Ces postes ministériels «réservés» aux francophones
Le 9 mai 2015, environ 700 avocats d’expression anglophones se sont réunis à Bamenda dans le cadre d’une session extraordinaire de leur association, la Northwest Lawyers Association. A l’issue de leurs travaux, ils ont adressé au gouvernement leur exigence, assortie d’un délai : ramener le Cameroun à l’état du fédéralisme. Ils donnent six mois au gouvernement pour se prononcer, faute de quoi, ils se réservent le droit d’initier toutes les mesures qui leur paraîtront nécessaires pour l’y contraindre.
Depuis quelques mois, ce sont eux qui portent les revendications des Camerounais des deux régions anglophones du pays, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Deux mois plus tôt, le 18 mars 2015, ils avaient déjà contraint le gouvernement à céder à l’une de leurs principales exigences : l’usage exclusif de la langue anglaise dans les tribunaux de la partie anglophone. Depuis cette date donc, la langue utilisée dans les tribunaux de Bamenda par exemple est l'anglais. Une grande première au Cameroun, et peut-être l’ouverture d’une boîte de Pandores, dont nul ne sait jusqu’où elle mènera le pays.
SCNC
En tous les cas, ces deux épisodes sont des noeuds supplémentaires d’un long chapelet de revendications des populations de la partie anglophone du pays et qui ont été portées jusqu’ici par le mouvement sécessionniste, le Southern Cameroon National Council (Scnc). Dans une requête adressée en 2004 à la commission africaine des Droits de l’Homme et des peuples, ils se plaignaient, en gros d’être des citoyens de seconde zone.
Et il est vrai que beaucoup de faits peuvent être convoqués pour appuyer cette plainte. Le cas par exemple de la langue anglaise. Le bilinguisme du Cameroun, consacré par la Constitution, est loin d’être une réalité dans le pays, notamment dans la partie francophone. Dans le système éducatif, dans les services sociaux de base, dans la fonction publique, la langue française est hyperdominante. Les pratiques sont telles que les anglophones qui sont 3 484 899 en cette année 2015, soit 15,9% de la population nationale selon les résultats du dernier recensement général de la population, sont obligés de se conformer au français pour avoir accès à ces services sociaux.
C’est davantage sur le champ politique que la marginalisation est grande. Si depuis le départ de Sadou Hayatou de la Primature en 1992, ses successeurs sont tous originaires de la partie anglophone du pays, il est toutefois utile de signaler qu’il est rare de voir un anglophone à la tête d’un portefeuille de souveraineté. La seule exception à ce jour a été le séjour de Benjamin Itoé à la tête du ministère de la Justice. En 33 ans de règne donc, Paul Biya n’a pas toujours trouvé un anglophone digne de confiance et compétent pour diriger les ministères de la Défense, de l’Administration territoriale, des Finances ou des Relations extérieures.
Quant au stratégique poste de secrétaire général de la présidence de la République, il est jusqu’ici exclusivement l’affaire des francophones…