Nous faisons au quotidien le départ entre les actes volontaires et les actes involontaires. Toutefois, les actes volontaires peuvent nous dépouiller de notre fierté d’agir librement et lucidement, lorsque les conséquences de ceux-ci nous abandonnent là où nous n’aurions pas souhaité ; ainsi, l’acte au départ volontaire est détrôné parce que devenu désastreux. Ceci s’applique au cas du Cameroun.
Les Camerounais n’ont jamais cessé de ressasser que Paul Biya a choisi de s’éterniser au pouvoir avec le soutien et la bénédiction de certains milieux étrangers, et ce contre la volonté du peuple. Sans nier complètement ce fait, nous choisissons aujourd’hui de regarder le maintien de celui-ci au pouvoir autrement.
Nous soutenons ici l’inverse. Nous montrons comment les Camerounais eux-mêmes ont maintenu Biya ou créé les conditions de son maintien au pouvoir, ce qui porte des étrangers à considérer les Camerounais à tort ou à raison comme des couards, des gens perfides, ou à les voir comme des aiguilles sans trous.
Huit ans après la prise du pouvoir par Paul Biya, l’immense majorité des Camerounais a compris qu’ils n’avaient pas à la tête de leur pays le chef d’Etat qu’il fallait. Les Camerounais ont compris quelles étaient les préoccupations de cet homme. Mais qu’ont-ils fait pendant vingt-deux ans ?
Les Camerounais ont catégoriquement refusé de fouiller, de trouver en eux et de les casser tous les obstacles qu’ils ont eux-mêmes érigé et qui les empêchaient de s’affranchir du premier ennemi du Cameroun qu’est Paul Biya.
Les motivations de ce refus de nettoyer le pays du premier bandit et traître sont nombreuses. Elles vont du désir d’assouvissement d’ambitions personnelles ou collectives à la culture et la fertilisation des divisions tribalo-ethniques.
C’est à ces jeux égoïstes et discriminatoires que les Camerounais se sont livrés sans imaginer les conséquences sur le pays perçu comme un tout.
Le Cameroun est un pays où la chasse aux intérêts personnels est très poussée au détriment de ce qui peut faire avancer le peuple comme groupe uni et solidaire.
La corruption et les détournements de fonds tels qu’ils habillent l’ensemble du territoire national montrent bien combien les Camerounais sont moins patriotes.
Cette course aux intérêts personnels au détriment de ceux du pays s’est à maintes reprises dessinée au sein des structures politiques où, le peuple se trouvant à quelques centimètres pour secouer et faire tomber le régime de Paul Biya, s’est trouvé repoussé à des milliers de kilomètres par des leaders politiques d’une opposition sans discipline, sans patriotisme et sans âme.
Parmi ces opposants sans amour de la patrie, les Camerounais n’oublieront jamais les gens comme : Bello Bouba, Issa Tchiroma, Célestin Bedzigui, Antar Gassagay, Louis-Tobie Mbida, Augustin Kodok, John Fru Ndi, etc. qui ont de façon éhontée nagé dans les flots de la trahison chacun à sa façon à un moment donné, pour faire perdurer le règne de Biya et rendre l’impossible possible et le possible impossible.
Qui ne se souvient pas de l’appel au calme de Fru Ndi lancé au peuple après les élections présidentielle volées de 1992, alors que le peuple était déterminé d’aller jusqu’au bout ?
Qui oublie que Fru Ndi dit au peuple en même temps d’attendre un miracle à la fin de cette année-là, et rien ne vint enfin ? C’est là où tout commença. Manière d’un acheté, d’un traître pour endormir le peuple.
Qui peut oublier les purges ou les expulsions et sanctions aveugles au sein du SDF menées par le même Fru Ndi contre les radicaux qui voulaient donner une force avant-gardiste au parti, tandis que ce dernier avait plus le souci de s’engraisser et de capituler devant son frère Paul Biya au pouvoir ?
D’aucuns diraient que la trahison au niveau du Cameroun si souvent trouve ses racines dans les conditions de vie rudes. Non, cette justification me semble tout simplement branlante.
Nous avons été les témoins d’actes louches et traîtres de beaucoup de Camerounais de la diaspora vivant en occident dans de bonnes conditions, et même certains anciens activistes et Etudiants Parlementaires.
Qu’est-ce qui justifie le soutien ouvert ou dissimulé de certains Camerounais de l’occident à un régime qui a faillit sur tous les plans ? Pourtant ces gens voient l’honnêteté dans la gestion qui guide les leaders de leurs pays de résidence.
Aucune justification sur la trahison ne peut nous convaincre. Le traître reste traître en toute circonstance tout comme l’est le grand bandit à tout moment, quelle que soit sa fortune.
En ethnicisant et en tribalisant l’autorité au Cameroun, les Camerounais ont involontairement mais volontairement maintenu Biya au pouvoir. L’on entend : « Tel qui est directeur de telle compagnie est l’un des nôtres, il doit être là pour nous. Tel est commandant ou commissaire, ou gouverneur, ou préfet, maire, proviseur, chancelier; donc, à ce niveau nous avons une partie du pouvoir ! »
C’est le même peuple qui soutient et maintient le mauvais dirigeant au pouvoir qui crie et se plaint de l’arbitraire, des injustices, de la dictature, du refus de céder le pouvoir. Il faut le voir ce peuple sauter occasionnellement sur des boîtes de sardines, des kilos de riz, de sel et du savon pour resserrer les chaînes qui lui serrent les pieds et la conscience et l’empêchent de se libérer et s’épanouir !
Que peut-on attendre de grand et de logique d’un pays où presque tout le monde veut se tenir dans la boue pour s’élever et toucher le ciel ? Que peut-on, que peut-on vraiment entreprendre de grand avec les autres lorsque l’on sent que les chances de ne pas aller loin sont toujours très grandes ? Nous n’avons que ce que nous méritons.
Les Camerounais savent parler et bavarder et leurs paroles et leurs bavardages occupent la place de l’action, se soulèvent et aveuglent tel le sable poussiéreux du lit sec d’un cours d’eau que soulève le vent. Or, il n’y a pas d’actions fructueuses sous les bruits. Le silence, le travail et l’opportunisme sont les grandes courroies des actions qui triomphent en politique.
Lorsque nous regardons même la thèse des soutiens étrangers comme force du maintien de Paul Biya au pouvoir pendant plus de trente ans, cela ne tient pas. Lorsqu’un leader est mauvais, le peuple uni a toutes les armes nécessaires pour le
faire partir. Lorsqu’un leader est vraiment bon, le peuple uni ne peut le laisser tomber. Le coup d’Etat fait à Chavez avait prouvé ceci.
Continuons avec la thèse des soutiens extérieurs à Biya. Nous savons que ce monsieur défend ses propres intérêts, les intérêts de ses proches et ceux néocoloniaux.
Dans l’impossibilité de ruiner les intérêts de Biya et de ses proches pour le faire partir, les forces patriotes avertis et responsables savent bien que ceux de ceux qui le soutiendraient sont assez sensibles.
Pourquoi des patriotes progressistes ne se sont pas organisés de façon souterraine depuis plus de 20 ans pour paralyser sur le territoire national les intérêts de ceux des étrangers qui soutiendraient cet argas national, et leur faire comprendre qu’il n’était plus garant de la stabilité et la sécurité de leurs intérêts, ce qui aurait précipité sa chute ?
Le Cameroun sous le régime de Biya a eu des occasions en or et des raisons suffisantes pour le balayer et faire avancer le pays. Mais rien n’est arrivé.
Ailleurs dans le monde, les malheurs et les douleurs comme ceux du Cameroun sont de précieux grains porteurs de bonheur et des jours nouveaux. Ailleurs dans le monde, les humiliations comme celles du Cameroun sont de solides cordes pour sortir du trou abyssal. Mais regardez ! Rien n’est venu de tout cela. Rien.
Au bout de trente ans de pouvoir, Paul Biya se croit tout puissant et tout permis. Pourtant il n’en est rien. Il se regarde et se juge inconsidérément.
Paul Biya n’est qu’une guêpe qui vole dans l’air et défèque et urine dans le feu qui le réchauffe. A tout moment ce feu peu intensément brûler et avaler cette guêpe à la vitesse de la langue du caméléon qui happe sa proie.
Ce n’est donc pas Paul Biya qui est fort et s’impose et s’oppose à son peuple. Les Camerounais ont choisi de tremper leurs âmes dans les eaux de l’indifférence, de la trahison, de l’égoïsme, de la division, de la peur et de l’espoir. Ce faisant, ils ont vendu leurs vies à leur dictateur qui s’est hâté de les apprivoiser et de les gérer.
Ce qu’il faut faire. Il n’y a de solution miracle à la résolution de cette question de confiscation du pouvoir politique au Cameroun que par le peuple camerounais lui-même. Un peuple qui doit se montrer dorénavant averti, assagi, patriote et uni. Et de ce pas nous allons lui dire :
Peuple camerounais, grand prisonnier ! Ne t’assoie pas pour attendre le bruit d’une clé libératrice dans la serrure. Cela ne viendra pas. Peuple, cette clef-là est en toi.
Débarrasse-toi de tes pensées fiévreuses, de ton égoïsme enfantin. Abandonne l’habitude attentiste. La clef est en toi ; tu la possèdes. Secoue-toi et fais-la tomber.
Peuple camerounais, comment peux-tu rester enfermé avec la clé de la prison dans ta poche ? Peuple, comment peux-tu rester dans le trou avec une corde suspendue à ta portée ?
Ensemble nous avons le devoir de continuer l’œuvre libératrice de notre général Um Nyobé et ses lieutenants. Peuple, inspirons-nous de nos héros et marquons des pas audacieux et impavides. Il ne peut avoir des Camerounais forts, respectés et pleins de dignité que dans un Cameroun discipliné, bien édifié et fort.
En réalité, Paul Biya a profité des jeux auxquels les camerounais s’abandonnent pour conserver le pouvoir au Cameroun pendant longtemps. Ce sont les Camerounais qui ont volontairement laissé Paul Biya au pouvoir pendant plus de trente ans. Il est encore temps de se rattraper.