CNC: Régulation à têtes chercheuses

Yaoundé, 26 Novembre 2013
© JEAN DE DIEU BIDIAS | Mutations

Les récentes suspensions des médias et des journalistes prononcées par cet organe suscitent moult interrogations.

Le 21 novembre dernier, le président du Cnc, Mgr Befe Ateba, a rendu publiques des décisions portant suspension, pour une période de trois mois, des journaux à capitaux privés «Ouest-Littoral» et «The Guardian Post», La mesure de l'Evêque de Kribi s'applique également aux patrons de ces deux parutions, en l'occurrence Benjamin Zebaze et Ngah Christian. Dans la foulée, trois autres directeurs de publication, dont celui de Mutations, Xavier Messe, ont reçu des avertissements pour «enfreinte à la procédure de délibération (...) au sujet d'une accusation se rapportant à un cas d'atteinte à la déontologie professionnelle en matière de communication sociale».

Il est reproché à Xavier Messe et son journal de n'avoir pas fourni à temps leurs arguments de défense dans une affaire qui les oppose au président du Conseil électoral d'Elections Cameroon (Elecam), Samuel Fonkam Azu'u. Christophe Bobiokono, membre du Cnc, est outré par la démarche de cet organe. «Cela dit, je ne sais pas sur quelle base le Cnc a donné un avertissement à Xavier Messe Il faut bien une base. Il faut que ce soit prévu quelque part... Cet avertissement, de mon point de vue, fait diversion dans la mesure où ni M. Fonkam Azu'u, ni le public, ne sont avancés par rapport au fond de la plainte. Faire du tapage sur la comparution ou non de Xavier Messe relève pour moi de la diversion. C'est comme pour montrer que le Cnc travaille. (...) C'est comme si le Cnc voulait donner des gages de fidélité ou de je ne sais quoi à je ne sais qui» a-t-il réagi sur le site internet Cameroon-info.net. Ce qui précède inquiète d'ailleurs Nta à Bitang, vice-président de l'Union des journalistes du Cameroun, qui en appelle plus de transparence dans la prise de décisions du Cnc, d'autant plus que la plupart de ses membres exercent dans des organes de presse concurrents à ceux sanctionnés.

Dans une sortie au vitriol intitulée: «Appel à la mobilisation, contre l'épuration médiatique et le génocide éditorial planifiés au Cameroun», le 22 novembre dernier, le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), s'indigne du fait que dans le cos d'Ouest-littoral, le plaignant (Befe Ateba), est aussi le président du Tribunal, qui signe la sentence. Le cas The Guardian Post semble plus curieux que fantaisiste aux yeux du Snjc car, il est reproché à ce journal et à son Directeur de publication d'avoir «tenu des propos offensants à l'encontre de deux membres» du Cnc. Cela est inacceptable» s'est indigné le Syndicat. Et Christophe Bobiokono d'enfoncer le clou. «La plainte est signée de trois personnes, notamment notre confrère Kini Nson, qui est le responsable de l'antenne du journal The Post a Yaoundé; puis John Mbah Akuro, qui travaille à la Crtv. C'est incongru! Charly Ndi Chia et Peter Essoka ne peuvent pas se cacher derrière leurs obligés pour saisir le Cnc dont ils sont membres. Et j'apprends qu'ils ont pris part à la prise de décision sur cette affaire qui les concerne, au mépris de l'article 39 du règle¬ment intérieur du Cnc», révèle-t-il.

«Pour ce qui concerne l'affaire de Ouest-Littoral, l'accusation est grave et infondée. Je pense qu'un journaliste commence par vérifier ses informations. Où sont-ils allés chercher les graves accusations qu'ils ont faites contre le président du Cnc? Le conseil s'est senti offensé à travers ma personne et a pris une sanction. Je n'ai pas siégé lors de cette prise de sanction pour ne pas donner l'impression d'être juge et partie», se défend le président du Cnc (Lire l'interview ci-après).

Sénatoriales

Sans fioritures ni artifices du langage, le Snjc, sous la plume de son président, Félix Cyriaque Ebolé Bola, soutient que «les décisions du Cnc confirment les appréhensions du Snjc, qui le 13 novembre 2013 se faisait déjà l'écho de tractations et consultations occultes de Joseph Befe Ateba (…) La répression qui s'abat aujourd'hui sur certains médias à capitaux privés, ne semble donc que le début d'un processus de musellement à grande échelle, perpétré par un Cru. visiblement en mission commandée». Dans la même veine,-Christophe Bobiokono, qui n'était pas présent à la dernière assise du Cnc, indique: (…) J'ai agi plusieurs fois lorsque je pense que la loi est bafouée... Ce fut le cas avec le communiqué unilatéral du président du Cnc inter-disant, sans aucun fondement juridique, la publication des tendances à l’occasion des Sénatoriales... je n'ai pas eu l'impression, à cette occasion, que la presse avait pris la mesure de cette curieuse décision de M. Befe Ateba... Pourtant, à l'époque, c'était déjà des prémices d'un autoritarisme qui ne fait que se confirmer. Oui!, je suis pour la régulation des médias et pour la sanction sans faiblesses des «para journalistes». Mais je suis contre toute forme de règlement de comptes.... ».

Dans une sortie mercredi dernier, Reporters sans frontières (Rsf) a demandé au Cnc de rendre ses procédures de saisine et de délibération plus transparentes, afin de désamorcer les soupçons d'arbitraire qui pèsent contre lui. Au bout du compte, les professionnels des médias semblent convaincus que les sanctions du Cnc sont à têtes chercheuses. Un exemple simple personne n'a lu la moindre observation du Cnc sur le traitement par les médias à capitaux publics de la dernière campagne électorale, dont le déséquilibre en défaveur des partis politiques d'opposition était portant notoire.


26/11/2013
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