Les
incertitudes et angoisses liées au flou sur la succession de Paul Biya
inquiètent les cabinets internationaux, les investisseurs et les milieux
diplomatiques.
Le «débat» relancé au parlement au sujet du conseil constitutionnel au
moyen d’un projet de loi qui en modifie la composition aurait pu
rassurer quand à la vitalité d’un système politique, où des institutions
vigilantes et avisées, optimisent le fonctionnement de l’Etat aux
moyens de lois actualisées et adaptées à nouvelles réalités.
Pourtant, au contraire, ce projet de loi a plutôt réveillé chez le camerounais la peur du lendemain. Car il rappelle que le conseil constitutionnel dont il est question, n’existe pas, seize années après son institution. Problème : dans l’hypothèse où Paul Biya quitterait brutalement la scène politique, c’est au conseil constitutionnel qu’il reviendrait de constater la vacance, permettant au président du Sénat d’assurer l’intérim et d’organiser les élections. Or 16 années après l’adoption de la constitution qui crée ces deux institutions, le Cameroun n’a toujours ni sénat, ni conseil constitutionnel, ce qui créé un flou institutionnel et une grande incertitude mâtinée d’effroi, sur les scénarii de succession à la tête de l’état.
Cette singularité mondiale (constitution appliquée ou non, selon le bon vouloir d’un homme), inquiète, même au delà des frontières camerounaises. Il y a quelques semaines, l’agence de notation standard and poors soulignait le « haut risque politique découlant de l'incertitude sur la succession présidentielle», pour justifier la faible note du Cameroun.
Si la stabilité de la plupart des pays repose avant tout sur la transparence, la traçabilité et la prévisibilité des mécanismes de dévolution de pouvoir, le moins que l’on puisse dire c’est que le Cameroun semble s’acheminer vers les plus grandes incertitudes. On croirait que le président fait tout ce qu’il peut pour léguer à son pays une crise de succession dont personne n’a besoin et dont les conséquences, toujours imprévisibles, peuvent plomber une nation pendant des générations entières.
A ce titre, les réserves françaises et américaines sur le déroulement de l’élection du 9 octobre (2012) sont un début d’avertissement. Le dispositif constitutionnel actuel prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, l’intérim devrait être assuré par le président d’un sénat qui n’a jamais été mis en place. Biya a entretenu le flou quant à l’avenir du système camerounais en cas de retrait volontaire ou forcé. Une telle situation laisse le champ libre à tous les scénarios. Le président camerounais prend surtout le risque d’un pourrissement alors qu’il a actuellement toutes les cartes pour éviter au Cameroun l’évolution qu’ont connue certains pays d’Afrique ou 20 ou 30 ans de règne présidentiel sans partage ont abouti à une crise de succession parfois sanglante”, s’inquiète Saad Adoum d'international Crisis group.
Cette inquiétude, régulièrement reprise par les
diplomates, est également partagée par les milieux d’affaires. Car, il
est difficile, dans ce contexte de fin de règne, que les investisseurs
se bousculent alors que les chancelleries occidentales affichent une
anxiété persistance sur le devenir du pays, et redoutent le pire en cas
de querelles de succession. Pour le moment, Paul Biya seul peut lever
cette hypothèque sur l’avenir de son pays. Car, aussi important fut-il,
et quelle que soit la haute idée qu’il se fait de lui même, ses désirs
ne peuvent pas être plus importants que l’avenir des 20 millions de
camerounais que nous sommes. Mais qui, dans son entourage
essentiellement constitué d’adorateurs et de prébendiers, est en mesure
de le lui rappeler ?