Centrafrique - François Bozizé : Victime de ses erreurs tactiques
Sa logique de l’usure et du pourrissement de la situation en rusant par rapport aux accords de Libreville aura été contreproductive.
C’est l’analyste de La Nouvelle Centrafrique, Fanny Minao-Ndiaye qui trouve les mots assez justes pour décrire fin janvier 2013, comment le président déchu de Centrafique a tenté de reprendre la main à Bangui. En effet, elle revoit ce pick-up de l'armée sud-africaine, surmonté d'une mitrailleuse, patrouillant aux alentours du palais de la présidence, depuis longtemps déjà décrété zone militaire. François Bozizé peut enfin souffler après les tourments du maudit mois de décembre 2012 au cours duquel il a vu son pouvoir lui échapper. Le général président reprend confiance donc avec cette présence très visible des Sud-africains contrôlant les entrées et sorties de son palais. Le chef de l’exécutif aveuglé par cette apparente sérénité se met donc à expédier les affaires courantes.
Quitte à se détourner des résolutions de Libreville, qu'il a vécues comme un véritable supplice. Une espèce de fourches caudines inévitables. Il a donc laissé croire qu’il concédait une partie de son pouvoir. Que non! Au contraire, l’homme s’est livré à un test des défenses de l'adversaire. C’est ainsi qu’il va prendre le risque de décider de la forme du nouveau gouvernement. Sans consulter qui que ce soit, il tentera de l'imposer par décret. A sa grande surprise, son tour de magie a fonctionné. Le nouveau premier ministre à lui imposé, le temps d'une journée hostile, car pris de cours, finit par avaler la couleuvre. La Séléka s'en plaint et fait recours au médiateur congolais. Sans succès. Si le Premier ministre Tiangaye joue les faibles face à lutteur madré qu’est Bozizé, le président se met le doigt dans l’œil en décidant d'autorité de la nature de ce qui à son sens devait être l'union nationale. Un concept qu’il vide sans vergogne de son contenu pour rouvrir la porte à la guerre des tranchées. Se donnant la possibilité de reprendre la main, François Bozizé fabrique un second gouvernement au sein du gouvernement d’union nationale.
Car, l’éclatement du serpent Séléka en a fait une hydre à têtes multiples. A cette difficulté François Bozizé en a ajouté une autre: la volonté de saper l’action gouvernementale. Une attitude agaçante pour les ministres de la Séléka qui cherchaient dès lors la voie du retour vers la base. Une erreur encore une fois pour le chef de l’Etat qui s’est mis a faire des déclarations incendiaires contre ses adversaires de la Séléka. Or, il ne tenait plus rien du tout. Le rapport de force lui étant totalement défavorable. Tel le roi nu du conte d'Andersen, s’illusionnant des flatteries de la cour pour se croire habillé des plus belles parures, le président s’est mis en difficulté en prêtant oreille à ses vils flatteurs.
Né le 14 octobre 1946 à Mouila, au Gabon, celui qui accède au grade de général en 1979 sous Bokassa, s’empare du pouvoir le 15 mars 2003, alors que Ange Félix Patassé est en voyage au Niger, obligeant son prédécesseur, à l’exil au Cameroun, puis au Togo. Le coup d’Etat consommé, Bozizé devient chef de l’État et promet un sacro-saint processus de normalisation politique pour le retour à la démocratie. Il gagne une première élection litigeuse en 2005. Après les émeutes des Chimères en mars 2004, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide est renversé et part en exil en Rca, accueilli par François Bozizé qui est réélu au premier tour de l'élection présidentielle de 2011 avec 64,37% des voix face à Ange-Félix Patassé (21,41 %) et Martin Ziguélé (6,8%).