Les rapports de la Conac et de la Chambre des comptes restent sans suite et des lois ne sont pas appliquées.
La Chambre des comptes de la Cour suprême a rendu son rapport annuel 2011 mardi dernier à Yaoundé. La plus haute juridiction en matière de jugement des comptes et gardienne du respect de la réglementation financière et comptable a épinglé un certain nombre de gestionnaires de la fortune publique pour des irrégularités et des doutes sur la fiabilité des comptes produits.
Parmi les irrégularités relevées par la Chambre des comptes, il y a l’attribution d’avantages financiers indus à des individus, le fractionnement des marchés, le non-respect de la loi portant statut général des entreprises publiques, etc. La Chambre, avec une certaine gêne, rappelle des recommandations antérieures à l’exercice 2011, qui n’ont jamais été appliquées. On peut citer, entre autres: la mise en conformité des statuts des entreprises du secteur public et parapublic, le respect de la durée du mandat et des incompatibilités des différents organes sociaux des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic prévues par la loi du 22 décembre 1999, l’inventaire et l’évaluation du patrimoine de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées et des établissements publics administratifs, etc. Le rapport 2011 de la Chambre des comptes fait de nouvelles recommandations dont on se demande si elles seront appliquées.
Avant la Chambre des comptes, la Commission nationale anti-corruption (Conac) a rendu son rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2011. Un volumineux document de 300 pages qui a recensé de nombreuses atteintes à la fortune publique. Sur le projet de Lom-Pangar par exemple, la Conac révèle que près de deux milliards de F.Cfa ont été détournés. S’agissant du port en eau profonde de Kribi, la commission révèle des trafics divers qui ont permis à des personnalités d’obtenir des indemnisations indues sur des terrains. Les sommes donnent le vertige : plus de 10 milliards F.Cfa.
Fautes de gestion
A la suite de ce rapport de la Conac et dans son discours de fin d’année, le 31 décembre 2012, le président de la République avait affirmé que toutes les personnes indexées dans ce document seraient poursuivies. « Je suis bien conscient en effet que nous devons encore compter avec l’inertie, l’incompétence, voire la malveillance de certains qui freinent notre redressement.
S’y ajoutent la corruption sous diverses formes et la fraude dans la passation des marchés publics. Le récent rapport de la Conac est particulièrement édifiant à cet égard. Il va de soi que ces atteintes à la fortune publique ne resteront pas impunies », avait déclaré Paul Biya. Huit mois après ce discours, le rapport de la Conac n’a eu aucune suite connue.
Que ce soit la Chambre des comptes, le Contrôle supérieur de l’Etat ou la Conac, ces institutions qui veillent sur les fonds publics ont en commun qu’elles adressent leurs rapports au président de la République. Lequel peut y donner suite, au moins sur le plan administratif, en limogeant les gestionnaires indélicats pour arrêter la saignée des fonds. Or, en dehors des interpellations jugées « sélectives » à la suite des rapports du Contrôle supérieur de l’Etat, de nombreux managers reconnus coupables de fautes de gestion dont certaines peuvent être pénales sont libres de leurs mouvements.
Lorsque la Chambre des comptes recommande l’application de la loi du 22 décembre 1999 sur la durée du mandat et des incompatibilités des différents organes sociaux des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic, elle interpelle en réalité le chef de l’Etat qui, seul, nomme et révoque à ces fonctions. Pendant ce temps, le pillage de la fortune publique se poursuit. « C’est de la démesure dans le mal. Quand vous lisez les statistiques du vol, vous vous demandez tout simplement par quel miracle le Cameroun tient encore débout ! », s’indigne le philosophe Hubert Mono Ndjana.