Le rôle d’Ahmadou Ahidjo occulté
Ça y est ! Les festivités liées à la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun avec trois ans de retard- se sont achevées hier jeudi 20 février 2014 à Buea dans le Sud-Ouest. Le comité d’organisation a donné à l’évènement une portée nationale en demandant l’organisation des défilés et plusieurs autres activités dans tous les chefs-lieux de régions et sur toute l’étendue du territoire. Et pour couronner tout, le président de la République a décrété la journée de jeudi, fériée et chômée sur l’ensemble du territoire national. Mieux, un autre décret portant remise de peine à certaines catégories des détenusvalant libération pour certains ; - a été signé dans le cadre de cette célébration.
Dans cette ferveur, quelle a été la place d’Ahmadou Ahidjo, artisan incontestable (avec d’autres bien- sûr) de cette réunification ? A-t-il été magnifié à la hauteur du rôle qu’il a joué dans la construction de ce vivreensemble ? À observer de très près, la réponse est non. D’abord dans les discours. Paul Biya, le chef de l’Etat et du reste son successeur constitutionnel, jeudi à Buea, a préféré comme dans ses habitudes de rester dans les généralités. Jamais, il n’a prononcé le nom d’Ahidjo, qui, il y a 53 ans avait fait de cette réunification un enjeu national et même une préoccupation personnelle.
Plus grave, même sur les banderoles à Buea, site de l’évènement, pas une seule ligne sur Ahidjo. Seule une seule affiche est visible non pas là où toutes les camareras sont braquées-, à Buea- mais à Yaoundé, au carrefour de la Poste centrale. «Hommage à son excellence Ahmadou Ahidjo, héros national, artisan de l’indépendance et de la réunification pour un Cameroun uni et prospère», peuton lire. Pas plus. La ville de Buea où tous les regards sont tournés est la chasse gardée du chef de l’Etat. Ainsi, des messages tels que «Paul Biya au service de la réunification», «Paul Biya au service la nation» inondent la capitale du Sudouest.
«Il faut oublier Ahidjo. Maintenant, c’est Paul Biya qui est à l’honneur», ironise un journaliste. «Cette façon de vouloir effacer et tronquer l’histoire ne date pas du hier. C’est l’une des marques de fabrique de Paul Biya. Sauf que l’histoire est têtue. Elle ne peut pas s’effacer comme ça», analyse un professeur d’histoire. En rappel, du 17 au 21 juillet 1961, les Camerounais anglophones et francophones se sont retrouvés à Foumban à l’initiative d’Ahmadou Ahidjo. Alors président du Cameroun oriental, il était venu dans le Noun avec son projet de Constitution, taillé selon sa volonté et préalablement remis à John Ngu Foncha. Aprèsles travaux, le document sera adopté par les deux parties et l’accord de la réunification signé ; Il sera mis en oeuvre le 1er octobre 1961. C’est cet évènement que l’on a célébré jeudi dernier en ignorant purement et simplement Ahmadou Ahidjo.