Communauté urbaine de Yaoundé: Quand les agents de régulation des parkings deviennent cupides

DOUALA - 04 DEC. 2012
© Alain NOAH AWANA | Le Messager

Chargés d’assurer le respect des espaces aménagés pour que les automobilistes garent leurs véhicules, ils profitent de ce « pouvoir » pour les arnaquer.

1. Au départ, un automobiliste qui refuse la résignation

Jeudi 22 novembre 2012, au lieu dit « Montée Ane rouge » à Yaoundé. Automobilistes, piétons et autres usagers assistent, en plein soleil, à une scène entre un propriétaire de véhicule et un policier. Joseph Ateba, propriétaire d’un véhicule rouge de marque Toyota Rav 4, tente vainement d’empêcher un agent de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy) et le policier de mettre les sabots sur la roue de sa voiture. S’ensuit un long échange de mots des plus violents. « Vous vous comportez comme des bandits, des arnaqueurs… », lance de temps en temps l’infortuné, très courroucé. Et l’agent de la Communauté urbaine, qui se présente sous le nom de Ntsama Noah ne s’en laisse pas compter, loin s’en faut : « Et vous, vous vous comportez comme un enfant incivile… ».

Entre temps, l’inspecteur de police a lancé un Sos à l’endroit de ses collègues. Joseph Ateba, lui, demande à un certain Alain d’appeler ses amis huissiers de justice qui sont logés dans un immeuble situé juste à côté du lieu de la malencontreuse scène.

Les voitures s’arrêtent pour regarder brièvement la scène, les gens affluent et la plupart secouent négativement la tête en signe de protestation. Tous ne comprennent pas pourquoi la voiture est « sabotée ». Pour comprendre leur incompréhension, il faut savoir que le président de la sous-section Rdpc de Bikok 3 a garé son bolide en bordure de route, à un endroit aménagé par la Communauté urbaine. A cet endroit, il existait un immeuble qui a été détruit, dans l’optique d’agrandir le parking interne du futur complexe de l’artisanat, encore en construction. La confusion des spectateurs à la scène est d’autant plus grande que le préposé à ce parking n’a pas bronché, il a même servi son ticket de parking à sieur Ateba.

Mais, les choses se calmant, l’on apprendra un peu plus tard qu’en réalité, il s’agit ce jour de la suite d’une « rencontre » qui avait eu lieu un mois plus tôt, au même endroit, entre les protagonistes de la rixe. Dans une plainte adressée par Joseph Ateba à Gilbert Tsimi Evouna pour « dénonciations des pratiques mafieuses de certains agents de la communauté urbaine chargés de la régulation des parkings », il est expliqué qu’un mois plus tôt le même véhicule avait été scellé, en même temps que celui d’une autre dame, épouse d’un capitaine de l’armée camerounaise. Celle-ci s’en était sortie, après avoir appelé son époux et déboursé un bakchich de 2 000 Fcfa. M. Ateba, lui, avait refusé de payer les 12 500 Fcfa exigés et avait lui-même libéré son véhicule.


2. Un réseau d’arnaque des usagers

A vrai dire, les scènes de sabotage des voitures dans la capitale camerounaise émeuvent encore très peu les populations, qui semblent s’être résignées. Mais, la scène de la « Montée Ane rouge » n’est qu’une manifestation des frustrations de nombreux véhiculés de la ville. Nous avons retrouvé, au cours de cette enquête, plusieurs propriétaires de voitures qui disent avoir été victimes d’une mise sous scellé « injuste ». Dominique Evina, cadre dans une entreprise privée de la place, avait dû payer 10 000 Fcfa en août 2012 pour ne pas voir son véhicule en fourrière. « J’étais effectivement garée dans un parking bien précis. Et ils ont mis les sabots parce que le châssis débordait sur le trottoir », raconte-t-elle. De son côté, David Tene, gérant d’une librairie, raconte comment il avait dû négocier avec des agents de la Cuy pour qu’ils enlèvent les sabots sur ses roues. « Le parc-maître m’avait même dirigé pour que je me gare. Je suis entré dans une boutique au marché Central. Près de 15 minutes après, on vient me signaler que ma voiture est en train d’être sabotée. En sortant, je trouve effectivement un jeune monsieur à l’œuvre. J’ai dû négocier pour qu’ils n’emportent pas ma voiture. Mais, vraiment, je n’étais pas en faute. On préfère parfois payer 5 000 Fcfa que d’aller dépenser 20 ou 25 000 Fcfa à la fourrière municipale pour retrouver son véhicule », soutient ce gaillard de 42 ans.

Les Yaoundéens semblent donc résignés face à ces pratiques peu orthodoxes des agents chargés de la régulation de parkings dans leur ville. S’il faut reconnaître que l’initiative de Tsimi Evouna d’aménager des parkings dans tous les quartiers de la capitale, il est important de noter que la cupidité grandissante de ses agents est une menace sérieuse pour ce projet tendant à assainir une ville qui, jadis, fonctionnait dans le désordre absolu en ce qui concerne le stationnement. S’il faut encourager les automobilistes qui savent respecter cette nouvelle donne, tout en invitant les autres à suivre leur exemple, des témoins des scènes comme celle décrite plus haut estiment que le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé doit se pencher de manière sérieuse sur un réseau savamment mis en place pour arnaquer les propriétaires des véhicules. « C’est généralement vers la fin du mois, ou alors quand ils ont besoin d’un peu de sous, que des équipes s’organisent pour mettre des sabots, surtout dans le souci exprès de pouvoir tirer quelques sous aux usagers », indique un travailleur au niveau de l’Avenue Kennedy.


3. Réaction vive de «Jack Bauer»

Le principe est simple : on trouve un usager, on le sabote et il tente les négociations. S’il ne rentre pas dans le jeu, on conduit sa voiture à la fourrière municipale, où il viendra payer 25 000 Fcfa pour la récupérer. Et plus le temps passe, plus cela devient difficile pour lui, car c’est taxé 25 000 Fcfa par jour. Et même lorsque vous venez vous acquitter de l’amende, des agents vous proposent de la sortir sans payer tous les frais. Bien entendu, vous ne recevez pas de reçu, et l’argent se dirige droit dans leurs poches et non dans les caisses de la Communauté urbaine. Ce type de procédé n’est pas nouveau, et il n’est pas l’apanage des seuls agents chargés de la régulation des parkings. On l’avait déjà vu avec les sbires de Tsimi Evouna qui pourchassent à longueur de semaines les débrouillards et autre marchands ambulants à travers la ville : ils arrachaient les marchandises, les conduisaient dans leurs locaux, et quand vous arriviez, ils vous disaient ne pas les retrouver. Evidemment, ils se partageaient le butin. Les plaintes ont été telles que le délégué a frappé du poing sur la table et ses agents sont devenus moins obscurs : les marchandises, une fois saisies, sont détruites sur place, sous les yeux éplorés des commerçants et le regard ahuri des passants.

Cette fois encore, avec la plainte déposée par Joseph Ateba, Gilbert Tsimi Evouna a réagi avec célérité, un peu à la « Jack Bauer » dans la série 24 heures Chrono, surnom qu’il porte d’ailleurs. Il a aussitôt ordonné une enquête qui est en cours. A ce jour, la police de la Cuy a déjà entendu plusieurs personnes. Joseph Ateba a été entendu mercredi dernier par l’inspecteur Eva Eva. La voiture elle-même n’a pas encore été libérée. Mais, déjà, les services de la Cuy reconnaissent qu’aucun avis de recherche n’avait été signalé vis-à-vis de la Toyota Rav 4. Ce qui fait conclure à un huissier de justice de la Montée Ane Rouge qu’il « s’agissait donc d’une action personnelle ». Quoi qu’il en soit, cette affaire pourrait déclencher enfin un processus de la part de Tsimi Evouna pour que la cupidité de ses agents ne continue pas de croître.


04/12/2012
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