« Camerounaises, Camerounais, mes chers compatriotes, je vous annonce aujourd’hui mon intention de me porter candidat à l’élection présidentielle à venir au Cameroun. Après avoir observé et analysé la situation politique, économique, sociale et culturelle de notre cher pays, j’en suis venu à la conclusion que j’étais l’homme de la situation pour amorcer le changement nécessaire. À partir de mon mouvement/parti politique, auquel je vous enjoins d’adhérer, nous pouvons, ensemble bâtir une nation forte, un pays prospère, où chaque camerounaise, chaque camerounais, qu’il soit en diaspora ou à l’intérieur de nos frontières, se sentira utile, ne sera pas laissé-pour-compte. Après plus de 50 ans, il est temps, pour ne pas dire, it’s time, pour que les choses changent. Je compte sur vous. Dans les jours, les semaines qui viennent, je déclinerai les grandes lignes de mon programme… ».
Voilà en substance ce à quoi ont droit les camerounais, au moins une fois par trimestre depuis deux ans environ. Une nouvelle candidature à l’élection présidentielle tous les trois mois. Que ce soit par voie de presse écrite ou électronique (audio-télé-web), ce laïus est devenu aussi banal que de sortir de chez soi le matin et héler un bendskin au rond-point Deïdo à Douala. C’est à la portée de tout le monde et de n’importe qui. Capacités ou pas; habiletés ou pas; compétences ou pas; expérience ou pas… On a l’impression que pour les uns et les autres, il est plus aisé de devenir Président de ce pays qu’entrepreneur, médecin ou enseignant. Ainsi va le Cameroun de 2010 à quelques mois d’une élection capitale pour les vingt prochaines années.
Depuis le malencontreux et perfide tripatouillage de la Constitution du Cameroun, qui a fait du Chef de l’État actuel, un président à vie, de nombreux camerounais (avouons qu’il y a peu de camerounaises qui se soient déclarées jusqu’ici) se sont mis en tête, qu’ils pouvaient, ou qu’ils avaient l’étoffe pour occuper et assumer les responsabilités liées à cette fonction, ô combien suprême. Ils sont légion ceux qui aspirent aujourd’hui à diriger le Cameroun et le peuple camerounais. Noble ambition que celle là, me direz-vous ! Mais encore faut-il en avoir les prédispositions ou les aptitudes. Malheureusement pour eux, heureusement pour le Cameroun, cela ne semble pas être le cas pour certains d’entre eux, pour peu qu’on se donne la peine de lire, voir ou écouter leurs motivations. Et l’on est en droit de se demander si cette profusion de candidats putatifs pour le poste de Président de la République du Cameroun est le signe d’une vitalité démocratique ou d’immaturité politique ? Leurs visions convergent sensiblement, si ce n’est essentiellement, vers le même objectif : le départ de Paul Biya; leur projet de société : « On verra après le départ de Biya ! ». Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce « discours » convainc même les esprits les plus érudits ou critiques, tant l’équipe aux affaires en ce moment n’a plus la moindre crédibilité, n’a plus aucun projet auquel un peuple puisse adhérer, aucun rêve qui puisse transcender les égoïsmes et amener les camerounais à se dire : « voilà un projet commun pour lequel nous allons plier les manches et nous battre »…Aucun ! Le pire étant pour cette équipe, son incapacité à s’autocritiquer, à faire preuve d’humilité devant un bilan aussi désastreux de sa gestion depuis plus de vingt ans. Les facteurs exogènes n’expliquant pas tout.
Un Chef d’État doit avoir un projet de société, doit être un meneur, un inspirateur, un manager…et un leader. Respecté et craint. Aujourd’hui, le locataire d’Etoudi n’a pas (plus ?) ses qualités - sinon, il n’y aurait pas autant de je-m’en-foutisme autour de lui -. Le nombre de personnalités qui montent au créneau pour le défendre se réduit comme peau de chagrin (n’ont-ils pas appris la leçon : louangeur aujourd’hui, prisonnier demain). Les derniers flagorneurs – les irréductibles - autour de lui, ne sont là pour leurs intérêts propres et leurs privilèges.
La désacralisation de la fonction présidentielle, l’usure du pouvoir et les agissements de son entourage ont fait de l’Éxécutif camerounais, la Cour du roi Petaud.
Il ne faut, donc pas s’étonner que les camerounais soient prêts à se jeter dans les bras du premier venu qui saura embrasser ses frustrations et faire sienne ses attentes. La nature a horreur du vide et c’est probablement ce qui explique, cet intérêt soudain, cet engouement inédit pour le poste présidentiel de la part de plusieurs citoyens camerounais. Ce « beau risque », une bonne frange de la population camerounaise, en âge de réfléchir et de voter, est prête à le prendre, à condition qu’elle ne se retrouve pas à devoir choisir entre la peste et le choléra.
Pour emprunter au langage sportif, il faut le dire haut et fort : le Cameroun et les camerounais méritent à leur tête des joueurs-candidats qui proviennent des ligues majeures mondiales; et non des joueurs d’inter-classes. La pléthore perturbe la sélection… Cette banalisation de la candidature et de la fonction présidentielle est d’autant plus fâcheuse qu’elle survient au moment où l’option d’en face ou rivale – à savoir le maintien du président-candidat Paul Biya – n’a jamais été aussi vulnérable, parce que piètrement défendue. Il est donc, temps que les amuseurs publics débarrassent le plancher ! Nous parlons de l’avenir du Cameroun et d’un grand peuple. |