objet : «Mémorandum n°2». Le document est signé de Moïse Nyemb, secrétaire exécutif de ce regroupement. Le mémorandum des retraités de la fonction publique est articulé sur huit points, et comporte une série de sollicitations pour une meilleure prise en charge des retraités.Avant d’entrer dans le vif du sujet, Moïse Nyemb, rappelle au président de la République qu’un premier mémorandum, daté du 15 août 2010, lui avait déjà été envoyé sur le même sujet.
Mais celui-ci avait été suivi du silence assourdissant de son illustre destinataire. «Nous vous prions d’élargir le cercle de votre action, annoncée à Bamenda [la création d’un secrétariat aux Anciens combattants, Ndlr] en faveur de tous les retraités, sans bornes, en leur offrant un ministère spécialisé pour leur meilleur encadrement. Afin que ces derniers soient pris immédiatement en compte dès la cessation de leurs activités professionnelles pour qu’enfin, le retraité cesse de faire valoir ses droits à la retraite comme le consacrent les statuts de la Fonction publique, mais au contraire, qu’il en jouisse pleinement», peut-on lire dans le document.
Par ailleurs, les retraités, constatant la hausse des salaires fonctionnaires intervenue en 2008 des, demandent la revalorisation, subséquente, de leur pension. Ils rappellent que les prix des denrées alimentaires ne cessent de flamber sur le marché, et il qu’il n’y a pas de tarifs préférentiels pour les retraités. D’autre part, les mécontents prient Paul Biya d’«user de tout son pouvoir» pour que cesse la marginalisation du retraité, «sous le fallacieux prétexte que la retraite est synonyme de mort». En effet, tiennent-t-ils à souligner, «toutes les issues sont bloquées aux retraités du fait de leur âge avancé, leur énergie physique sacrifiée au service de la nation, la marginalisation et l’abandon total dont ils sont victimes au ministère de la Fonction publique, leur employeur».
Misères
Fort de ce qui précède, l’Arefop demande au chef de l’Etat de créer un ministère spécialisé pour leur meilleur encadrement. A ce jour, le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administration (Minfopra) est pourtant la structure qui boucle les dossiers de payement des pensions des anciens employés de l’Etat. La Caisse nationale de la prévoyance sociale (Cnps) se charge du payement des pensions retraites à travers les établissements financiers publics agréés.
Par ailleurs, les retraités de la fonction publique dénoncent les lourdeurs administratives pour voir aboutir leur dossier. En principe, trois mois suffisent pour qu’un retraité frais émoulu perçoive sa pension, apprend-t-on à la délégation du Minfopra du Littoral. Pourtant, il aura fallu 4 ans de démarches et de tracasseries pour que Deborah Ngo Yon, ancien officier de police principale, accède à sa pension vieillesse. Durant son parcours du combattant, elle ne comptait plus les allers et retours entre Edéa, sa ville de résidence, Douala, siège de la délégation régionale du Minfopra et Yaoundé. «J’étais contrainte de saisir certaines autorités pour finaliser mon dossier, en 2008», révèle cette mère célibataire de 5 enfants à charge, en retraite depuis 2004. Pis, «inutile, pour un retraité, de demander un crédit scolaire, encore moins de se rapprocher du Crédit foncier pour solliciter un lopin de terre. Tout ceci parce qu’on vous présume insolvable, regrette-t-elle. Remarquez-vous même comment on traite une personne qui a donné toute sa jeunesse au service d’un pays !»
A Douala, c’est Stéphane Ndogmo, chef service du fichier et de la discipline à la délégation régionale de ce département dans le Littoral, ne compte plus le nombre de dossiers qui se sont empilés sur sa table, attendant d’être acheminés dans les services centraux à Yaoundé. Et pourtant, le gouvernement, en juillet 2009, annonçait à grand renfort de publicité des «réformes pour améliorer le paiement des pensions retraites». Ces mesures prévoient: l’amélioration du système de prise en charge des retraités par l’anticipation dans les procédures de départ en retraite, une réduction du temps de traitement des dossiers et une amélioration du système d’archivage entre autres, apprend-t-on à la délégation régionale du Littoral pour le Minfopra. Deux ans plus, pourquoi toutes ces batteries de mesures coincent ? «Les textes prévoient qu’une fois l’âge du départ en retraite atteint, le fonctionnaire adresse une lettre au Minfopra pour demander sa mise en retraite.
Mais plusieurs employés de l’Etat ne le font pas. Avec cette réforme, nous commencerons les investigations un an à l’avance, pour nous assurer que les dossiers sont complets. Ceci nous permettra également de rappeler aux fonctionnaires en fin de carrière ce qu’ils doivent faire», croit savoir Stéphane Ndogmo, chef service du fichier et de la discipline à la délégation régionale du Littoral. Un autre cadre de cette délégation renchérit : «Nous sommes également sur un projet d’amélioration du système d’archivage dont le fichier s’était fortement détérioré. Nous allons reconstituer les dossiers perdus. Le fichier ainsi mis à jour permettra l’entrée en application de ces réformes dès cette année», informe-t-il.
Perfectible
Dans la foulée, la Cnps avait également multiplié des mesures dans le but d’améliorer les conditions de payement. «Dans le cadre de modernisation de la gestion de la Cnps, les bénéficiaires de prestations sociales payés par virement bancaire perçoivent leurs droits tous les mois et dans établissements financiers de leur choix en seul un jour», confie un cadre à la Cnps de Douala.
Seul hic, cette mesure n’arrange pas tout le monde. David Aimé Ntonga le président de l’association des retraités du Cameroun (Arecam) tranche : «Il faut qu’on cesse de nous payer en un jour parce que dans les quartiers, nous sommes exposés au vandalisme. Maintenant on veut nous imposer le jour de samedi pour nous payer. C’est le jour des enterrements chez nous. Nous n’acceptons pas cela. Et ce samedi lorsque vous n’êtes pas là vous revenez le lundi on vous dit que vous ne pouvez être payé, on suspend votre pension. Nous demandons que cela soit annulé purement et simplement», fulmine le président de l’Arcam qui fait partie des 32 associations de défense des droits au Cameroun.
A la Cnps, l’on rétorque «que depuis un an, cette politique a contribué à la révolution des activités de paiement avec la réduction de la manipulation des fonds, la sécurisation de l’argent et le choix par les bénéficiaires de leurs établissements financiers».
Pour l’instant, la réalité, au regard des memoranda envoyés au président de la République, est cruellement distante de la volonté manifestée par les pouvoirs publics. Perfectible, c’est bien le moindre mot pour décrire ce que beaucoup de ces personnes usées par trois décennies de dur labeur assimilent à un «silence inquiétant» de leur président d’honneur (Paul Biya). Curieusement, Moïse Nyemb, le secrétaire exécutif de l’Arefop tempère : «Nous ne sommes pas sur le pied de guerre avec le gouvernement. Nous dénonçons, faisons de propositions et de relances. Ce sont les seuls moyens que nous avons à notre disposition. Si le président de la République qui est par ailleurs notre président d’honneur ne réagit, nous aviserons, peut-être, ultérieurement».