Comment le RDPCSDF s’organise pour contrôler le pays en semant la haine de l’autre?

28 MARS 2013
© Vicent-Sosthene FOUDA | Correspondance
 
Crimes dits rituels de Mimboman, trafic des nourrissons, médias accusés de trahison, arrestation et condamnation des hauts-commis de l’Etat, lutte contre l’homosexualité, prise d’otage par Boko Al Haram, menace sur l’équipe nationale de football du Cameroun, le RDPCSDF fait de la controverse son arme de prédilection.

 

 

Crimes dits rituels de Mimboman, trafic des nourrissons, médias accusés de trahison, arrestation et condamnation des hauts-commis de l’Etat, lutte contre l’homosexualité, prise d’otage par Boko Al Haram, menace sur l’équipe nationale de football du Cameroun, le RDPCSDF fait de la controverse son arme de prédilection. Il manie l’art de la division avec la précision d’un chirurgien. Une stratégie cependant dont il n’est pas maître puisqu’importée des Etats-Unis et de l’Australie. Cette stratégie contrairement à ce que nous pensons et voyons, procure de nouveaux appuis au RDPCSDF.

En février 2008, le peuple camerounais est embarqué peut-être de façon assez naïve dans ce que le monde entier appelle les émeutes de la faim. C'est vrai le panier de la ménagère est vide dans les villes comme dans les campagnes camerounaises. Mais pour le pouvoir central, il s’agit plutôt de faire passer en force la modification de la Constitution afin de permettre au Président Paul Biya en place depuis 1982 de briguer un autre mandat. Le Président Biya attendra dans son palais le bon moment pour qualifier les manifestants « d’apprentis-sorciers». Le bilan de ces manifestations annoncé par le Chef de l’Etat n’a jamais été fait. La Nation et les peuples quant à eux ont été terrorisé, berné et enfermé dans leurs souffrances d’hier et qui aujourd’hui ont pris un autre volume.

La présidentielle d’octobre 2011 s’inscrit dans la même logique, notamment le 6 février 2011 il est annoncé une prise d’otage et leur libération par la suite se passe de tout commentaire. Les élections présidentielles se préparent sous fond d’arrestations. Le 31 mars 2008 c’est Urbain Olanguéna Awono qui est arrêté avec à la clef une retransmission en mondovision. Ses cousins du village en service à la CRTV seront d’ailleurs tenus d’aller filmer sa couchette à la Police Judiciaire, encore sous la responsabilité d’un frère du village le divisionnaire Atéba Onguéné! Olanguéna est accusé avec 14 de ses collaborateurs d’avoir distrait 14 milliards de nos francs!

J’ai pris le temps d’analyser dans les moindres détails 4 campagnes électorales: Celle de Richard Nixon en 1968 (je n’étais pas né), celle de Margaret Tchatcher en 1979 (Grande Bretagne), celle du républicain Newt Howard en 1996 (Australie) pour reprendre le contrôle du Congrès américain en 1994 et celle de John Howard en 1996 (Australie). Le dénominateur commun de ces campagnes? Elles ont misé sur la polarisation de l’électorat, la controverse et la division. Elles ont mis en avant des sujets potentiellement explosifs qui ont remué les gens jusque dans leurs valeurs et leurs convictions profondes. En 2011 c’est vrai Paul Biya et le RDPCSDF n’ont pas fait de campagne au sens moderne du terme c’est-à-dire soumettre au peuple un programme de société, un projet politique. Mais le peuple a été baladé dans toutes les directions, homosexualité en tête, déstructuration de la société et de la cellule familiale. On n’a pendant un mois diffusé des films de violence concernant la Côte d’Ivoire, le Congo démocratique. On nous a servi la haine de l’autre et tout particulièrement de la France, celle qui a fait tomber Laurent Gbagbo et Mouammar Kadhafi. Le mot diaspora pas pourtant nouveau dans le dictionnaire, est devenu une vitrine de lecture et de compréhension de la haine que le pouvoir distillait dans un pays où le taux d’alphabétisation ne dépasse pas les 37%.

Les peuples Américains et Australiens qui sont confrontés au phénomène depuis des années, le baptisent «wedge politics» c’est-à-dire la politique de la division. Il n’y a pas vraiment de militant politique au Cameroun. Tout le monde croit pouvoir se jouer de tout le monde et on se donne en grandeur nature au plus offrant comme dans une partouse géante. Là-bas, on galvanise la base militante du parti, on cherche à rallier certains électeurs indécis et, surtout, on ébranle l’adversaire. Chez nous, on terrorise, on distille, on installe la haine de l’autre. Pendant la pré-campagne à chacun de mes déplacements on me servait le plat de la diaspora. Malheur aux candidats ayant une épouse qui ne fait pas couleur locale, les blanches? On n’en veut plus. Lors d’un déplacement à Bankomo, c’est l’élite locale qui explique «Fouda veut la guerre au Cameroun». Sur les réseaux on peut lire toutes sortes de déclaration qui ne sont pas fortuites. Bien au contraire, l’Etat camerounais recrute à coup de millions des tribalistes, des xénophobes des idéologues sans idéologie qui opposent les ethnies, qui érigent en véritable religion la magie noire. Dans toutes les bouches et sur toutes on ne parle que des parents incestueux, des serpents trouvés dans le vagin des femmes, des pères de familles qui se payent mère, sœur, belle-maman et pourquoi pas beau-père! Non, ce sont les couilles et les clitoris qui sont des amuses gueules dans les salons des hommes politiques et autres hommes d’affaires.

Quelle équation pour la jeunesse?

Comment nous, jeunes arrivés en politique avec l’envie de servir à la fois le peuple et la Nation devons-nous réagir face à cette culture de guerre? Comment prouver qu’on n’a pas déjà hypothéqué l’avenir de ses enfants dans une secte alors que Tsala Essomba le nouveau prophète de la ville de Yaoundé qui a reçu pour mission de prier pour le Chef de l’Etat dit le contraire? Comment prouver que vous n’êtes pas dans le magico-anal alors que l’Archevêque de Yaoundé ayant en main le livre culte de Charles Atéba Eyene vous convoque au Tribunal ecclésiastique même sans en avoir le droit ? Que dire à un contradicteur, devant des milliers de téléspectateurs, qui vous accuse alors que vous soutenez une jeune fille à qui on a enlevé un enfant, d’encourager la fornication et surtout de faire de la récupération politique? «Les hommes tapis dans l’ombre qui manipulent» est une phrase culte dans la vulgate politique du RDPCSDF. Un jeune engagé en politique doit-il être polyglotte pour pouvoir communiquer avec toute la masse déscolarisée et famélique?

Le RDPCSDF est fort et serein dans la controverse, il ne vise pas à rassembler. Il en a les moyens financiers, matériels et humains. Le RDPCSDF se préoccupe seulement du chaos dans la tête des populations. En effet, plus les gens sont déboussolés, mieux le régime se porte. Voilà pourquoi les religions prolifèrent; les catholiques sont à l’aise puisque conservateurs dans le sens de la peur du changement. Les protestants rament et depuis le décès du Pasteur Akoa, ils ne parlent plus vraiment d’une seule voix. Arrive donc le règne des nouveaux gourous de Dieu. Saint Paul dans son épître aux Romains n’a-t-il pas dit: «Mais là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé»?

Le chaos est donc volontairement créé, les vols et viols organisés, Boko al Haram et les otages programmés, la déstructuration de la cellule familiale construite afin que les solutions se multiplient mais qu’il ne reste qu’un seul prophète, un seul sauveur: le RDPCSDF. Ce parti unique en son genre ne fédère point, il ne rassemble point comme nous pouvons le voir avec les sénatoriales qui nous présentent un seul électeur: le Président de la République. Hier encore j’ai eu la possibilité d’échanger avec Sushine Hillygus, Professeure de sciences politiques à l’Université de Harvard et coauteure de l’essai sur la politique de la division The Persuadable Voter, et elle me disait: «l’important, c’est l’étendue du désaccord dans le camp opposé». «Il faut profiter à plein de la controverse pour aller chercher des voix chez l’adversaire. Il faut semer la zizanie». Le mot «zizanie» n’est pas fort ici, dans un pays où tout le monde est exégète et théologien, tout le monde est entraîneur de football, tout le monde est constitutionnaliste, tout le monde sait tout sur tout le monde mais personne ne comprend un texte électoral de 3 pages avec une vingtaine d’articles pour organiser les régionales et les sénatoriales!

Le danger

La wedge politics version RDPCSDF n’est pas sans connaissance pour un pays, une nation et un Etat aussi décousu, aux populations qui s’ignorent tant et aux institutions si fragile. Le pays semble s’être arrêté dans sa croissance comme pris dans une crise du nanisme. Pays Pauvre Très Endetté le Cameroun s’enfonce tous les jours qui passe dans la grande misère de masse avec une minorité de milliardaire. Cette caste ne se renouvelle pas, elle est incestueuse et perverse à souhait. La Nation qui doit consacrer l’union des citoyens est à genoux. Les ethnies se dressent les unes contre les autres, les voies de communication physique et éthique sont rompues à tous les niveaux. Les débats ne sont plus possibles parce que les politiciens ne se concentrent pas sur les enjeux importants pour la majorité des gens. Car même quand les problèmes sont créés et artificiels il faut en débattre pour démêler le bon grain de l’ivraie. En 2011 il n’y a pas eu de campagne. Elecam et la Cour Suprême faisant office de Conseil Constitutionnel ce sont chargés de faire taire la volonté de débat.

La démission des camerounais qui savent lire et écrire renforce cette stratégie du RDPCSDF avec la montée des réseaux sociaux et des blogues qui augmentent l’efficacité de la politique de division. Les camerounais sur Facebook passent plus de temps à s’insulter et à distiller la haine. Il en est de même dans les deux grands sites d’information que sont cameroon-info.net et camer.be. Le peu d’interventions constructives sont rapidement noyées par le flot d’insulte et la grande poussée tribaliste.

Cameroonvoice hébergé au Canada et Nkul-beti hébergé en Allemagne ont choisi de ne pas faire interagir les internautes. Personnellement je suis pour la liberté d’expression et contre toutes les formes de censure. Mais comment laisser que des hommes distillent la haine et le mensonge toute la journée au point de penser que entre le chaos du RDPCSDF et eux il n’y a que le nombre qui les sépare? La haine enclenchée, construite et théorisée par le pouvoir RDPCSDF est en marche, elle est rampante et s’exprime déjà à ciel ouvert en mettant de côté les débatteurs politiques. Il y a des hommes d’affaires au Cameroun comme il y a des hommes de la haine et de la destruction du peu d’héritage citoyen et républicain qui nous reste. Quand, au soir de sa vie le Pape du pouvoir central ne sera plus là alors risque de s’allumer le grand brasier que nous avons savamment entretenu et nourri depuis le sein de nos mères, de nos épouses et de nos filles.

Dr Vincent-Sosthène FOUDA
Socio-politologue
www.generationcameroun2011.com

 



02/04/2013
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