Catastrophe de Nsam : les 250 morts qu’on aurait pu éviter
12.07.2016
CAMEROUN - Catastrophe de Nsam : les 250 morts qu’on aurait pu éviter
Dans une tribune, Jean-Baptiste Nguini Effa, ex-Dg de la Scdp, explique que le 14 février 1998, le dispositif de sécurité n’a pas été déclenché, car ni les autorités administratives, ni la police, ni la gendarmerie, ni les sapeurs-pompiers n’ont répondu aux appels. Plus tard, les relevés téléphoniques ont disparu. Les enquêtes prescrites par le chef de l’Etat n’ont jamais abouti.
Doute, consternation, colère, révolte et même rancoeur. Voici que la catastrophe de Nsam recommence à perturber les esprits, et crée des états d’âme, 18 ans plus tard. Et si, depuis le fond de sa prison, Jean-Baptiste Nguini Effa disait la vérité ? se demande-t-on après avoir lu la tribune de l’ex-directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp).
Il s’agit de la « mise au point » publié par le quotidien Le Jour dans son édition du vendredi 1er juillet 2016. Le prisonnier de l’opération Epervier a réagi au rapport 2014 de la Commission nationale anti-corruption (Conac), sur l’état de la corruption au Cameroun. Rapport rendu public le 27 juin 2016. Nguini Effa ne fait pas que se défendre contre l’accusation du détournement de 14 milliards F.Cfa dans l’indemnisation des victimes de la catastrophe de Nsam ce triste 14 février 2008.
Il révèle surtout que les 250 morts, selon le bilan officiel, auraient pu être évités si des dirigeants de la ville de Yaoundé avaient seulement pris le téléphone. « M. Ella Jacques (le chef de dépôt de Nsam) avait pris toutes les mesures préventives prévues par les procédures de sécurité en vigueur dans et autour d’un dépôt pétrolier, notamment la mise en alerte de tout le dispositif de lutte contre les incendies », écrit Nguini Effa. Mais le dispositif n’a pas fonctionné. Et pour cause, avant l’explosion meurtrière, M. Ella a essayé en vain de joindre « tout ce que Yaoundé compte comme forces de maintien de l’ordre (sapeurs pompiers, police de la Regifercam, commissariats de sécurité publique, gendarmerie de l’aéroport de Yaoundé, préfet, sous-préfets. »
Le chef du dépôt de Nsam n’a jamais trouvé quiconque pouvait lui apporter le soutien nécessaire pour établir un périmètre de sécurité et éloigner de ce fait la masse de personnes venues recueillir le carburant se déversant dans la nature après l’accident de deux wagons citernes.
Enquête bloquée
L’accident est survenu à 9h 30. Jusqu’à l’explosion à 13h 30, M. Ella a multiplié les appels téléphoniques, sans jamais obtenir l’aide sollicitée. Or, il était urgent d’installer les canons puissants projecteurs des mousses spéciales pour empêcher un éventuel incendie dans ce site arrosé de carburant et bondé de monde. Abandonné à lui-même, M. Ella n’a rien pu faire face à la marrée humaine qui l’empêchait de déclencher son dispositif. Plus tard, après le drame qu’il cherchait à éviter, le chef de dépôt de Nsam est pourtant arrêté et incarcéré.
Jean-Baptiste Nguini Effa affirme que c’est lui, Dg de la Scdp à l’époque, qui fait libérer son collaborateur au bout de 72 heures (3 jours) détention. Aujourd’hui, Jacques Simon Ella ne vit plus. Et Jean-Baptiste Nguini Effa soutient que l’enquête judiciaire prescrite par le président de la République n’est jamais allée plus loin. Du moins, les résultats demeurent inconnus de nos jours ; tout comme l’enquête administrative n’a livré que ses conclusions et recommandations.
Or, l’un des enjeux était de déterminer les différents niveaux de responsabilité dans la survenue de la catastrophe. Nguini Effa soupçonne alors qu’il y ait eu des interventions pour que la vérité ne soit jamais connue. « Les relevés des appels téléphoniques multipliés pour alerter les forces de maintien de l’ordre et les autorités administratives ont curieusement disparu depuis lors des listings des Postes et Télécommunication (P.T.T.) », constate l’ex-Dg de la Scdp.
M. Nguini Effa rappelle que lui, le Dg de la Scdp, avait écrit au Premier ministre, Peter Mafany Musonge, et au ministre de l’Eau et de l’énergie, pour les alerter de « la survenance très probable d’un incendie autour et dans les dépôts pétroliers. » Le risque de catastrophe était donc très élevé à cause du trafic de carburants qui se faisait à ciel ouvert, au vu et su de tous, sur les installations de la Scdp. Nguini Effa dit qu’il avait signaler l’urgence de prendre des « mesures énergiques et des dispositions adéquates » qui malheureusement n’ont jamais été prises.
Et si Nguini Effa disait la vérité ? La question revient, plus pressante encore. Le dossier Nsam n’aurait donc jamais livré ni les véritables fautifs, ni les personnes qui ont profité de ce drame humain. Au Cameroun, ça ne serait guère surprenant.
© Source : Le Jour : Assongmo Necdem
Doute, consternation, colère, révolte et même rancoeur. Voici que la catastrophe de Nsam recommence à perturber les esprits, et crée des états d’âme, 18 ans plus tard. Et si, depuis le fond de sa prison, Jean-Baptiste Nguini Effa disait la vérité ? se demande-t-on après avoir lu la tribune de l’ex-directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp).
Il s’agit de la « mise au point » publié par le quotidien Le Jour dans son édition du vendredi 1er juillet 2016. Le prisonnier de l’opération Epervier a réagi au rapport 2014 de la Commission nationale anti-corruption (Conac), sur l’état de la corruption au Cameroun. Rapport rendu public le 27 juin 2016. Nguini Effa ne fait pas que se défendre contre l’accusation du détournement de 14 milliards F.Cfa dans l’indemnisation des victimes de la catastrophe de Nsam ce triste 14 février 2008.
Il révèle surtout que les 250 morts, selon le bilan officiel, auraient pu être évités si des dirigeants de la ville de Yaoundé avaient seulement pris le téléphone. « M. Ella Jacques (le chef de dépôt de Nsam) avait pris toutes les mesures préventives prévues par les procédures de sécurité en vigueur dans et autour d’un dépôt pétrolier, notamment la mise en alerte de tout le dispositif de lutte contre les incendies », écrit Nguini Effa. Mais le dispositif n’a pas fonctionné. Et pour cause, avant l’explosion meurtrière, M. Ella a essayé en vain de joindre « tout ce que Yaoundé compte comme forces de maintien de l’ordre (sapeurs pompiers, police de la Regifercam, commissariats de sécurité publique, gendarmerie de l’aéroport de Yaoundé, préfet, sous-préfets. »
Le chef du dépôt de Nsam n’a jamais trouvé quiconque pouvait lui apporter le soutien nécessaire pour établir un périmètre de sécurité et éloigner de ce fait la masse de personnes venues recueillir le carburant se déversant dans la nature après l’accident de deux wagons citernes.
Enquête bloquée
L’accident est survenu à 9h 30. Jusqu’à l’explosion à 13h 30, M. Ella a multiplié les appels téléphoniques, sans jamais obtenir l’aide sollicitée. Or, il était urgent d’installer les canons puissants projecteurs des mousses spéciales pour empêcher un éventuel incendie dans ce site arrosé de carburant et bondé de monde. Abandonné à lui-même, M. Ella n’a rien pu faire face à la marrée humaine qui l’empêchait de déclencher son dispositif. Plus tard, après le drame qu’il cherchait à éviter, le chef de dépôt de Nsam est pourtant arrêté et incarcéré.
Jean-Baptiste Nguini Effa affirme que c’est lui, Dg de la Scdp à l’époque, qui fait libérer son collaborateur au bout de 72 heures (3 jours) détention. Aujourd’hui, Jacques Simon Ella ne vit plus. Et Jean-Baptiste Nguini Effa soutient que l’enquête judiciaire prescrite par le président de la République n’est jamais allée plus loin. Du moins, les résultats demeurent inconnus de nos jours ; tout comme l’enquête administrative n’a livré que ses conclusions et recommandations.
Or, l’un des enjeux était de déterminer les différents niveaux de responsabilité dans la survenue de la catastrophe. Nguini Effa soupçonne alors qu’il y ait eu des interventions pour que la vérité ne soit jamais connue. « Les relevés des appels téléphoniques multipliés pour alerter les forces de maintien de l’ordre et les autorités administratives ont curieusement disparu depuis lors des listings des Postes et Télécommunication (P.T.T.) », constate l’ex-Dg de la Scdp.
M. Nguini Effa rappelle que lui, le Dg de la Scdp, avait écrit au Premier ministre, Peter Mafany Musonge, et au ministre de l’Eau et de l’énergie, pour les alerter de « la survenance très probable d’un incendie autour et dans les dépôts pétroliers. » Le risque de catastrophe était donc très élevé à cause du trafic de carburants qui se faisait à ciel ouvert, au vu et su de tous, sur les installations de la Scdp. Nguini Effa dit qu’il avait signaler l’urgence de prendre des « mesures énergiques et des dispositions adéquates » qui malheureusement n’ont jamais été prises.
Et si Nguini Effa disait la vérité ? La question revient, plus pressante encore. Le dossier Nsam n’aurait donc jamais livré ni les véritables fautifs, ni les personnes qui ont profité de ce drame humain. Au Cameroun, ça ne serait guère surprenant.
© Source : Le Jour : Assongmo Necdem