Ils sont nombreux les religieux qui ont mis le pouvoir en difficulté par leurs prises de position parfois critiques.
L'Eglise catholique camerounaise peut décidemment paraître comme un caillou dans la chaussure du régime en place. La relève semble bien assurée au niveau des prises de positions caustiques à l'égard de la politique du pouvoir. Ce qui ne semble pas toujours plaire à Etoudi et à ses sbires.
Il y'a quelques jours, c'est le père Ludovic Lado, vice doyen de la Faculté des sciences sociales et de gestion de l'Université catholique d'Afrique Centrale, qui a défrayé la chronique en dénonçant le code électoral unique promulgué par le chef de l'Etat récemment. A cette occasion, il dit «non au code de la honte» et invite tous les démocrates à s'unir. Comme la plupart des partis d'opposition et certains responsables de la société civile, il souhaite un code qui respecte huit principes parmi lesquels: le scrutin présidentiel à deux tours, la limitation du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une fois, le bulletin de vote unique, etc.
Un engagement politique qui le place sur les traces du cardinal Christian Tumi.
L'archevêque émérite de Douala est connu pour ses prises de position souvent défavorables à l'égard du régime de Paul Biya. Originaire de la Région du Nord-Ouest, son franc-parler est légendaire. Cardinal depuis 1988, il est l'un des premiers à dénoncer les exactions du commandement opérationnel, une unité de l'armée créée en 2000 pour lutter contre le grand banditisme dans la capitale économique. Il avait alors déclaré en 2007 que, «tant que les dirigeants actuels sont au pouvoir, le Cameroun ne se portera pas bien». Il a souvent fustigé la qualité des élections tenues au Cameroun. Le prélat est allé jusqu'à dénoncer la longétivité de Paul Biya au pouvoir.
Lors du scrutin du 9 octobre dernier, en dehors du soutien présumé ou réel de la France au régime de Yaoundé, le cardinal «rebelle» a trouvé que les règles du jeu entre l'opposition et le pouvoir n'étaient les mêmes. Pour lui, tout était joué d'avance en faveur de Paul Biya. «Je crois que l'opposition manque de moyens financiers. Or, le parti au pouvoir utilise tous les moyens étatiques pour sa campagne électorale. Et pendant la campagne, on ne trouve pas les directeurs et les chefs de services dans les bureaux; tout le monde est en campagne pour le parti au pouvoir. C'est une injustice», a t-il dénoncé.
Ingérence
Si le cardinal Tumi est celui qui est resté constant dans ses prises de position critiques vis-à-vis du pouvoir, d'autres évêques, bon gré des accointances avec le pouvoir, sont de temps à autres sortis de leur réserve. C'est le cas de Victor Tonyé Bakot, archevêque métropolitain, qui en juillet 2006, a fait une homélie mémorable sur la pauvreté. Dans une cathédrale Notre-Dame des Victoires comble, l'archevêque de Yaoundé a déclaré: «ces " innombrables êtres humains" malades, marginalisés, exclus, appauvris, détonnent d'avec le beau pays de cocagne que décrit le prélat en parlant du Cameroun: «"une terre où coulent le lait et le miel". La misère et la pauvreté de ces "malheureux laissés sur le bord du chemin", sont les "pires maux de notre société"».
Ce jour là, le prédicateur a relevé que son discours ne saurait être une ingérence dans les affaires de la cité, gérée par le gouvernement. Il s'est appuyé sur les leçons du Concile Vatican II qui ont refondé l'Eglise catholique. Ces leçons apprenent que, «les joies et les espoirs des hommes, des pauvres surtout, sont aussi ceux des disciples du Christ.» Aussi, a-t-il jugé qu'il est «parfaitement légitime», du haut de sa cathèdre, de critiquer le système social, économique et politique qui gère le Cameroun.
Mgr Jean Zoa, archevêque de Yaoundé de regrettée mémoire, peut aussi être classé dans cette catégorie. Reconnu pour ses amitiés avec le régime, ses sorties en revanche n'étaient pas toujours pour lui plaire. C'est le cas de son discours sur la pauvreté au lendemain de la catastrophe de Nsam survenu le 14 février 1998. C'est fût d'ailleurs la dernière homélie avant sa mort deux mois plutard, le 20 mars de la même année. Cependant, celui qui a ouvert la voie est sans doute, Mgr Ndogmo de regrettée mémoire, à l'époque de la première République.
Evêque de Nkongsamba, directeur de publication du journal l'Essor Des Jeunes et co-fondateur de la société Mungo Plastique, Mgr Albert Ndongmo fut arrêté le 27 août 1970 à Douala, à peine arrivé au Cameroun de retour d'un séjour de deux semaines à Rome.
Il n'y a pas que des évêques qui se sont illustrés dans ce combat. Même des prêtes comme Jean-Marc Ela ont également tenu tête au régime. Il est mort en exil au Canada.