Monsieur le Président de la Commission Nationale Anti Corruption. Nous avons bien reçu votre invitation à participer à la conférence que vous organisez le 12 septembre courant sur la corruption électorale, ainsi que le programme pour des conférences similaires dans les neuf autres région du pays.Fidèle à notre ligne de critique constructive chaque fois que cela nous semble nécessaire, nous prenons la liberté de vous faire part de nos observations.
Premièrement, nous sommes très surpris que pour une manifestation de cette nature qui se veut, nous osons le croire didactique, monsieur Hilaire Kamga, mandataire de l'offre orange dont les qualifications et l'expertise sur les questions électorales, sont établis, n'ait pas été associé comme un des communicateurs. A ce propos nous rappelons que l'intéressé, a commis plusieurs publications sur la problématique de la fraude électorale et sur le contrôle des élections. Sa réputation en la matière dépasse aujourd'hui nos frontières.
Deuxièmement, le concept même de corruption électorale recouvre une réalité imparfaite dans le contexte camerounais, dans la mesure où c'est la structure centrale même de l'organisme chargé d'organiser les élections, en l'occurrence ELECAM, qui est considérée à priori comme corrompue par les citoyens. Cette appréciation se fonde sur la composition de cette structure qui est une violation du décret consacrant son existence. L'angle de débat nous paraît trop subjectif, teinté de manipulations préalables et par conséquent quasiment inapproprié.
En effet il y a lieu de craindre la mise en exergue d'une kermesse ennuyeuse et inutilement budgétivore.
Troisièmement, si tant est que le souci de la CONAC est de sensibiliser les citoyens sur leurs droits et devoirs par rapport aux élections, des spots télévisés bien travaillés dans un langage simple et démonstratif, auraient été nettement plus efficaces, mieux imprégnant. Les conférences sont des scènes de chamaillerie ou mieux de démonstrations ostentatoires d'éloquence qui font courir une poignée d'élites et de fonctionnaires souvent absents du sujet et coupés des réalités de base. Vos deux conférenciers maison s'adresseront certainement à un petit auditoire arrangé par des chefs de terre. Ils auront la satisfaction de leurs perdiems, mais pas celle d'avoir parlé aux populations ou renseigné le citoyen.
Quatrièmement, le principe même de cette conférence nous paraît quelque peu en dehors des missions centrales pour ne pas dire cardinales de la CONAC. Ce n'est pas là que le peuple camerounais attend de voir la CONAC à l'oeuvre, c'est dans des actions de prévention ciblées et déterminantes. Par exemple, nous sommes en plein dans la rentrée scolaire et le commerce des inscriptions bat son plein dans les établissements publics, tout comme d'ailleurs celui des bulletins des notes délivrés dorénavant contre argent comptant. La CONAC se serait manifestée utilement à ce niveau y compris en plaçant des agents discrets partout que cela aurait enchanté les familles et réduit l'avidité criminelle et mafieuse de certains chefs d'établissement. Pour vous en convaincre, il suffit de mener une enquête sur les investissements des chefs d'établissement entre les mois d'octobre et de décembre.
C'est donc tout le casting conceptuel, éthique et opérationnel de votre initiative, qui interpelle notre tranquillité et nous fait douter de la sagesse autant que du pragmatisme des stratèges de la CONAC. Laissez à ELECAM son travail, le vôtre est ailleurs.
Cela étant, nous signalons néanmoins en guise de contribution, que les pratiques de corruption dans le processus électoral camerounais ne sont, de notre point de vue, ni ponctuelles ni factuelles, elles sont institutionnelles et codifiées, et relayées par la consécration officielle de la discrimination d'abord entre les acteurs politiques, et ensuite entre les électeurs.
Vous réitérant les assurances de notre sincère coopération, nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, l'expression de nos salutations distinguées./.