Christian Tumi (sur l'affaire de l'Universite Catholique): «Le langage de l’origine tribale n’est pas un langage d’université»
DOUALA - 07 SEPT. 2012
© La Nouvelle Expression
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Un journal a récemment publié un
article dans lequel il est mentionné que Christian Cardinal Tumi et le
Premier ministre sont dans un conflit ouvert au sujet d’un traitement
de faveur du Premier ministre à Oku par rapport à Kumbo. L’Effort
Camerounais (version anglaise) n° 536 du 29 août au 12 septembre 2012,
en page 9, a mis sur la sellette le sujet lors d’un entretien avec
Christian Cardinal Tumi. Avec lequel l’organe de presse a aussi abordé
la récente controverse tribale à l’Université catholique d’Afrique
centrale et bien d’autres sujets.
Le journal La Nouvelle a récemment publié un article dans lequel il est mentionné que Christian Cardinal Tumi a un conflit avec le Premier ministre Philémon Yang au sujet d’un traitement de faveur du Premier ministre à Oku par rapport à Kumbo. Quelle est votre position sur cette affaire ? J’ai lu La Nouvelle et j’ai été grandement surpris de ce qui était écrit en blanc et noir. Je ne suis pas dans une guerre ouverte avec le Premier ministre. Je pense que je l’ai rencontré la dernière fois il y a environ trois ans. Depuis ce temps, on ne s’est plus rencontré. Qu’il développe Oku plus que Kumbo, je ne sais pas. Je sais que Kumbo est sous la juridiction du maire de Kumbo. C’est tout ce que je sais à propos du développement. Quel rôle il joue comme Premier ministre ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais été en conflit avec une figure politique dans ce pays. Selon vous, qu’est-ce qui a motivé La Nouvelle à faire une telle fausse allégation sur votre personne ? Peut-être La Nouvelle sait que le Premier ministre est une figure politique et le Cardinal Tumi est un Cardinal. Si l’éditeur veut faire lire son journal, il devrait dire la vérité et non pas des mensonges. Il ne devrait pas inventer des mensonges. Je pense que j’ai seulement salué le Premier ministre face à face, si je m’en souviens bien, lors de l’ordination de l’évêque de Kumbo. C’était la dernière fois que je le voyais, je pense, face à face. Ainsi, j’étais surpris comme tout le monde au sujet de ces allégations. Personne n’a jamais entendu dire que je me querellais avec le Premier ministre sur ces fondements sociaux. Je sais que le développement du pays est le travail du gouvernement. Qui fait quoi ne m’intéresse pas. Donc, je ne sais pas ce qui a motivé La Nouvelle de faire de telles allégations. L’éditeur cherchait juste à faire lire son journal dans la mesure où un grand nombre de journaux croit aux nouvelles sensationnelles pour vendre leurs papiers. C’est que je qualifie de journalisme sans valeur, de piètre qualité. Ces allégations sont assez diffamatoires. Avez-vous l’intention d’engager une action juridique contre ce journal? Pas du tout ! Je n’ai pas de temps à perdre. Vous avez aussi exprimé dans le passé ce que vous pensez des dysfonctionnements dans l’organisation des élections au Cameroun. Une refonte biométrique est sur le point de commencer au Cameroun. Quelle est votre réaction à ces nouveaux développements ? Je ne suis pas un technicien et, donc, je ne sais pas de quoi tout cela retourne. Mais, tout ce qui peut aider le Cameroun à bien organiser les élections est le bienvenu. Mon principe est que les élections doivent être si bien organisées que toute personne qui présente sa candidature doit sentir qu’il a été justement traité. Les résultats des élections ne doivent pas être connus d’avance. Les élections sont une compétition et les règles de la compétition doivent être équitables. Pensez-vous que la refonte biométrique pourra désormais faire cesser les discussions sur le système électoral du Cameroun? Tout ce qui nous intéresse, c’est le résultat objectif des élections. Même si l’on compte les votes manuellement, les élections peuvent aller bien tant que nous sommes honnêtes parce que les machines en elles-mêmes ne résolvent pas les problèmes. C’est l’homme qui manipule les machines et elles peuvent être manipulées de n’importe quelle façon que l’homme veut qu’elles le soient. Tout ce que nous disons est que les élections doivent être si bien organisées que tous les Camerounais qui se présentent comme candidats aient des chances égales de gagner. L‘Eglise catholique a été récemment attaquée d’être moralement permissive en restant silencieuse durant des moments de crise morale sérieuse, comme durant le vol du bébé de Vanessa Tchatchou. La position de l’Eglise catholique n’est pas entendue ou seulement entendue tardivement. A travers son silence, est-ce que l‘Eglise accepte la permissivité morale au Cameroun telle que c’est revendiqué de manière répétée ? Pas du tout! La permissivité morale est inacceptable parce que le principe moral fondamental est que le bien doit être fait et le mal évité à tout prix. C’est pour tout le monde – Chrétien et païen. Dans le cas auquel tu fais allusion, l’évêque du lieu où l’incident s’est déroulé a parlé. Tous les évêques ne doivent pas parler au même moment. L’Evêque est une figure de l’Eglise et là où les incidents se sont déroulés, les évêques ont parlé. Je me souviens qu’il y a plusieurs années, l’évêque Paul Verdzekov, de regrettée mémoire, avait écrit une lettre pastorale à Bamenda sur le trafic des enfants qui est l’esclavage des enfants. Une fois qu‘il écrit, nous nous mettons tous derrière l’évêque qui condamne un tel acte et ce qu’il dit devient la position des évêques. Il y a aussi eu des tas de malentendus récemment au sujet de la façon dont des considérations tribales ont été traitées à l’Université catholique de l’Afrique centrale. Comment pensez-vous que l’Eglise doit traiter un tel sujet aussi sensible que le tribalisme? Nous étions surpris à Douala avec la lettre dont vous faite référence. La lettre de l’archevêque de Yaoundé qui est le Grand Chancelier de l’Université catholique de l’Afrique centrale. Nous étions surpris et nous nous sommes demandé si en fait Mgr Victor Tonyé Bakot a écrit la lettre. Dés lors qu’il a réagi à cela, nous savions qu’il était celui qui a écrit au nom de tous les évêques du Conseil supérieur de l’Université, c’est-à-dire les évêques des six pays de l’Afrique centrale qui forment le Conseil supérieur de l’université qui voulait connaître les statistiques. J’ai été grand chancelier de cette université pendant plus de 15 ans. Notre principe était toujours le mérite. Nous ne regardions pas d’où viennent les étudiants. Ils pouvaient être Bamiléké, Douala, Anglophone, Bassa. Ce qui nous préoccupait était de savoir si l’enfant est capable d’étudier à l’université. Si la réponse était oui, nous admettions l‘étudiant. Je n’ai jamais pensé à questionner l’origine tribale d’un étudiant. Les professeurs étaient évalués sur leur qualification et non pas sur le fait de savoir s’ils étaient Anglophone, Francophone ou Bamiléké. L‘étudiant n’y porte aucun intérêt. Ce qui préoccupe l’étudiant, c’est d’avoir un bon enseignant. Il y a des Européens qui enseignent dans cette université. Selon mon jugement, le langage de l’origine tribale n’est pas un langage d’université. La méritocratie est toujours un langage d’université. Certaines personnes sont venues me voir pour recommander leurs enfants à l’Université catholique et je leur ai dit que chaque étudiant se bat pour sa place, sur son mérite. Il n’y avait pas d’autres considérations. Vous ne pouvez pas considérer des affiliations tribales sans réduire le niveau d’une institution. Un autre sujet sensible est l’actuel procès de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation Marafa Hamidou Yaya. Il a fait des déclarations de choc qui, pour beaucoup, pourraient compromettre la paix au Cameroun. Pensez-vous que toute vérité, même amère, doit être dite? Christ est la vérité fondamentale. Il a dit : «Je suis le chemin, la vérité et la vie». Partout où la vérité est dite, le Christ est présent. Ce qui ne doit jamais être dit à tout moment, ce sont les mensonges. Mais si vous répondez à une question devant un tribunal, vous devez dire la vérité. C’est pourquoi ils jurent qu’ils diront la vérité et rien que la vérité. Es-tu fondé à exprimer tout ce qui est dans ta pensée ? Il y a ce qu’on appelle la réserve mentale. Dois-tu réserver cela à tout moment et même au cas où tu es en danger d’aller en prison ? Bien. Il est dit que seule la vérité peut vous vous libérer. Je pense qu’il est toujours bien de dire la vérité. Un groupe islamique militant Boko Haram, dont les activités menacent de se répandre au Cameroun, tue des Chrétiens au Nigeria. La Conférence épiscopal du Nigeria a eu à s’exprimer au sujet des activités de ce groupe. Un tel sujet a-t-il déjà été évoqué à la Conférence épiscopale nationale du Cameroun? Je pense que nous avons déjà écrit une lettre à la Conférence épiscopale Nigériane pour exprimer notre compassion aux Chrétiens pour ce qui se passe dans ce pays. Partout où les chrétiens sont persécutes, c’est toute l’Eglise qui est persécutée parce que nous sommes un corps avec Christ à la tête de cette Eglise. Nous l’avons fait pour collaborer et vivre en solidarité avec nos confrères évêques du Nigeria. L’Eglise propose la liberté religieuse et nous devons respecter les convictions religieuses de chacun et de tous. C’est notre philosophie et nous ne changerons pas ça. Si les autres croient en la violence, leur conscience les jugera devant Dieu. Il n’y a rien que nous puissions en dire. Il revient au gouvernement d’assurer que personne ne traverse le Cameroun pour nous créer des problèmes sociaux. Récemment durant l’enterrement d’une chrétienne de la première génération, pour parler de la mère de Francis Nkwain à Njinikom, l’archevêque de Bamenda a mentionné une survivante et peut-être la plus ancienne survivante de la première génération de chrétiens qui est votre mère. Peut- on savoir ce qu’elle fait en ce moment ? A ma surprise, je pensais qu’elle avait déjà quitté ce monde. Mais, il y a quatre jours, je suis allé lui rendre visite et à 115 ans cette année, j’étais surpris de la voir assise sur son lit et parlant distinctement et tricotant. Elle s’était mise à tricoter encore. C’est un signe, pour moi, que ma mère va bien. Si elle arrête de manger et de boire, alors je saurais qu’elle en chemin pour quitter ce monde. En bref, elle va bien pour son âge. Après la dernière publication du Cardinal, A quoi les chrétiens doivent-ils s’attendre de son Eminence? Du temps et encore, je souhaite proposer à la jeunesse ce que j’appelle le Catéchisme de l’Ethique Humaine. Ceci, pour permettre aux jeunes de savoir qu’il y a des lois qui gouvernent la vie humaine ou les lois qui gouvernent toute vie, même la vie végétative. Toute créature vivante vie à des lois qui la gouverne. Les animaux et la végétation obéissent instectivement aux lois qui les gouvernent et le monde. Il y a la vie humaine qui vient de Dieu. L’homme est la plus difficile créature à gouverner à cause de son libre-arbitre, mais aussi, il a aussi le pouvoir intellectuel de décider de faire le bien et toujours. Ainsi, je pense à la méditation sur ce que j’appelle Ethique humaine basée sur la plus fondamentale loi humaine que le bien doit être fait et le mal évité. Je cible la jeunesse. Les adultes peuvent aussi utiliser le Catéchisme, mais la jeunesse les déclasse. Que Dieu les aide ! Traduit de l’anglais par Edmond Kamguia K. Interview réalisée par Grace Ongey et Ireneaus Chongwain Chia |
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