CHARLES METOUCK : Un pétrolier en pleine marée noire

Cameroun - CHARLES METOUCK : Un pétrolier en pleine marée noireHumiliation. Y a pas un mot plus approprié que celui-là pour qualifier ce qui est arrivé à Charles Metouck, le désormais ex-directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara). En effet, après son limogeage longtemps annoncé et finalement intervenu le 15 février dernier, Charles Metouck a été officiellement surpris dans son bureau de la Sonara à Limbé le 18 février dernier. Il a été arrêté par la police, conduit à Buéa et gardé à vue dans les locaux du commissariat central de la ville. Avec six de ses collaborateurs. L’ancien Dg est soupçonné, avec des complicités internes, d’avoir signé ou détruit certains documents de l’entreprise dans son ancien bureau, après y être entré sans autorisation.

Tous ont d’ailleurs été présentés au procureur de la République, qui va certainement, dans les prochains jours, abattre sur cet ingénieur chimiste et ses collaborateurs d’infortune, la lourde main de la justice camerounaise. Ce d’autant que le seul argument de défense de M. Metouck est sérieusement mis à mal. En effet, le document supposé signé du Président du conseil d’administration de la Sonara, John Ebong Ngollé, autorisant Charles Metouck à être présent à la Sonara après son limogeage pour des séances de travail avec le nouveau Dg, est désormais contesté par son supposé signataire.

Selon certains journaux, John Ebong Ngollé, interrogé par la police après l’interpellation de Charles Metouck, indique que sa signature a été falsifiée. Et nie donc avoir signé pareil document. De plus, Ibrahim Talba Malla, le nouveau Dg, toujours selon les révélations de la presse, dit avoir découvert l’existence d’un tel document dans les journaux. Pourtant, ce document précise qu’il a été délivré à M. Metouck, «en accord avec le nouveau Dg». M. Metouck a-t-il été piégé ? En tout cas, l’étau se resserre autour de cet ingénieur chimiste moulé dans le secteur privé camerounais, grâce notamment à Scimpos (même s’il est propriétaire d’une dizaine de sociétés), une entreprise de fabrication de mousse dont il est le Pdg depuis… 1992.

Au regard de ce qui lui arrive, finira-t-il par regretter un jour d’avoir été sorti de ses mousses pour être propulsé à la tête de la Sonara, en remplacement de Bernard Eding ? Pas forcément ! Parce que le bail de Charles Metouck à la tête de la très stratégique Sonara présente au moins un exploit de taille : le déclenchement puis l’achèvement de la première phase du gigantesque projet de modernisation de la Sonara. Pour cela, apprend-on, l’audace et la détermination de Charles Metouck a été telle qu’elle à heurté la firme Total, actionnaire de la Sonara, un peu frileuse sur ce projet.

Nombre d’observateurs avertis n’hésitent d’ailleurs pas à lier l’actuelle descente aux enfers de l’ex-Dg de la Sonara à cette mésentente, pour ainsi dire, entre Charles Metouck et Total autour du projet de modernisation de la Sonara, qui n’est pas le seul fait d’arme à mettre à l’actif du président du Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam), pendant son magister de 11 ans à la tête de la Sonara.

Humiliation

Il y a aussi l’exploit d’avoir réussi à gérer quotidiennement, pendant plus d’une décennie, une entreprise à la trésorerie exsangue, du fait d’une dette abyssale que l’Etat tarde à payer. Selon des statistiques fiables, la Sonara réclame à l’Etat du Cameroun près de 400 milliards de Fcfa, somme représentant le cumul des manque à gagner imposés à la raffinerie nationale par les pouvoirs publics, à cause de la subvention des produits pétroliers à la pompe, qui oblige la Sonara à vendre ses produits à des prix en dessous des prix réels, le gap devant être supporté par l’Etat, qui ne se hâte malheureusement pas pour payer cette dette.De ce point de vue, l’on se souvient qu’en 2011, au cours d’une réunion au ministère des Finances, souffle une source autorisée, M. Metouck, ancien cadre chez Rhône Poulenc en France, s’était vu obligé de hausser légèrement le ton, pour dire clairement à l’alors ministre Essimi Menyé, que si l’Etat ne faisait rien en urgence, la Sonara se trouverait incapable de continuer à fournir les produits pétroliers aux consommateurs. Car, du fait des pouvoirs publics, la Sonara, malgré le prestige que la simple prononciation de son nom revêt, était à ce moment-là une entreprise quasiment en faillite.

Prenant très au sérieux les informations données par Charles Metouck sur la menace d’une pénurie de carburant, la firme Total, le leader du marché de la distribution des produits pétroliers au Cameroun, avait même produit une note interne, annonçant ladite pénurie. Mais la franchise teintée de menace de l’alors Dg de la Sonara va permettre d’éviter cette disparition des produits pétroliers, des mesures urgentes ayant été prises par le trésor public, afin de permettre à la Sonara de poursuivre ses activités. Sous la houlette d’un Charles Metouck, dont le nom ne manquera cependant pas, tout au long des onze années qu’il aura passé à tête de la Sonara, d’alimenter la chronique de la mauvaise gouvernance.

Il y a d’abord une affaire de commissions exorbitantes qu’auraient encaissées M. Metouck dans les marchés passés dans le cadre de la modernisation de la Sonara, et même dans la négociation des contrats de livraison des produits pétroliers à la raffinerie nationale. Des faits pour lesquels celui qui est encore vice-président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) a plus d’une fois été entendu par la police. C’était le cas le 21 février 2012 à la sous direction des affaires économiques et financières de la police judiciaire à Yaoundé. A cette occasion, apprendon, M. Metouck, 60 ans, avait excipé l’argument de la dénonciation calomnieuse.

Ensuite, selon des sources généralement bien informées, le Contrôle supérieur de l’Etat qui a séjourné à la Sonara pendant de nombreux mois, est depuis quelques temps en possession d’un rapport compromettant sur la gestion de la raffinerie de Limbé par Charles Metouck. Au demeurant, pour l’instant, ce ne sont pas ces fautes présumées qui sont à l’origine de la rétention de l’ancien Dg de la Sonara dans une des cellules du commissariat central de Buéa. Mais, par ces temps d’opération Epervier teintée de règlement de toutes sortes de comptes, il n’est pas exclu que ces informations soient mises à contribution le moment venu. Pour broyer définitivement Charles Metouck. Non sans l’avoir préalablement humilié. En l’accusant de simple destruction de document.

© Mutations : BRICE R. MBODIAM


24/02/2013
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