Et ceci, pour confondre tous ceux qui semblent jubiler aujourd’hui dans le camp des prédateurs de la fortune publique.
Me Verges: je n'ai rien trouve dans certains comptes.
En recevant en audience le 26 mai 2008, au palais de l'Unité, Me Jacques Verges, nombreux sont ceux des observateurs avertis qui conclurent que le président de la République venait de trouver l'oiseau rare qui allait faciliter le rapatriement des fonds planqués dans des banques étrangères par des pontes de son régime. Il s'agit notamment des personnalités incarcérées ou ciblées dans le cadre de l'opération Epervier. A l'époque, si rien n'avait véritablement filtré des échanges entre le chef de l'Etat et l'avocat français d'origine vietnamienne, l'on se souvient que Jacques Verges allait une fois de plus être reçu par Paul Biya, quelques jours seulement après, à Genève. L'on pouvait donc s'accorder au moins sur une chose: la détermination du président de la République à mettre un coup d'accélérateur sur l'épineux dossier du rapatriement des fonds publics détournés et placés dans des paradis fiscaux. Ceci, au moment où les Camerounais, tout en approuvant l'opération d'assainissement des mœurs initiée par le président de la République, souhaitaient que les fonds détournés réintègrent prioritairement le trésor public camerounais.
L'arrivée de l'avocat français semblait donc non seulement rejoindre cette aspiration profonde des Camerounais mais surtout, elle venait dissiper les prétentions de ceux qui voyaient en l'opération Epervier, des relents de démagogie pour régler des comptes à quelques adversaires politiques. Et bien plus, ce choix intervenait après que Amadou Ali, le vice-Premier ministre chargé de la Justice ait dans un premier temps, donné mandat à un consultant camerounais soupçonné après coup de provoquer des fuites en or pour faire chanter certaines personnalités visées par l'opération Epervier. Seulement, avec cette information qui circule depuis quelque temps et qui indique que Jacques Vergès aurait remis sa copie au président de la République, le pessimisme semble avoir regagné certains esprits sur les chances de recouvrer les fonds distraits et planqués dans des paradis fiscaux. Surtout que le rapport de l'avocat français d'après nos sources, affiche un bilan plutôt maigre où par exemple l'ancien directeur général du Feicom, Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Urbain Olanguena Awono, ancien ministre de la Santé publique et Edouard Etonde Ekotto, l'ancien Pca du Port autonome de Douala, ne disposeraient pas de comptes bancaires fournis à l'étranger.
Milliardaires
De l'avis de certains analystes, il ne fallait pas s'attendre à ce que la mission confiée à Jacques Vergès soit un succès total quand on sait qu'en face, certains prévaricateurs incarcérés ou en voie de l'être ne sont pas nés de la dernière pluie. Certains auraient en effet eu tout le temps pour dissimuler leurs avoirs ou les placer en lieu sûr. On peut l'affirmer quand on sait aussi que certains gestionnaires indélicats sont soupçonnés d'avoir ouvert des comptes bancaires à leurs enfants ou à leurs petites copines, bref à des prête-noms.
Alors question: devrait-on alors remettre en cause toutes ces listes des milliardaires en circulation et principalement celle-là qu'on attribue l'origine aux Américains ? Pour tenter de répondre à cette question, d'autres analystes soutiennent que malgré les résultats mitigés enregistrés par les différentes missions d'investigation à l'étranger, une autre piste serait aujourd'hui envisageable. L'on se souvient encore que la Banque Atlantique par exemple avait été présentée par certains observateurs comme une structure de recyclage des fonds détournés. Avec la présence comme Pca de ce nouvel établissement financier de Charles Metouck, celui-là même dont le nom revient sur la plupart des listes des prétendus milliardaires en circulation. A l’époque, d’autres observateurs soutenaient que cette banque au capital de 35 milliards de FCFA servirait de point de chute des comptes vidés à la hâte par certaines personnalités soupçonnées de distraction des fonds publics.
Dans la foulée des solutions à pister les délinquants à col blanc, l'alternative proposée par d'autres analystes serait d'investiguer dans le patrimoine mobilier et immobilier des gestionnaires indélicats, aussi bien au Cameroun qu'à l'extérieur. D'après ces analystes, il serait très difficile a certains compatriotes de justifier l'origine de leurs biens meubles ou immeubles disséminés dans tout le territoire national sans s'attirer les foudres de l’Epervier. Des sources crédibles, c'est le cas par exemple d'un ancien ministre originaire du Sud qui disposerait à lui tout seul près de 200 immeubles bâtis ou non. La petite anecdote qui se raconte dans certains milieux des élites du Sud indique que cette élite aimerait dire à qui veut l'entendre que si Polycarpe Abah Abah peut se targuer d'avoir beaucoup d'argent, lui par contre est le champion de l'immobilier. D'après une indiscrétion glanée à bonne source, une ONG locale verrait bientôt le jour au Cameroun dans ce sens et qui aura entre autres missions de traquer tous ceux dont les avoirs et biens ne correspondent pas du tout à leur statut réel. Il serait question de rechercher les milliards volés sur place, au Cameroun par les gestionnaires indélicats. Nous y reviendrons.
Rapatriement des fonds détournés: La grosse surprise du rapport de Me Vergès
Alors que l'on s'attendait à ce que le rapport de Jacques Vergès épingle certaines personnalités poursuivies dans le cadre de l'opération Epervier, il laisse le chef de l'Etat sur sa soif. Un peu comme les précédentes missions pilotées à l'époque par le vice-Premier ministre chargé de la Justice, Amadou Ali.
Depuis le 10 septembre 2009, votre journal dans l'édition N' 034 jette un pavé dans la marre, en publiant les premiers résultats des investigations sur les comptes des prétendus milliardaires ciblés par l'opération Epervier. Ces premiers résultats survenaient après qu'une mission d'investigations ait été confiée par Amadou Ali, le vice-Premier ministre en charge de la Justice à Francis Dooh Collins. C'est d'ailleurs ce qu'on peut lire dans la lettre de mission N°298/Cf/Cab/Vom/Mj/Dds qui donne à Francis Dooh Collins le droit de conduire une enquête d’expertise et d'investigations financières internationales contre la corruption et les détournements des fonds de l'Etat du Cameroun, auprès des établissements financiers et des organismes financiers internationaux. " Cette lettre de mission couvre les pays suivants : l'Angleterre, l'Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, les Iles anglaises de Guernesey, l’Asie, le Moyen Orient, l'Europe et même l'Afrique. Pour mener à bien sa mission, Francis Dooh Collins va recruter la Friendship Worldwide Inc. et Me Robert Fiechter du cabinet Des Gouttes et Associés et la Qatar Suisse services. Il était question pour ces experts d'établir des profils détaillés avec indication des comptes bancaires et avoirs détenus directement ou indirectement par les personnes ciblées.
L'on se souvient donc qu'à l’époque, 12 personnalités étaient ciblées par la Friendship Worldwide Inc. et Me Robert Fiechter du cabinet Des Gouttes et Associés. Il s'agit de Polycarpe Abah Abah, Alphonse Siyam Siewe, Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Gervais Mendo Ze, Rémy Ze Meka, Pierre Désiré Engo, Marafa Hamidou Yaya, Edouard Akame Mfoumou, Edouard Etondè Ekotto, Jean Marie Atangana Mebara, Zachaeus Mungwe Foqindam et Djankou Lamerre. Par contre, dans le contrat opérationnel signé le 23 octobre 2008 entre l'Etat du Cameroun et la Qatar Suisse service pour la même opération de traque des comptes des prétendus milliardaires disséminés à travers le monde, 49 personnalités sont exactement concernées. En plus des noms cités plus haut, vont s'ajouter ceux de Charles Metouck, Peter Akumshi, Emmanuel Etoundi Oyono, Talba Malla Ibrahim, Martin Aristide Okouda, Yves Michel Fotso, Jean Baptiste Bokam, Urbain Olanguena Awono, lya Mohamed, Joseph Edou, Gilles Roger Belinga, Louis Paul Motaze, Meva'a Meboutou, Roger Melingui, Pierre Titi, Mounchipou Seydou, Grégoire Owona, Patricia Daisy Enam, épouse Melon, Elisabeth Mongorie, Mongue Nyamsi, Charles Tawamba, Célestin Tawamba, Laurent Nkodo, Ngamo Hamani, Manga Messina, Ndedi Rébecca et Edgar Alain Mebe Ngo'o. Les 6 tout premiers dossiers complets bouclés par les investigateurs vont concerner l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, Polycarpe Abah Abah et son épouse Caroline Meva'a, l'ancien ministre délégué auprès du ministre de la Communication Gervais Mendo Zé, l'ancien directeur général du Crédit foncier du Cameroun, Joseph Edou, le ministre délégué aux Finances, Pierre Titi, l'ancien directeur général du Chantier naval, Zachaeus Forjindam Mungwe et l’ancien directeur général du Port autonome de Douala, Alphonse Siyam Siewe.
Moisson
Pour être plus précis, dans le compte de Polycarpe Abah Abah, les investigations secrètes en urgence menées par les hommes de Francis Dooh Collins en France vont découvrir que l'ancien ministre de l’Economie et des Finances est titulaire de plusieurs comptes bancaires à l'étranger. Le premier est logé au Crédit Lyonnais, 46, avenue Gabriel Péri 93 400 Saint Ouen, compte épargne livret B n° 218 749 D 72 ouvert le 23 décembre1994. D'autres comptes bancaires sont logés au Crédit industriel et commercial (CIC), 230, rue du Faubourg Saint martin 75 010 Paris (compte courant n° 102 975 01 10 ouvert le 2 septembre 1999, compte n° 104 554 01 58 avec comme co-titulaire son épouse Caroline Meva'a, " clôturé en urgence ". D'autres comptes bancaires sont découverts à l'adresse Hsb, 16/18, avenue de Villars 75 007 à Paris. Polycarpe Abah Abah recevait toutes les correspondances à la boîte postale 285 a Yaoundé. Quant à son épouse, les mêmes investigateurs dans leur rapport mentionnent que Caroline Meva’a dispose de plusieurs comptes bancaires au Crédit industriel et commercial (CIC), 230, rue du Faubourg St Martin 75010 Paris. Un compte ouvert le 27 janvier 2004 au numéro 102 976 04 89, un compte logement n° 102 976 03092 ouvert le 30 octobre 2003, un compte courant n° 102 976 011 ouvert le 2 septembre 1999, un compte joint n° 104 554 01 58 ouvert le 2 septembre 1999 avec pour co-titulaire son époux. Elle avait clôturé au mois de janvier 2006 les 2 comptes ouverts en son nom à la Hsb banque. Selon les investigateurs, le montant cumulé des avoirs est supérieur à 10 millions d'euros, près de 6 500 000 000 de FCFA. S'agissant de Pierre Titi, si le rapport des investigateurs de Francis Dooh Collins reste muet sur le montant des avoirs de ce membre du gouvernement, il indique néanmoins qu'il est titulaire de plus d'une dizaine de comptes bancaires ouverts à la Banque de gestion privée Indo Suez (Bgpi) 20, rue de la Baume 75008 Paris, à la Société générale, au Crédit Lyon nais, agence Champs Elysées.
En ce qui concerne l'ancien directeur général de la Crtv, le rapport des investigateurs fait état de l'existence de 2 comptes ouverts en son nom à la Société générale 47, Bld Gouvion Saint Cyr 75 017 Paris. Tout en n'apportant aucune précision sur le montant des avoirs de l'ancien Dg, le rapport se contente d'indiquer que le plan d'épargne logement avait été clôturé le 25 avril 2000. Pour ce qui est de Joseph Edou, le rapport de mission concocté par les investigateurs de Francis Dooh Collins relève que l'ancien Dg du Crédit foncier du Cameroun dispose de 2 comptes bancaires à Pnp Paribas, 26, rue des Bourets 92150 Suresnes (compte épargne livret B n° 302 225 25 32 ouvert le 28 octobre 1997, un compte courant n° 128 275 32 ouvert le 28 octobre 1997). Sans autre précision. Au niveau de l'ancien directeur du Chantier naval, l'expertise des cabinets suisse et anglais révèle que Zachaeus Forjindam Mungwe est titulaire de 3 comptes bancaires au Crédit Lyonnais, agence de l'Ecole militaire, 68, avenue Bosquet 75007 Paris, (compte courant n°736 568 N 49 ouvert le 16 février 2006, compte épargne livret B n° 432 616 W 24 ouvert le 12 mai 2005 et le compte plan d’épargne logement n° 960 513 C 22 ouvert le 16 février 2002). Rien n'est dit sur le montant des avoirs. Pour ce qui est d'Alphonse Siyam Siewe, le dernier sur la liste secrète des investigateurs des comptes des prétendus milliardaires, les derniers comptes bancaires de l'ancien Dg du Port autonome de Douala se retrouvent à Natexis Banque populaire, 115, rue Montmarre 75002 Paris. Il s'agit du compte d'épargne livret B n' 860 283 116 clôturé le 26 août 1999 et le compte n° 996 096 38 63 clôturé le 25 août 1998.
En dehors de Polycarpe Abah Abah et de son épouse, l'on se rend compte que la moisson des investigateurs du vice-Premier ministre en charge de la justice n'a pas été fructueuse. Elle est même loin de combler les attentes. Un peu comme celle de Me Jacques Vergès aujourd'hui. Alors question : qu'est-ce qui peut justifier ces résultats, alors même que des indices suffisants démontrent que l'agression des caisses publiques par des gestionnaires véreux reste un exercice très prisé ? Selon des sources introduites et c'est là le paradoxe, plusieurs personnalités ayant la charge historique de gérer l'opération Epervier seraient, contre toute attente, détentrices de plusieurs comptes dans les, banques étrangères, selon du moins le rapport que Me Vergès aurait récemment présenté au chef de l'Etat. Ce dernier serait rentré selon nos mêmes sources dans une grande colère en voyant les noms de ces personnalités. Non seulement il se rendrait enfin compte que beaucoup d'argent aurait déjà été dépensé pour tenter de faire rentrer les fonds prétendument déposés dans ces banques étrangères, mais il comprend qu’on lui aurait menti au sujet de certaines personnalités, naguère grands soutiens pour son régime, actuellement incarcérées, ou étant dans le collimateur de l'opération Epervier. Alors question : aurait-on voulu divertir le chef de l'Etat en le poussant malicieusement à couper la branche d'arbre sur laquelle est assis son régime ? N'aurait-on pas choisi cette option malsaine pour saper tous les appuis du chef de d'Etat, afin de le fragiliser lui-même ? Dans nos différentes éditions, nous avons déjà montré comment certains observateurs pensaient que Amadou Ali par exemple utiliserait, l'opération Epervier pour organiser ses règlements de compte et démontrer enfin à l'opinion internationale qu'il est le seul messie du régime Biya. La traque des prétendus milliardaires va-t-elle poursuivre avec des bilans aussi mitigés ? Là est toute la question.
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