Conquête du pouvoir en 2018: Maurice Kamto fait-il paniquer les Béti ?
YAOUNDE - 26 MARS 2012
© Jacques Blaise Mvié | La Nouvelle
"Dans un pays hanté par la crainte du naufrage, si des stratèges Bamiléké, en capitaines braves et bravaches, décident de s'organiser pour ne pas être pris de court au rendez-vous du donner et du recevoir qui se profile à l'horizon, à l'orée 2018, pourquoi cela devrait-il offusquer les têtes d'affiche des autres communautés?"
© Jacques Blaise Mvié | La Nouvelle
"Dans un pays hanté par la crainte du naufrage, si des stratèges Bamiléké, en capitaines braves et bravaches, décident de s'organiser pour ne pas être pris de court au rendez-vous du donner et du recevoir qui se profile à l'horizon, à l'orée 2018, pourquoi cela devrait-il offusquer les têtes d'affiche des autres communautés?"
Dans les milieux béti des régions du Centre et du Sud, la note de renseignements dont le contenu a été publié par La Nouvelle la semaine dernière,
n'a pas laissé insensibles certains analystes Béti. Au contraire, elle
continue à bouleverser dans tous les sens du terme. Est-ce pour déjouer
ce qu'ils appellent eux-mêmes «le complot des Bamiléké» que l'un d'eux
aurait fuité dans la presse? De toutes les façons, qu'on les aime ou
qu'on ne les aime pas, les stratèges Bamiléké ont placé le curseur bien
plus haut. Et leur menace est à prendre au sérieux...
A vrai dire, qu'est-ce qui peut expliquer, dans un pays de démocratie, que dès qu'on parle de l'accession d'un Bamiléké à la magistrature suprême, des cris d'horreur commencent à fuser de certains milieux béti? Nous pensons naturellement à la transe de ceux d'entre eux qui, la semaine dernière, en découvrant dans votre journal la stratégie des hommes de Maurice Kamto, n'ont pas hésité à se faire du mauvais sang. Dans un pays hanté par la crainte du naufrage, si des stratèges Bamiléké, en capitaines braves et bravaches, décident de s'organiser pour ne pas être pris de court au rendez-vous du donner et du recevoir qui se profile à l'horizon, à l'orée 2018, pourquoi cela devrait-il offusquer les têtes d'affiche des autres communautés? Quand tout est nébuleux, la lumière ne vient-elle pas de ce qui rassure et rassemble? Tel que le décrit la note de renseignements aujourd'hui sur la table du président Paul Biya, les stratèges de Maurice Kamto sont en train de mettre en place une extraordinaire machine de conquête du pouvoir que rien ne semble pouvoir arrêter. Normal dans un pays résigné où l'opposition politique est quasi tétanisée, la société civile embryonnaire et le syndicalisme maté. Des cercles de réflexion comme ceux aujour¬d'hui mis en place par André Siaka et Paul Fokam Kanmogne paraissent à l'évidence l'unique voie de salut. Que l'on soit pour ou contre, il devient davantage constant que la première indication, après lecture de cette note de renseignements est que désormais les Bamiléké, aujourd'hui seuls maîtres de l'économie camerounaise et des médias, veulent avoir plus que jamais, leur mot à dire là où se décident l'accession d'un Camerounais à la magistrature suprême. Que celui-ci soit du Nord, du Sud, de l'Ouest ou de l'Est. En décidant de ne pas faire un black-out sur cette note comme certains zélotes enflammés le désiraient, nous avons voulu que les frontières de ce débat, désormais public, soient clairement tracées. Maintenant reste à en définir les règles. Une tâche qui sera d'ailleurs facilitée avec la prochaine refonte des listes électorales et l'adoption d'un nouveau code électoral. Depuis des décennies, pour parler de l'accession au pouvoir suprême d'un Camerounais, dans les officines de la France-Afrique, l'on a toujours semblé évoquer ce légendaire axe Nord-Sud qui a prévalu dans l'accession de Paul Biya au pouvoir le 6 novembre 1982. De plus en plus, le jeu politique actuel semble signer l'acte de décès de cette fantasmatique convention qui a longtemps voulu que le pouvoir suprême se partage, dans un huis-clos autocratique et rétrograde, entre les Peulh du Nord et les Béti du Centre-Sud. Une véritable incongruité démocratique qui exclut d'office les Camerounais des autres régions du pays. Une vraie injustice politique porteuse de germes de déstabilisation et de conflits qui a fait son temps et a longtemps mis en quarantaine des compétences avérées qui auraient pu éviter à notre pays le chaos actuel. Sans pour autant mériter le flot de railleries et d'insultes qui les décrivent avec dérision et mépris comme des pilleurs invétérés, des noceurs patentés et des libertins hors pair, les Béti actuellement au pouvoir, abondamment indexés comme étant à l'origine de ce chaos, doivent tout de même savoir qu'ils sont attendus au tournant de l'Histoire par leurs contradicteurs des autres communautés du Cameroun. Ne pas l'avoir à l'esprit en permanence est une grave erreur. Avec les images échevelées de ces éternelles querelles byzantines qui sont légion dans leur communauté, tout porte à croire que ceux-ci l'ignorent. C'est à cet effet qu'ils trimballent dans l'opinion, le cliché de ces athlètes rompus aux joutes oratoires inutiles qui participent plus à les diviser et à les fragiliser qu'à les rassembler et à les rendre solidaires. Suffisant pour comprendre pourquoi ils ne peuvent pas se mettre ensemble pour créer une banque, une société d'assurances ou un groupe de presse digne de ce nom. Seulement, comment ne parviennent-ils pas à sentir la gêne qui monte, comme un mauvais vent, dans l'opinion pour se demander si les Béti ne peuvent se mettre ensemble que pour célébrer des messes d'actions de grâce après la nomination d'un des leurs ou pour commémorer les anniversaires-bidons du RDPC. A ces cérémonies apparemment importantes pour une élite politique friande d'agapes festives, ces «princes» vénérés venus tout droit du Comité central du Rdpc ont naturellement droit à toutes les attentions particulières de préséance. Partageant la plupart de leur temps, la compagnie de minables courtisans qui se relayent à leurs côtés, ne manquant jamais d'histoires fugaces et inutiles à raconter. Des petits malins qui, pour arracher quelques vaines faveurs à ces élites friandes de ragots de bistrot, leur prêtent volontiers une oreille attentive. Querelles byzantines A vrai dire, ce sont ces ragots qui sont à l'origine de toutes les querelles qui ont réussi à mettre en lambeaux les rares comités de développement qu'on a vu naître dans chaque département des régions du Centre et du Sud depuis l'accession de Paul Biya au pouvoir. Rendant de ce fait au sein de l'élite politique une ambiance délétère à couper au couteau. Une élite où le soupçon d'insincérité est à la fois instillé pour mieux masquer les approximations des incompétents et pour jeter davantage l'opprobre sur les plus méritants. Etalant de ce fait à la face du monde ces inutiles démonstrations de force d'où fusent des invectives salaces qui font froid dans le dos ; ces déclarations hallucinantes dans les médias qui confirment à souhait que chez certains d'entre eux la bêtise amène un renforcement de l'orgueil. Et ces sombres discriminations entre les frères d'une même famille, marquées du sceau de la diabolisation et du rejet systématique, qui par exemple dans le Mfoundi, portent un coup tragique à la légendaire solidarité qui naguère a fait des ancêtres de Philippe Mbarga Mboa et de Charles Borromée Etoundi, pour ne citer que ces deux-là, de vénérables et puissants gardiens du temple à Ongola-Ewondo. Plus préoccupés dans cette atmosphère délétère à se rendre coup sur coup, intrigues sordides sur calomnies abjectes, personne, et alors personne, ne pipe mot quand des jeunes frères révoltés tentent un dernier baroud d'honneur en se rassemblant au sein d'une association dénommée Communauté des Amis de la Forêt Equatoriale (Cafe) pour créer une centrale d'achat, afin de combattre les pénuries artificielles des produits de première nécessité. Ceci pour tenter, à leur manière, de sauver un régime de Paul Biya en proie depuis les émeutes de février 2008, aux spéculateurs de tous bords et aux «apprentis-sorciers». Au contraire, au lieu d'encourager cette heureuse initiative qui aurait pu être, par son envergure et ses objectifs à long terme, un contrepoids de taille à la main mise actuelle des réseaux Bamiléké sur l'économie camerounaise, on torpille, on bloque, on fait un mauvais copier-coller pour cyniquement mettre en place ?? la Mirap. Exactement comme les Atangana Mebara l'avaient fait avec le projet d'assainissement du fichier solde et personnel de l'Etat. Comme ils l'avaient également fait avec tous les projets structurants qui auraient évité à leur «frère» Paul Biya, la pénible et politicienne manœuvre rhétorique ayant aujourd'hui fait décliner les Grandes ambitions en Grandes réalisations. Pendant que ces manœuvres sont ainsi ourdies, c'est l'économie camerounaise qui largue les amarres. Ce sont les services publics qui se désagrègent. C'est l'eau devenue rare dans les robinets qui distille la dysenterie et le choléra dans les quartiers populeux et insalubres. Ce sont les coupures d'électricité devenues aussi courantes qui pénalisent les jeunes industries naissantes. Sans parler, cerise sur le gâteau, des montagnes d'ordures qui s'empilent dans les rues poussiéreuses des villes, devenues des poubelles géantes à ciel ouvert. Attendus au tournant de l'Histoire comme nous l'avons dit plus haut, les insouciants cadres Béti auraient dû savoir que le moindre de leurs gestes est épié, analysé, disséqué, observé à la loupe. Et surtout avoir présent à l'esprit que, sur tous ces différents points décriés, leurs éclatants et multiples succès auraient dû passer par une fidélité sans faille au président de la République, synonyme de pérennisation des acquis, et gage de préservation du pouvoir par le régime actuellement aux commandes. Simplement parce que dans la tradition béti, on ne détrône pas un roi vivant. Malheureusement, leur marque de fabrique a été le G11 avec tout le florilège de trahisons sommaires que cela a généré. Leur domaine de prédilection, le blocage des projets structurants. Conséquence: personne aujourd'hui pour s'apitoyer sur le sort des hauts cadres Béti comme Jean-Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah et autres. Le sommet de ce gigantesque gâchis des ressources humaines. Pourtant à côté de ce gâchis humain énorme chez les Béti, ailleurs, le monde change de plus en plus vite avec ses ténors. Les autres communautés à l'instar des Bamiléké se libèrent de la peur et s'organisent. D'autres plus futés encore avancent à grandes enjambées vers des richesses inexplorées et de plus en plus importantes. Davantage enfoncés dans leurs fausses certitudes ; de plus en plus convaincus que les autres ne sont que vulgaires nabots hargneux, crées par Dieu pour être commandés par de puissants géants Béti ; de plus en plus centrés sur d'interminables et dérisoires combats fratricides, ces cadres Béti ne se lassent pas de penser qu'Ahmadou Ahidjo avait bâti le palais de l'Unité d'Etoudi pour eux. Rien que. Et non pour les autres Camerounais. Un aveuglement suicidaire et prémonitoire qui fait, malheureusement, oublier que l'apologie du statu quo est avant tout le début de la fin. La fin d'une époque. Celle des vaches grasses où des gens pouvaient piller impunément les caisses de l'Etat en prenant le fallacieux prétexte de soutenir le régime au pouvoir. La fin d'un règne. Celui de Paul Biya, diantrement trahi par ses propres frères. C'est ce Cameroun, tiré à hue et à dia, que les stratèges de Maurice Kamto s'emploient à vouloir sauver, pour mettre fin à la navigation à vue. Et pour donner des réponses claires aux urgences économiques et sociales qui, dans un environnement pollué par les vaines querelles byzantines des Béti, butent sur la stérilité, l'insouciance et le chaos. |
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