Ce que Marafa n’a pas dit

Cameroun : Ce que Marafa n’a pas ditL’ex bras droit indique que le changement est imminent sous sa houlette. Mais ne dis pas comment. Pistes d’enquête…

« Je suis prêt », écrit Marafa Hamidou Yaya en toute fin de sa cinquième lettre qui circule depuis quelques jours, dans la quelle il invite les camerounais,  dans la non violence et sans trouble à l’ordre public, à ne pas attendre sept ans avant de mettre Paul Biya à la retraite. Un cri de ralliement ? Augure d’un renversement imminent de situation ? Ou simplement une opération de teasing visant reconquérir l’attention d’une opinion quelque peu distraite, autant par le triste sort de Titus Edzoa qui subit un cruel acharnement du régime, que par le coming-out politique de Maurice Kamto ? En tout cas, c’est par ce « je suis prêt », lapidaire, que Marafa Hamidou Yaya, ex-cacique du régime Biya en rupture de ban, condamné à 25 ans de prison par le système qu’il a servi avec zèle, conclut sa cinquième lettre, lui qui avait rangé sa plume dénonciatrice le temps de son procès marathon. Une lettre tellement attendue que quelques manipulateurs, une semaine plus tôt, avaient déjà inventé une vraie-fausse missive à la tonalité corrosive, attribuée au célèbre pensionnaire des cellules du secrétariat d’Etat à la défense à Yaoundé.

Ceux qui s’attendaient à une nouvelle bombe dont les ogives seraient bourrées de révélations sur les dessous immoraux du régime de Paul Biya resteront assurément sur leurs faims à la lecture de la cinquième lettre de Marafa. Dans cette correspondance rendue publique avec  force précautions sécuritaires, l’homme qui arrangeait les élections au bénéfice de Paul Biya se contente de prendre date avec l’histoire, surfant quelque peu sur les drames récents de l’actualité nationale, et montrant à l’opinion qu’il garde la tête haute, le tribunal ayant clairement reconnu qu’il n’a rien détourné, et qu’il n’est qu’un « co-auteur intellectuel », comme pourraient l’être tous ceux qui étaient régulièrement informés du dossier. Sans exception…
Fier de cette nouvelle stature de prisonnier politique, le fils de Garoua déroule ses priorités immédiates : la révision du code électoral pour le rendre plus consensuel –bizarrement il n’y pensait pas quand il était ministre chargé des élections-, la mise en place du sénat et du conseil constitutionnel, et la lute contre la corruption.

Ce que le ministre d’Etat en disgrâce ne dit pas, c’est comment, du fond de sa prison qui sauf justice va être longue, il compte venir à bout de la résistance réputée en acier de Paul Biya et des siens, résolument réfractaires à toute normalisation institutionnelle du pays. Marafa, constatons-le, n’a pas tort. C’est depuis 1996 que la constitution camerounaise prévoir la mise en place du Senat, et du conseil constitutionnel. En 2012, soit seize années plus tard, le régime qui ne cesse de  clamer sa grande efficacité sans jamais le prouver, n’est pas parvenu à créer ces deux instituions.

Ailleurs sur le continent, c’est une question de mois, tout au plus, et chez nous une affaire de décennies. C’est dire si Marafa Hamidou Yaya a bien identifié les thèmes qui vont mobiliser l’attention du public camerounais, partant des intellectuels jusqu’aux petits débrouillards. On notera, bien entendu, qu’il a omis de parler de l’article 66 de la constitution qui fait obligation depuis 16 ans aux hauts responsables de l‘Etat de déclarer leurs biens dès l’entame de leur fonction à commencer par le président de la république. Un autre mystère de cette missive, mais un oubli d‘autant plus curieux que précisément, dans cette cinquième lettre, l’ancien bras droit du président Biya s’engage devant les camerounais à pousser « l’actuel chef de l’état à lutter réellement contre la corruption et à traduire en justice, les vrais auteurs de détournement des biens publics, dont certains plastronnent aujourd’hui au gouvernement, alors que les preuves de leur forfaiture sont établies ».

Par quels, moyens ? Là aussi le ministre d’Etat Marafa ne le dit pas. Mais on devine aisément que ses prochaines lettres au public seront sulfureuses : croustillantes pour les friands de révélation et périlleuses pour ceux qui nous gouvernent. De sa posture de secrétaire général de la présidence, homme de confiance du président, carrefour incontournable des fiches émanant de la dizaine de services secrets qui quadrillent le pays, il a collectionné assez d’éléments compromettants sur la plupart des hommes du système. Contraindre Paul Biya à envoyer  du beau monde en justice, c’est probablement verser suffisamment de preuves sur la place publique de façon à mettre ces possibles prévaricateurs face à leurs destins judicaires.

La tonalité de la lettre, qui se veut mobilisatrice d’un groupe de soutien probablement constitué  mais encore méconnu du grand public, et que l’auteur de la lettre semble bien identifier, laisse naturellement interrogateur.

Car ce qu’il ne dit pas, c’est sous quelle bannière il compte promouvoir son projet de société, dite « la société de confiance ». Lorsqu’il critique sévèrement le régime de Paul Biya dont il de désolidarise trop tardivement du bilan, Marafa indique ce qui suite à ses compatriotes : « Après la pantalonnade de mon procès qui n’avait pour autre objectif que celui de m’écarter de la vie publique, et surtout de détourner votre attention de l’échec cuisant de la politique actuelle, les camerounais se verront bientôt proposer d’autres bouffonneries judiciaires, dans le seul but de dégager toute la responsabilité de l’actuel chef de l’état dans l’impasse politique, économique et morale où se trouve acculé le Cameroun ».

 A la suite d’une telle diatribe, on s’attend, à ce qu’il indique dans appareil il compte se mouvoir pour concrétiser es idées. En somme : quand est-ce que Marafa Hamid ou Yaya, membre du bureau politique du RDPC va-t-il démissionner de ce parti pour donner plus d’allure à sa nouvelle position politique. Là est la grande question à la quelle il n'a pas répondu. Car il peut être certain que le RDPC, formation politique rentière et hibernante qui ne fonctionne pas et où on danse plus qu’on ne pense, n’est pas assez articulée pour constater qu’un membre du bureau politique qui s’insurge contre les options du parti, peut être démis. La prochaine missive, annoncée pour être aussi riche en révélations que la précédente donnera-t-elle également des clarifications dans ce sens ? Vivement.

© La Nouvelle Expression : François Bambou


09/10/2012
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