Centrafrique, Affaire Antoine Ntsimi. Les explications de François Bozizé à Paul Biya
Centrafrique, Affaire Antoine Ntsimi. Les explications de François Bozizé à Paul Biya
D’après des sources diplomatiques centrafricaines, le chef de l'Etat centrafricain a joint son homologue camerounais après l’expulsion violente, de Bangui, du Camerounais Antoine Ntsimi, président de la commission économique de l’Afrique centrale (Cémac).Le président centrafricain, l’ex-chef de guerre, François Bozizé, a eu le courage de ses actes. Après avoir ordonné personnellement le refoulement du président de la commission de la Cémac dès son arrivée dans la capitale centrafricaine le 21 mars 2012 par de hauts gradés de l’armée, est entré aussitôt en contact avec Yaoundé (d’après des responsables des services de la communication de la présidence de la République centrafricaine ayant requis l’anonymat) pour « expliquer au président de la République camerounaise, son cher ainé Paul Biya, les raisons de cette attitude inélégante, voire anti-diplomatique ». D’après nos sources, le président centrafricain qui aurait eu de vive voix, au téléphone, son homologue camerounais, aurait expliqué cette attitude par « l’arrogance impétueuse » du président de la Commission qui commençait à remettre son autorité en question. Le président centrafricain aurait également, d’après les mêmes sources, fait savoir qu’en dehors des raisons purement personnelles, il lui a été donné de remarquer de concert avec deux autres chefs d’Etat de la sous-région que les dossiers piétinent depuis plus de quatre mois que son mandat est échu. Et que le patron exécutif de la Cémac est plus porté sur les commodités que lui confèrent sa fonction que sur les «vrais dossiers de la Cemac».
Pour le moment, aucune source diplomatique camerounaise n’a confirmé ni infimé l’information. Mais les sources centrafricaines autorisées indiquent que Paul Biya qui a condamné cet acte de barbarie a indiqué à son homologue qu’il emploierait des voies de recours que prévoient les statuts de la Cemac, en donnant à cet évènement, une tonalité multilatérale avant d’en faire éventuellement une affaire bilatérale. C'est-à-dire par exemple, procéder au rappel du chargé d’affaire de l’ambassade du Cameroun à Bangui ou encore à la convocation de l’ambassadeur de Centrafrique à Yaoundé. Ceci a pris corps avec la saisine du président en exercice de la Cemac, le Congolais Denis Sassou N’Guesso et un communiqué du gouvernement camerounais dénonçant l’expulsion d’Antoine Ntsimi, signé du ministre des Relations extérieures Pierre Moukoko Mbonjo, jeudi dernier, 22 mars 2012.
Condescendance
Sous cape, les autorités centrafricaines se plaignent de l’extrême insolence d’Antoine Ntsimi qui se faisait passer « pour le président des présidents de la Cémac ». La presse locale rapporte que plusieurs fois en public, Antoine Tsimi a posé des actes de zèle vis-à-vis du chef d’Etat centrafricain. Même la presse dite officielle, plus encline à la réserve s’est montrée quelques fois outrée par la « condescendance d’Antoine Tsimi » qui, malgré plusieurs demandes de François Bozizé, n’a jamais voulu notamment convoqué les conférences des ministres de la Cémac, préparatoires à la désignation d’un nouveau président de la commission de cette institution sous-régionale. Dans tous les cas, face au cas Ntsimi qui était devenu une question d’orgueil national dans les cercles de pouvoir, le président Bozizé a choisi, d’opposer la violence au silence de Yaoundé. Quitte à violer les accords de Fort-Lamy (Ndjamena) qui créaient l’Union douanière des Etats de l’Afrique centrale (Udeac), ancêtre de la Cémac. Ces accords stipulent notamment que Bangui héberge le siège de l’organisation sous-régionale et que le poste de son patron exécutif revienne au Cameroun qui y désigne un ressortissant de son choix.
N’empêche ! Très remonté contre Ntsimi, François Bozizé menait déjà une campagne depuis plusieurs mois pour obtenir son limogeage. « La Cémac fait du surplace depuis deux ans, a jugé Bozizé le 15 février sur la chaîne Voxafrica. Nous accusons le président de la Commission de ne pas respecter les textes, de faire traîner les choses. » Et d'enfoncer le clou : « Il faut qu'un sommet des chefs d'État ait lieu pour prendre enfin de grandes décisions. La Cemac doit fonctionner comme les autres institutions sous-régionales d'Afrique. On tourne en rond. Je dois le dénoncer ». De fait, depuis les deux sommets de 2010, en janvier à Bangui et en juin à Brazzaville, les dirigeants des six pays de la Cemac ne se sont plus réunis, laissant en panne plusieurs grands chantiers : le rapprochement des Bourses de Libreville et de Douala, le passeport biométrique, le lancement de la compagnie sous-régionale Air Cemac.
Encore fallait-il qu'un consensus se dessine au plus haut niveau - le Camerounais Paul Biya s'opposait alors en toute logique au départ de Ntsimi - et qu'un sommet se tienne enfin... Car, initialement prévu en janvier 2012, il a été repoussé à mars, Coupe d'Afrique des nations de janvier février au Gabon et en Guinée équatoriale l’empêchait. Puis, il a été à nouveau remis, à fin avril prochain. Mais en raison du départ du président camerounais vers la Suisse, il a été ajourné, d’après nos sources. Paul Biya et son compatriote Antoine Ntsimi seraient à l’origine de ce nouveau report.
Rodrigue N. TONGUE
Focal. Au coeur de l’incident diplomatique
Antoine Ntsimi se rendait à Bangui mercredi 21 mars 2012 à bord d’un vol commercial d’Ethiopia Airlines assurant la ligne Douala-Bangui-Addis-Abeba. Ce, après un séjour de quelques jours au Cameroun.
Il ne foulera pas le sol centrafricain. A fortiori, il sera contraint de continuer son voyage jusqu’à Addis-Abeba. Et pour cause, la descente du vol lui a été interdite d’abord par le commissaire de l'aéroport international Bangui-Mpoko puis par de hauts gradés de l’armée centrafricaine qui, d’après quelques passagers, l’ont littéralement brutalisé en le tenant brutalement par le collet [cravater, comme trivialement décrit, ndlr] et l’enjoignant « de ne jamais revenir à Bangui sauf ordre contraire ».
La scène odieuse se déroulait en présence du Premier ministre centrafricain et d’autres officiels de ce pays présents dans le même avion. Il y a trois mois déjà, cette guéguerre a été transportée sur le terrain médiatique. C’est un article de presse taxé d’injurieux à l’égard du président centrafricain, publié sur le site Afrik.com qui aurait mis le feu aux poudres et suscitait de vives réactions au sein de la classe politique et sociale centrafricaine, poussant à la rédaction de plusieurs déclarations d’officiels centrafricains et même des sorties médiatiques de Bozizé himself.
Jusqu’à ce qu’après une visite dite de courtoisie à son homologue tchadien, Idriss Déby Itno, François Bozizé a décidé de placer Antoine Ntsimi persona non grata en territoire centrafricain où se trouve le siège de la Commission de la Cémac. Déjà, dimanche 19 mars 2012, le chef de l’Etat gabonais, Ali Ben Bongo, invité sur Rfi, a rappelé la nécessité que dorénavant les institutions de la Cémac (la commission, la banque centrale, le parlement etc.) soient gérées en rotation entre les Etats membres. Il dénonçait également l’attitude du Camerounais Antoine Ntsimi.
Dans le camp camerounais, on a saisi le chef de l’Etat congolais, Denis Sassou N’Guesso ; est qualité, président en exercice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), en vue de servir de médiateur de cet incident consécutif au refoulement par la République centrafricaine du président de la Commission de cette institution, Antoine Ntsimi. Dans un bref communiqué lu sur les ondes de la radio publique camerounaise (Crtv), le 22 mars le ministre des Relations extérieures (Minrext) et publié dans Cameroon-tribune le lendemain, Pierre Moukoko Mbonjo, indique que M. Sassou a été prié de «régler cet incident diplomatique».