En plus de la pénurie observée dans le matériel de fabrication du précieux sésame, les services de la police judicaire mènent une traque sans merci contre les agents ripoux, fraudeurs et contrefacteurs. Sales temps pour les agents véreux en service dans les commissariats et postes d'identification où sont produites les cartes nationales d'identité informatisées. Au niveau de la Sacel, structure de droit privé chargée de les fabriquer, l'heure est à la suspicion et à la méfiance. «Nos coups de fil et conversations sont sur écoute. Tout se passe comme si on est même filé dans nos gestes», avoue un employé de la Sacel sous anonymat. Selon certaines indiscrétions, un vaste réseau de fraude et de fabrication de fausses cartes a pignon sur rue. Grâce à leurs connexions qui s'étendent au niveau des commissariats et points d'identification, ils ont réussi à infiltrer la maison de production et peuvent directement intervenir sur les machines en torpillant et en falsifiant les données. Ledit réseau est passé dans l'art de débloquer les situations des personnes happées à deux identités (DI). Avec du clinquant, le réseau fait obtenir même l'impossible.
A la direction de la police judicaire, une grande enquête est ouverte depuis quelques jours. A longueur de journées, des agents sur qui pèsent certaines accusations et soupçons sont interpellés et entendus. Du photographe au policier en passant par les informaticiens en service à la Sacel, ceux qui interviennent dans les circuits défilent à la police judicaire. Certaines sources nous ont signalé la garde à vue, depuis une semaine, d'une poignée de policiers sur qui pèsent des accusations. Joint au téléphone, le commissaire divisionnaire Dili Jacques, directeur de la police judiciaire, n'a pas voulu s'étendre sur le sujet. «Nous sommes en ce moment préoccupés par cette affaire du bébé volé qui fait tant couler encre et salive. Pour l'instant, votre histoire de faussaires des cartes nationales d'identité arrive après. Non pas que la police judiciaire ne trouve pas important le sujet; car il s'agit de la protection de la nationalité camerounaise, mais nous faisons une chose à la fois. Par ailleurs, les enquêtes sont ouvertes, on ne peut rien communiquer tant que les choses ne sont pas claires. Revenez-nous voir dans deux ou trois semaines», répond-il au reporter du Messager. Non sans infirmer, ni confirmer la traque que mènent ses éléments.
Le revers de la médaille
Au niveau de l'entreprise Sacel, même si les langues ne se délient pas, le vent de panique est perceptible. On annonce des sanctions graves, surtout à l'encontre de ceux qui versent dans cet affairisme. «Jusqu'ici, les circuits de la fabrication des cartes d'identité informatisées autant que ceux du passeport biométrique, connaissaient quelques failles, à cause de la grande mafia et les gangs de faussaires qui sont attirés par le précieux sésame. Mais des efforts ont été faits dans le sens de la maîtrise des circuits de fraude; car même après avoir déboursé d'énormes sommes d'argent, la fabrication suivie de la livraison de la «marchandise», n'étaient pas toujours une bonne affaire», avoue un agent en poste dans l'entreprise. Il ne se passait pas de jour que n'affluent, dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, des actes d'escroquerie et des abus de confiance, ayant pour la majorité comme toile de fond une affaire de gros sous concernant la carte nationale d'identité ou le passeport.
Des sources dignes de foi expliquent la remontée spectaculaire des fraudes et de la falsification des données, en machines, dans la fabrication des cartes nationales d'identité, à cause de l'impréparation et l'improvisation provoquées par le décret du chef de l'Etat prononçant la gratuité du précieux sésame. La décision du président Paul Biya, qui visait un objectif purement politique, n'avait pas pris en compte un grand nombre de paramètres ; comme celui sur la sécurisation du processus ou même celui sur la formation et la disponibilité des ressources tant humaines que matérielles. En un temps record, pour des besoins électoraux, les circuits de production ont été inondés de demandes. Cette saturation aurait favorisé et créé un relâchement au niveau des mesures de surveillance et du traitement des données. Dans un tel contexte, les spécialistes de la fraude auraient profité de la situation et au prix de nombreuses arnaques et rançons, ils auraient fait fabriquer des cartes d'identité à ceux qui n'en méritaient pas. Jusqu'où va-t-on arriver avec cette saignée? Wait and see.