Communication gouvernementale – Affaire Marafa: Joseph Anderson Le, le communicateur de l'enfer
Douala, 09 mai 2012
© François Lasier | Aurore Plus
Le directeur du Cabinet civil de la Présidence de la République et non moins chef de la Cellule de communication du Président n'a pas manqué l'occasion d'une sortie. Depuis l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya, ex-secrétaire général de la Présidence, et d'Inoni Ephraïm, ex-Premier ministre. Et surtout à l'occasion de la journée de la liberté de la presse.
© François Lasier | Aurore Plus
Le directeur du Cabinet civil de la Présidence de la République et non moins chef de la Cellule de communication du Président n'a pas manqué l'occasion d'une sortie. Depuis l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya, ex-secrétaire général de la Présidence, et d'Inoni Ephraïm, ex-Premier ministre. Et surtout à l'occasion de la journée de la liberté de la presse.
Si on voulait d’un magicien de
l'enfer, on irait certainement le chercher dans un film indien dans le
registre du «Voleur de Bagdad». Mais pour un communicateur de l'enfer,
on n'en trouvera pas cent comme Joseph Le qui, tout en prêchant pour sa
chapelle, a le bon diagnostic d'une presse à la dérive, presse poubelle,
latrines ou égouts, mais qui se contente paradoxalement de beaux
discours au lieu de prescrire la thérapie de choc. Lorsqu'une jambe est
gangrenée, il n'y a pas mille solutions, il faut le couper. Si on hésite
longtemps, la gangrène envahit tout le corps et on connaît l'issue
fatale : deux mètres sous terre.
Nous userons volontiers de l'isomorphisme d'une tirade surprenante et inattendue d'Alain Touraine, un éminent sociologue français qui, au tournant des années 90, alors que les ventes d'Est balayaient le monde entier avait eu cette trouvaille « Démocratie et développement sont incompatibles». Une presse responsable ne sera jamais la fille du désordre, de l'anarchie ou du libéralisme qui nous tiennent lieu de démocratie, sans un contrôle minimum de l'Etat.
Des origines de la dérive
Nous voulions de la démocratie dans les pays africains, avec l'illusion portée que nous en gagnerions le développement, Alain Touraine nous enseignait brutalement que tous les bébés dragons de l'Asie du Sud-Est, Corée du Sud, Singapour ou Taiwan, et tous les autres aussi en Amérique latine étaient des régimes dictatoriaux. Et il a eu raison vingt ans après. La Chine, deuxième puissance économique de la planète, le meilleur bailleur de fonds de la grande Amérique, reste aujourd'hui encore l'empire de la démocratie interdite. Dans vingt ou trente ans, elle aura surclassé les Etats-Unis.
Si le Cameroun veut avoir une presse libre, indépendante et responsable, c'est d'abord la responsabilité de l'Etat de créer les conditions. Il faut constater que l'Etat a passé, depuis 1990, des lois applaudies par tout le monde, mais vicieuses au fond. Avec le régime de la déclaration, n'importe quel quidam pouvait créer un titre de presse. Si la définition du journaliste peut prêter à équivoque, celle de capitaine d'industrie repose sur des critères objectifs. Ceux qui applaudissaient plus fort se recrutaient dans les rangs des militants de l'UPC qui avaient plus de quarante ans durant fait circuler sous le boisseau des bulletins comme «La Voix du Kamerun», saisis à chaque fois, interdits et bannis. Malheur au citoyen qu'on trouvait en possession d'un seul exemplaire. La loi de 90 est venue tout libéraliser, on ne se cachait plus, on n'avait plus besoin de recruter des "passeurs" dans le maquis.
Qui est propriétaire des grands titres de la presse internationale? Joseph Le sait, il ne le dit pas : aux Etats-Unis ou en Europe les grands titres sont la propriété, de gros milliardaires. Ils ne sont jamais directeurs de publication, DP comme on aime à dire chez nous, mais ce sont les capitaines d'industrie qui financent. La chaîne de télé «Direct 8», ou les journaux gratuits distribués dans le métro parisien come «Direct matin», sont bien la propriété d'un certain Vincent Bolloré qui n'hésite pas à se prendre des milliards à l'avenant dans les pays africains.
Quel capitaine d'industrie au Cameroun a jamais pris sur lui de financer un titre de presse? Il y a peut-être Protais Ayangma avec le groupe «Mutations» et, un peu avant lui, Bayero Fadil avec «Dikalo» et «Challenge Hebdo». On connaît les raisons qui ont poussé un fabricant de savons à s'investir dans la communication. Mais comme il n'y avait pas mûrement réfléchi, l'aventure s'est avérée foireuse. «Dikalo» a le souffle court et ne défraie pas la chronique, «Challenge Hebdo» n'a paru qu'une seule fois. La prolifération des titres de presse ou de médias audiovisuels au Cameroun, sous couvert de libéralisation a été une volonté délibérée de l'Etat.
Sur les 300 organes de presse recensés au Cameroun aujourd'hui, l'Etat lui-même en a suscité près de la moitié. On dénombre près de trente chaînes de télévision et une centaine de chaînes FM, on n'en compte pas dix qui aient normalement acquitté les droits de licence à 50 ou à 100 millions. C'était fait exprès, pour créer le cafouillage. Exactement comme on a fait avec les partis politiques? Il en existe 200 ou 300 cents, c'est la mesure de la vitalité de la démocratie pour le régime, l'image servie à l'étranger. Mais le contexte reste nauséabond. Le régime n'aura qu'à s'en prendre à lui-même. En multipliant les partis politiques et en autorisant des candidatures les candidatures les plus farfelues à la présidentielle, en multipliant des candidats comme Gustave Essaka ou Jean Njeunga, Paul Biya gagne à coup sûr. C'est bien. C'est aussi bien que le même régime essuient des morsures venimeuses des cuistres qu'il a permis d'être journalistes ou patrons de presse au Cameroun.
L'avocat d'un enfer
Joseph Le est surprenant et admirable jus¬qu'au bout. Son papier à «Cameroon. Tribune» mérite d'être pris en compte dans une sélection de contributions commandées par l'Unesco. Mais il est aujourd'hui directeur adjoint du Cabinet Civil de la Présidence de la République, il n'en a heureusement pas oublié d'où il est parti. Le journalisme mène à tout, dit le dicton, mais on tient aussi de tout pour en être. C'est peut-être la leçon du vivant qu'il s'interdit d'apprendre maintenant qu'il doit défendre la cause d'un régime en péril de lui-même. L'unanimisme est une mauvaise tante en démocratie, l'objectivité et l'honnêteté sont de vilaines cousines.
A propos d'honnêteté, justement, Joseph Le s'est ramolli depuis qu'il est directeur adjoint du Cabinet Civil et PCA de Sopecam (Cameroon Tribune). Quand on est dans ces situations, on ne supporte pas qu'il y ait des bruits de micros ou des crépitements de plumes qui risquent de mettre à mal sa quiétude de haut fonctionnaire. La communication devient alors proactive, il se l'impose comme le devoir à domicile d'un potache du cours élémentaire pour faire plaisir à son maître.
Nous userons volontiers de l'isomorphisme d'une tirade surprenante et inattendue d'Alain Touraine, un éminent sociologue français qui, au tournant des années 90, alors que les ventes d'Est balayaient le monde entier avait eu cette trouvaille « Démocratie et développement sont incompatibles». Une presse responsable ne sera jamais la fille du désordre, de l'anarchie ou du libéralisme qui nous tiennent lieu de démocratie, sans un contrôle minimum de l'Etat.
Des origines de la dérive
Nous voulions de la démocratie dans les pays africains, avec l'illusion portée que nous en gagnerions le développement, Alain Touraine nous enseignait brutalement que tous les bébés dragons de l'Asie du Sud-Est, Corée du Sud, Singapour ou Taiwan, et tous les autres aussi en Amérique latine étaient des régimes dictatoriaux. Et il a eu raison vingt ans après. La Chine, deuxième puissance économique de la planète, le meilleur bailleur de fonds de la grande Amérique, reste aujourd'hui encore l'empire de la démocratie interdite. Dans vingt ou trente ans, elle aura surclassé les Etats-Unis.
Si le Cameroun veut avoir une presse libre, indépendante et responsable, c'est d'abord la responsabilité de l'Etat de créer les conditions. Il faut constater que l'Etat a passé, depuis 1990, des lois applaudies par tout le monde, mais vicieuses au fond. Avec le régime de la déclaration, n'importe quel quidam pouvait créer un titre de presse. Si la définition du journaliste peut prêter à équivoque, celle de capitaine d'industrie repose sur des critères objectifs. Ceux qui applaudissaient plus fort se recrutaient dans les rangs des militants de l'UPC qui avaient plus de quarante ans durant fait circuler sous le boisseau des bulletins comme «La Voix du Kamerun», saisis à chaque fois, interdits et bannis. Malheur au citoyen qu'on trouvait en possession d'un seul exemplaire. La loi de 90 est venue tout libéraliser, on ne se cachait plus, on n'avait plus besoin de recruter des "passeurs" dans le maquis.
Qui est propriétaire des grands titres de la presse internationale? Joseph Le sait, il ne le dit pas : aux Etats-Unis ou en Europe les grands titres sont la propriété, de gros milliardaires. Ils ne sont jamais directeurs de publication, DP comme on aime à dire chez nous, mais ce sont les capitaines d'industrie qui financent. La chaîne de télé «Direct 8», ou les journaux gratuits distribués dans le métro parisien come «Direct matin», sont bien la propriété d'un certain Vincent Bolloré qui n'hésite pas à se prendre des milliards à l'avenant dans les pays africains.
Quel capitaine d'industrie au Cameroun a jamais pris sur lui de financer un titre de presse? Il y a peut-être Protais Ayangma avec le groupe «Mutations» et, un peu avant lui, Bayero Fadil avec «Dikalo» et «Challenge Hebdo». On connaît les raisons qui ont poussé un fabricant de savons à s'investir dans la communication. Mais comme il n'y avait pas mûrement réfléchi, l'aventure s'est avérée foireuse. «Dikalo» a le souffle court et ne défraie pas la chronique, «Challenge Hebdo» n'a paru qu'une seule fois. La prolifération des titres de presse ou de médias audiovisuels au Cameroun, sous couvert de libéralisation a été une volonté délibérée de l'Etat.
Sur les 300 organes de presse recensés au Cameroun aujourd'hui, l'Etat lui-même en a suscité près de la moitié. On dénombre près de trente chaînes de télévision et une centaine de chaînes FM, on n'en compte pas dix qui aient normalement acquitté les droits de licence à 50 ou à 100 millions. C'était fait exprès, pour créer le cafouillage. Exactement comme on a fait avec les partis politiques? Il en existe 200 ou 300 cents, c'est la mesure de la vitalité de la démocratie pour le régime, l'image servie à l'étranger. Mais le contexte reste nauséabond. Le régime n'aura qu'à s'en prendre à lui-même. En multipliant les partis politiques et en autorisant des candidatures les candidatures les plus farfelues à la présidentielle, en multipliant des candidats comme Gustave Essaka ou Jean Njeunga, Paul Biya gagne à coup sûr. C'est bien. C'est aussi bien que le même régime essuient des morsures venimeuses des cuistres qu'il a permis d'être journalistes ou patrons de presse au Cameroun.
L'avocat d'un enfer
Joseph Le est surprenant et admirable jus¬qu'au bout. Son papier à «Cameroon. Tribune» mérite d'être pris en compte dans une sélection de contributions commandées par l'Unesco. Mais il est aujourd'hui directeur adjoint du Cabinet Civil de la Présidence de la République, il n'en a heureusement pas oublié d'où il est parti. Le journalisme mène à tout, dit le dicton, mais on tient aussi de tout pour en être. C'est peut-être la leçon du vivant qu'il s'interdit d'apprendre maintenant qu'il doit défendre la cause d'un régime en péril de lui-même. L'unanimisme est une mauvaise tante en démocratie, l'objectivité et l'honnêteté sont de vilaines cousines.
A propos d'honnêteté, justement, Joseph Le s'est ramolli depuis qu'il est directeur adjoint du Cabinet Civil et PCA de Sopecam (Cameroon Tribune). Quand on est dans ces situations, on ne supporte pas qu'il y ait des bruits de micros ou des crépitements de plumes qui risquent de mettre à mal sa quiétude de haut fonctionnaire. La communication devient alors proactive, il se l'impose comme le devoir à domicile d'un potache du cours élémentaire pour faire plaisir à son maître.