Contentieux. Un Camerounais se fait spolier à cause de la Justice française
Il
s’en est désormais remis aux autorités camerounaises pour rentrer en
possession de sa fortune qui lui avait été chipée par un ressortissant
togolais.
Le 27 juin dernier, Alain Bandji Belate, un
Camerounais vivant en France, recevait une correspondance du cabinet de
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de Justice de France. On
lui répondait « qu’en raison du principe constitutionnel de
l’indépendance de l’autorité judiciaire, il ne lui [la ministre, Ndlr]
appartient pas de formuler des appréciations sur les décisions de
justice ou d’en modifier la portée ». Il est donc
conseillé au Camerounais de s’en remettre à son avocat afin de
rechercher avec lui si une action est possible. Car, dans ce pays, seul
l’exercice des voies de recours prévues par la loi, peut permettre
d’obtenir une modification de ce qui a été jugé.
La ministre française de la Justice répondait ainsi à une correspondance à elle adressée une semaine avant, précisément le 19 juin, au sujet d’un contentieux civil. Alain Bandji Belate sollicitait Christiane Taubira pour qu’elle donne des prescriptions aux services compétents de son département ministériel, pour leur permettre de faire appel pour que la justice soit rendue de manière équitable et impartiale. Depuis près de 7 ans, le jeune camerounais tente de rentrer en possession de sa fortune qu’il a perdue ou risque de perdre définitivement à cause de ce qu’il qualifie de déni de justice.
Des millions d’euros en jeu
Les faits remontent à 2005, lorsqu’il est placé sous mandat de dépôt pour une affaire l’opposant à son ex-épouse. Durant cette incarcération, le 21 novembre 2005, le Togolais François Tankpinou Odjo saisit la maison d’arrêt pour obtenir à son profit une autorisation de récupération des véhicules et matériels de la société Philippa-Négoce (propriété d’Alain Bandji Belate). La confusion est que Philippa-Négoce assurait pour François Tankpinou Odjo, des prestations de gardiennage de certains de ses biens. Le jour où la requête est déposée, le directeur de la maison d’arrêt transmet la demande du Togolais au juge d’instruction du tribunal de grande instruction de Nanterre. Ce dernier va y apporter la mention « vu et ne s’y oppose ».
Aucune notification n’est faite à l’incarcéré, Alain Bandji Belate.
C’est ainsi que le Togolais va mettre la main sur 17 280 litres de
whisky, 15 840 litres de vodka, plusieurs véhicules (dont des camions
citernes) et plusieurs autres matériels achetés aux services des
domaines français. Des biens estimés par le Camerounais à plusieurs
millions d’euros. Aussitôt informé de la situation, celui qui se dit
aujourd’hui «spolié à cause de la justice française»
va engager des actions en Justice pour récupérer ses biens. Mais, rien
n’y fera. Le 14 novembre 2007, le tribunal français rend une décision
selon laquelle il n’y a pas lieu d’avoir un référé sur cette affaire. «Par
ailleurs, il m’est impossible de faire appel à cette décision d’autant
qu’à ce jour [19 juin 2012, Ndlr] je n’ai jamais été notifié de ladite
décision», souligne le plaignant camerounais.
Réaction des autorités camerounaises
Alain Bandji Belate avait saisi le consul du Cameroun à Paris pour un secours. Et malgré l’accord d’Eyebe Ayissi, alors ministre des Relations extérieures (Minrex), les usages diplomatiques avaient empêché un soutien efficace. Mais, avec la réponse récente de la ministre française de la Justice, il a saisi Pierre Moukoko Mbondjo, le nouveau Minrex, le 14 août 2012 pour solliciter de lui une aide. Celle-ci consiste à saisir le ministère français des Affaires étrangères pour «l’informer de la préoccupation de l’ambassade au sujet de ma situation et par la même occasion solliciter leur appui pour apurer le contentieux qui m’oppose à l’Etat français, affaire dans laquelle je bénéficie de la protection consulaire du Cameroun ». Pour celui qui fait cette requête, il y a possibilité que la situation évolue de manière positive avec le soutien étatique dont il pourrait disposer. Mais, une chose est certaine, comme il l’affirme lui-même, c’est une affaire qui est loin de s’achever.
Alain NOAH AWANA