Ces Américains qui abandonnent leur nationalité pour échapper au fisc


Quelque 9 000 expatriés originaires des États-Unis ont déjà fait ce choix. Le nombre d’Américains qui renoncent à leur citoyenneté américaine s’envole. Neuf mille ont fait ce choix en cinq ans : du jamais vu. Au cours du premier semestre, 1577 expatriés ont décidé de ne plus être américains. Une résolution parfois émotionnellement douloureuse, mais fiscalement judicieuse.

La corrélation entre ces désertions et l’entrée en vigueur de la loi connue sous le nom de « Fatca » (Foreign Account Tax Compliance Act) est manifeste. Depuis le 1er juillet, toutes les dispositions de cette loi votée en 2010 s’appliquent. La législation oblige toutes les banques non américaines qui veulent rester en bons termes avec les autorités des États-Unis à communiquer au fisc à Washington toutes les informations sur les comptes de citoyens américains. Si elles ne se plient pas à cette nouvelle loi extraterritoriale, elles risquent des pénalités fiscales dissuasives sur leurs activités aux États-Unis.

La loi « Fatca » rend pratiquement impossible à un Américain vivant à l’étranger de cacher à l’Oncle Sam le montant de ses économies et de son patrimoine. Déjà 77.000 banques étrangères et les gouvernements de 80 pays ont accepté de livrer à l’Internal Revenue Service (IRS) les secrets de leurs clients américains. C’est une mesure importante car les États-Unis sont le seul pays industriel qui taxe ses citoyens, comme ses entreprises, sur leurs revenus mondiaux. Tout Américain, y compris ceux qui sont expatriés depuis des décennies, doit remplir une déclaration de revenus tous les ans à l’IRS. Le seul moyen d’échapper à cette obligation est désormais de ne plus être américain…

Le phénomène existe depuis longtemps. Il fut un temps où la dénonciation de sa citoyenneté américaine se faisait pour des raisons bien plus nobles et moins matérialistes. L’écrivain Henry James en 1915, scandalisé par la neutralité initiale des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, avait ainsi choisi de devenir britannique. Mais des considérations fiscales ont clairement orienté le choix d’Eduardo Saverin en 2011 de vivre à Singapour et de ne conserver que sa nationalité brésilienne en abandonnant l’américaine. Le cofondateur de Facebook a ainsi évité de payer 67 millions de dollars d’impôts sur les plus-values.

Les pionniers de l’investissement dans les pays émergents, John Templeton et Mark Mobius, ont compris, respectivement en 1968 et 1995, tout l’argent qu’ils économiseraient à ne plus détenir de passeport américain. La chanteuse Tina Turner, dès 1994, a coupé les ponts avec l’Oncle Sam pour devenir suisse. Son amour pour un producteur de musique allemand vivant à Zurich n’était probablement pas le seul facteur derrière sa décision.

Refusés par les banques

Pour quelque 6 millions d’Américains expatriés, Fatca se traduit par une nouvelle complication comptable pesante. Contrairement aux stéréotypes qui ont en partie poussé le Congrès à voter cette loi, les Américains à l’étranger ne sont pour la plupart pas des milliardaires motivés par l’évasion fiscale. Dans nombre de cas, ce sont des cadres qui se retrouvent pénalisés par leur expatriation. Certaines banques européennes refusent de les garder comme clients du fait du coût induit par l’obligation de communiquer leurs informations à l’IRS. Les entreprises découvrent que les coûts de mise en conformité de leurs effectifs d’Américains expatriés avec Fatca sont élevés. Convertir en dollars pour l’IRS les systèmes de retraites étrangers, y compris ceux qui comprennent des fonds en actions avec dividendes, nécessite par exemple le recours à des fiscalistes onéreux.

Marielouise Serrato, directrice exécutive d’American Citizens Abroad, association qui représente les intérêts des expatriés américains, tente de convaincre le Congrès de changer Facta : « Les Américains vivant aux États-Unis n’ont pas à déclarer leurs actifs financiers à l’IRS ou au Trésor… ces déclarations représentent une invasion de la vie privée et augmentent le risque de piratage des comptes et d’identité des Américains à l’étranger », souligne-t-elle. Mais les expatriés américains n’ont pas de représentants au Congrès. Leur cause n’y est donc guère entendue.

Certains veulent même punir ces exilés fiscaux qui renoncent à leur passeport américain. Un sénateur démocrate de New York, Chuck Schumer, a ainsi déposé un projet de loi visant à interdire le retour sur le sol américain des expatriés soupçonnés d’avoir renoncé à leur citoyenneté pour des raisons purement fiscales. Heureusement pour les Américains de l’étranger, son projet est enterré…

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/...



20/08/2014
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